Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe quand l’État décide, d’un trait de plume à Bercy, de retirer 177 millions d’euros à la région la plus riche de France ? Moi oui. Et franchement, ça fait mal au cœur.
Ce n’est pas une théorie du complot, c’est le budget 2026 de l’Île-de-France qui vient d’être présenté. Et le message est clair : on serre la vis, mais on refuse de sacrifier l’avenir.
Une ponction qui laisse des traces
177 millions d’euros. C’est le chiffre qui revient en boucle quand on parle du prochain budget régional. Une perte brutale de recettes, directement liée aux choix du gouvernement central. Après 130 millions déjà amputés en 2025, ça commence à faire beaucoup.
Pour vous donner une idée : avec 177 millions, on pourrait construire environ trois lycées neufs de taille moyenne. Ou acheter plus de 400 bus électriques. Ou encore financer l’intégralité des bourses régionales pendant cinq ans. Bref, ce n’est pas de l’argent de poche.
« On subit une saignée de l’État. On compte chaque centime. »
Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France
Le ton est donné. Et derrière la formule choc, il y a une réalité comptable implacable. Le budget total de fonctionnement et d’investissement tourne autour de 4,57 milliards d’euros. Perdre 4 % de ses recettes, ce n’est pas anodin, même pour la région la plus puissante de France.
Les mesures d’économie qui font mal
Quand les recettes baissent, il y a deux solutions : augmenter les impôts (politiquement suicidaire) ou réduire les dépenses. La région a choisi la deuxième option. Et elle ne fait pas dans la dentelle.
- Suppression d’une cinquantaine de postes au siège régional à Saint-Ouen
- Gel des subventions aux organismes associés (agences, instituts, etc.)
- Rationalisation déjà entamée depuis le déménagement de Paris à Saint-Ouen en 2020
- Plan global d’économies de fonctionnement de plusieurs centaines de millions
Concrètement, des agents vont perdre leur emploi. Des projets portés par des structures satellites vont être mis en pause. C’est le genre de décision qu’aucun élu n’aime prendre, mais qu’on ne peut plus repousser quand les caisses sonnent creux.
Et pourtant – et c’est là que ça devient intéressant – la région refuse de toucher à ses grandes priorités.
L’éducation : la grande gagnante malgré tout
Dans ce contexte de disette, devinez quel poste budgétaire augmente de 10 % ? L’éducation. Oui, vous avez bien lu.
1,9 milliard d’euros seront consacrés aux lycées en 2026. C’est énorme. Et c’est justifié par un phénomène qu’on observe depuis plusieurs années : les familles quittent Paris pour la petite et la grande couronne. Résultat ? Les lycées parisiens se vident, ceux de Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise ou de Seine-et-Marne explosent.
Quelques exemples concrets de chantiers prévus :
- Nouveau lycée à Romainville (93)
- Extension à Gonesse (95)
- Construction à Magny-en-Vexin et Montévrain (77)
- Des dizaines d’opérations de rénovation et de mise aux normes
Au-delà des briques et du mortier, il y a aussi du matériel. Au printemps 2026, des milliers d’ordinateurs plus puissants seront distribués aux élèves de seconde, première et CAP. Les professeurs ne seront pas oubliés : 10 000 d’entre eux recevront aussi du nouveau matériel. Même le Code de la route fera l’objet de stages spécifiques.
Franchement, quand on voit certaines régions qui peinent à maintenir leurs établissements ouverts, voir l’Île-de-France investir aussi massivement dans ses lycées, ça force le respect.
Les transports : l’autre priorité intouchable
Deuxième gros morceau : les transports. La région reste le premier financeur d’Île-de-France Mobilités. En 2026, elle versera 823 millions d’euros, soit 30 millions de plus qu’en 2025.
Ce n’est pas de la générosité gratuite. C’est une nécessité vitale. Les Franciliens passent en moyenne 1h30 par jour dans les transports. Quand ça ne fonctionne pas, c’est toute l’économie régionale qui tousse.
Ce que ces 823 millions vont financer :
- 1 000 bus neufs commandés par an
- Accélération du renouvellement des métros et RER
- Ouverture de la ligne 18 (Massy-Saclay)
- Poursuite des chantiers des lignes 15, 16, 17 et 18 du Grand Paris Express
- Développement du réseau vélo régional (objectif 750 km en 2030)
On parle souvent du retard français en matière de transports publics. Eh bien en Île-de-France, malgré les contraintes budgétaires, ça avance. Et ça avance même vite.
Santé : le désert médical au cœur des préoccupations
Troisième priorité, et pas des moindres : la santé. La région va consacrer 285 millions d’euros à la formation des soignants et à l’attractivité médicale.
Nouvelle mesure phare : la sécurisation des cabinets médicaux. Après la hausse de 24 % des agressions contre les personnels de santé en 2024, la région veut agir concrètement. Alarmes, vitrages renforcés, vidéoprotection… tout sera étudié.
C’est le genre de sujet qu’on voit rarement en haut de l’affiche politique, mais qui change la vie des gens au quotidien.
La comparaison qui fait mal avec Paris
Impossible de parler budget sans évoquer la petite phrase qui a fait mouche. La dette par habitant à Paris serait sept fois plus élevée que celle de la région : 3 719 euros contre 523 euros seulement.
Derrière le chiffre, il y a une philosophie de gestion. La région met en avant sa rigueur budgétaire, validée par la chambre régionale des comptes. Paris, elle, assume une politique d’investissement massif financée par l’emprunt. Deux visions qui coexistent dans la même agglomération.
Qui a raison ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que les Franciliens paient les deux stratégies : via leurs impôts régionaux d’un côté, via la dette qu’il faudra bien rembourser un jour de l’autre.
Un budget de combat
Au final, ce budget 2026 ressemble à un numéro d’équilibriste. Réduire les dépenses de fonctionnement tout en augmentant les investissements stratégiques. Supprimer des postes administratifs tout en créant des places dans les lycées. Geler des subventions satellites tout en accélérant les grands chantiers de transport.
C’est un exercice de haute voltige. Et pour l’instant, la région semble tenir sur la corde.
Mais jusqu’à quand ? C’est la question que tout le monde se pose. Car si les ponctions de l’État continuent au même rythme, même la région la plus riche de France finira par craquer.
En attendant, les lycées continuent de sortir de terre. Les bus neufs arrivent. Les futures lignes de métro avancent. Et les étudiants reçoivent leurs nouveaux ordinateurs.
Preuve que même quand les caisses sont vides, quand on a une vision claire et des priorités solides, on peut encore faire des miracles.
Ou du moins, essayer.
