Vous souvenez-vous de cette sensation, enfant, quand le chapiteau surgissait au bout du champ comme un vaisseau venu d’ailleurs ? Les odeurs de pop-corn, les éclats de rire, la peur délicieuse quand le trapéziste lâchait la barre… Moi, je n’ai jamais vraiment grandi de ça. Et figurez-vous que je ne suis pas le seul.
Dans un coin tranquille de l’Eure, à Courcelles-sur-Seine, une famille vient de faire exactement ce que beaucoup rêvent de faire sans jamais oser : planter son propre chapiteau. Pas pour une semaine, pas en invités. Non, pour de vrai. Avec leur nom dessus. Le Cirque Thierry existe désormais, et il est porté par trois générations qui n’avaient pourtant aucune attache ancestrale avec la piste.
Quand la passion rattrape toute une vie
Bruno a 63 ans. Chef d’entreprise le jour, adjoint à la culture dans sa commune, il aurait pu se contenter d’une retraite paisible. Sauf que depuis ses six ans, il collectionne tout ce qui touche au cirque : affiches jaunies, costumes oubliés, plus de 6 000 pièces qui dorment dans des malles. Il a commencé par monter les chapiteaux des autres, bénévolement. Puis il a enfilé le nez rouge. L’Auguste. Le clown qui fait rire quand tout déraille.
Il aurait pu s’arrêter là. Beaucoup l’auraient fait. Mais quand on a passé trente ans à défendre ce monde de voyageurs, comme il dit, on finit par vouloir y appartenir complètement.
« On croit que les gens du cirque sont inaccessibles. Moi je vous le dis : ils m’ont ouvert leur porte, leur piste, leur cœur. »
Bruno n’est pas né sous un chapiteau, mais il a fini par en construire un. Avec ses propres mains, ou presque.
La transmission : plus forte que le sang
Cyril, son fils, n’a pas eu besoin qu’on lui explique. Il est né dedans, ou presque. Les répétitions, les odeurs de sciure, les applaudissements : c’est son enfance. À 30 ans, il jongle comme d’autres respirent. Cinq massues, sept balles, peu importe. Il a appris auprès des meilleurs, sans école, juste en regardant, en essayant, en tombant, en recommençant.
Puis Noémie est arrivée. Et là, le duo est devenu explosif – au sens propre. Leur numéro mélange arbalète (oui, une vraie), jonglerie et équilibre sur une rampe instable. Du genre à faire retenir son souffle au public. Dix ans qu’ils tournent en France, Belgique, Espagne. Et pourtant, ils rêvaient d’autre chose.
Ils rêvaient d’un chapiteau qui leur appartiendrait.
Un chapiteau 100 % autofinancé
Parce qu’il faut le dire clairement : monter un cirque aujourd’hui, c’est un pari fou. Les grands dinosaures ferment les uns après les autres. Les coûts explosent. Les réglementations sur les animaux ont changé la donne. Beaucoup jettent l’éponge.
Les Thierry, eux, ont tout misé. Leurs économies. Leur temps. Leurs nuits. Le chapiteau de 200 places ? Acheté. Les gradins ? Montés maison. Les décors ? Peints à la main. Pas d’animaux, jamais. Juste des humains, leur talent, et une envie viscérale de faire vivre cette tradition autrement.
- Un chapiteau flambant neuf de 200 places
- Quatre artistes de trois générations différentes
- Neuf numéros créés sur mesure
- Un spectacle d’1h45 sans temps mort
- Un show spécial Noël avec le vrai Père Noël (promis !)
Et le petit Marin, 5 ans, est déjà de la partie. Il ne fait pas encore le grand numéro, mais il entre en piste, il salue, il vit ça. Comme son père avant lui. Comme son grand-père avant son père.
Pourquoi ça marche (alors que tant échouent)
Franchement, j’ai posé la question à Cyril. Il m’a répondu sans hésiter : « Parce qu’on connaît tout le monde. » Trente ans de réseau, de coups de main, de festivals créés (celui d’Aubevoye existe toujours grâce à Bruno), de présences à Monte-Carlo, de liens avec les plus grands noms. Quand ils ont annoncé le projet, les messages de soutien ont plu. Même des légendes du cirque ont applaudi publiquement.
Le milieu, souvent présenté comme fermé, a ouvert grand les bras. Parce qu’ils ne sont pas des « gadjés » qui jouent aux circassiens le dimanche. Ils ont fait leurs preuves. Année après année.
« Ce n’est pas tous les jours qu’un nouveau cirque naît. Et quand c’est fait avec autant de cœur, on ne peut qu’encourager. »
Un message reçu sur les réseaux, signé d’un nom qui fait rêver tous les enfants du monde du cirque
Le spectacle de Noël : la première étape d’une grande aventure
Le 6 décembre 2025, à 14h30, le rideau se lève pour la toute première fois. Courcelles-sur-Seine, un village de rien du tout, va devenir pendant quelques semaines la capitale du rire et de l’émerveillement.
Pendant tout le mois de décembre, c’est un spectacle spécial Noël qui tourne. Guirlandes, musique féerique, et même une visite surprise du barbu en rouge. Les places partent vite – on comprend pourquoi. 12 € l’entrée adulte en gradins, 10 € pour les enfants. Des tarifs presque d’un autre temps.
Après les fêtes ? Pause en janvier, le temps de quelques contrats déjà signés ailleurs. Et puis, en 2026, la grande tournée. Un nouveau spectacle, d’autres villes, d’autres regards écarquillés.
Le cirque de demain, c’est peut-être ça
On parle beaucoup de la fin du cirque traditionnel. Des chapiteaux qui disparaissent. Des familles qui raccrochent les sequins. Et puis il y a les Thierry. Des gens ordinaires, enfin presque, qui décident que non, l’histoire n’est pas finie.
Ils prouvent que le cirque peut se réinventer. Plus petit, plus humain, plus proche. Sans éléphants ni lions, mais avec tellement de cœur que ça déborde.
Et quelque part, c’est rassurant. Dans un monde qui va trop vite, il reste des familles prêtes à tout pour faire vivre la magie. À planter un chapiteau dans un champ. À faire rire des enfants qu’ils ne connaissent pas encore.
Alors si vous passez dans l’Eure en décembre, arrêtez-vous. Prenez vos places. Entrez. Laissez-vous porter par les lumières, les rires, les jongleurs qui défient la gravité.
Parce que parfois, les plus beaux spectacles ne sont pas ceux qu’on attend.
Ils sont ceux qu’une famille a construits de ses mains, avec ses rêves, et qu’elle partage enfin avec le monde.
Informations pratiques : le Cirque Thierry est installé jusqu’au 24 décembre au 4 route des Champs à Courcelles-sur-Seine. Réservations vivement conseillées par téléphone ou via leur page Facebook. Et oui, le Père Noël passe vraiment.
