Imaginez-vous à deux ans d’une Coupe du monde. Vous avez encore le goût amer du quart de finale perdu d’un petit point contre les futurs champions du monde. Et là, un mercredi matin de décembre, tout peut basculer à nouveau : une poule tranquille qui vous ouvre grand les portes d’un titre, ou un groupe corsé qui vous oblige à sortir le grand jeu dès septembre 2027. C’est exactement ce qui attend le XV de France ce 3 décembre à Sydney.
À 10 heures précises (heure française), les boules vont tourner. Et même si on nous répète que la France est « protégée », on sait tous que le rugby adore nous jouer des tours pendables.
Une Révolution dans le Format : Bienvenue aux 24 Nations
C’est la grande nouveauté que tout le monde a un peu oubliée dans l’euphorie de la qualification : pour la première fois de l’histoire, la Coupe du monde passera à 24 équipes. Exit les interminables poules de cinq avec leurs journées de repos à rallonge. Place à six poules de quatre. Moins de matchs, plus d’intensité, et surtout une phase finale complètement remodelée.
Concrètement ? Les deux premiers de chaque poule et les quatre meilleurs troisièmes se qualifient pour les huitièmes de finale. Seize équipes en phase finale au lieu de huit auparavant. Ça change tout, y compris la valeur du tirage. Tomber dans une poule « facile » ne garantit plus un quart tranquille, mais ça laisse quand même une marge de manœuvre énorme.
Et pour les Bleus, placés dans le chapeau 1 aux côtés des cadors (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Irlande, Angleterre, Argentine), le règlement offre une protection précieuse : impossible de rencontrer un autre gros dès la phase de poules. Reste à savoir qui sortira des chapeaux 2, 3 et 4.
Les Chapeaux : Qui Craindre Vraiment ?
Le classement World Rugby a parlé. Voici la répartition, sans filtre :
- Chapeau 1 : Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Angleterre, Irlande, France, Argentine
- Chapeau 2 : Australie, Fidji, Écosse, Italie, Galles, Japon
- Chapeau 3 : Géorgie, Espagne, États-Unis, Uruguay, Tonga, Chili
- Chapeau 4 : Samoa, Portugal, Roumanie, Hong Kong, Canada, Zimbabwe
Sur le papier, le grand méchant loup s’appelle Australie. Pays hôte, 10e nation mondiale, et surtout une équipe qui, quand elle joue à domicile, se transforme. On se souvient tous du quart 2003 ou de la finale 2015 perdue 34-17… Pas besoin de dessin.
À l’inverse, le Japon (12e) ou même les Galles (9e mais en pleine reconstruction) seraient des adversaires bien plus digestes. C’est le grand écart possible dans ce chapeau 2.
Scénario Cauchemar ou Rêve Éveillé ?
Permettez-moi d’être franc : j’ai simulé une bonne cinquantaine de tirages hier soir (ne jugez pas, on est passionnés ou on ne l’est pas). Voici les deux extrêmes qui reviennent le plus souvent.
Le pire des mondes : France – Australie – Géorgie – Portugal/Samoa
Un déplacement à Perth ou Sydney contre les Wallabies devant 80 000 supporters en jaune, une Géorgie qui progresse à vitesse grand V et qui nous a déjà fait douter en match de préparation, et un Portugal ou des Samoa capables de tout un jour sur un match… Franchement, ça sent le piège à plein nez. Et si on finit deuxième de poule, bonjour les Springboks ou les All Blacks en quart.
Le tirage royal : France – Japon – Tonga – Zimbabwe/Hong Kong
Là, on parle d’un groupe où même en jouant à 70 %, on passe premier sans trembler. Le Japon reste une équipe joueuse mais rarement dangereuse sur la durée d’un match test. Les Tonga, c’est toujours spectaculaire, mais rarement gagnant face aux gros. Quant à la quatrième nation… disons qu’on aurait le temps de peaufiner les combinaisons pour les phases finales.
Pourquoi la Lettre de la Poule Compte Énormément
Petit détail technique qui a son importance : les poules seront nommées A, B, C, D, E, F. Et le tableau final est déjà prédéfini. Par exemple :
- Le 1er de la poule A rencontrera un 3e (meilleur ou deuxième meilleur) en huitième
- Le 1er de la poule C croisera potentiellement le 2e de la poule B (donc un gros) dès les huitièmes
En clair, certaines lettres sont des autoroutes vers les demies, d’autres des culs-de-sac. Et ça, personne n’en parle assez. Tomber dans la poule C ou D avec un tirage moyen peut être plus pénalisant que la poule A avec l’Australie.
Le Fantôme du Mondial 2023 Plane Toujours
On ne va pas se mentir : deux ans après le quart contre l’Afrique du Sud, la cicatrice est encore là. Un point. Un tout petit point. Cette génération dorée d’Antoine Dupont, Damian Penaud, Grégory Alldritt et compagnie mérite une rédemption. Et ce tirage, c’est le premier jalon.
Je discutais hier avec un ancien international qui me disait : « Si on retombe sur l’Afrique du Sud avant la finale, ça sera vécu comme une injustice cosmique. » Je crois qu’il n’a pas tort. Le rugby français a besoin d’un parcours qui lui permette d’arriver en finale avec le plein de confiance, pas après trois matchs de survie.
Les Petits Poucets qui Font Peur
On parle beaucoup des gros, mais certains « petits » ont de quoi inquiéter. La Géorgie, par exemple, c’est plus une surprise. 12e nation mondiale, physique, solidaire, et déjà capable de battre le Pays de Galles. Le Portugal version 2023 nous a aussi montré que le rugby européen progresse à toute allure.
Même les Tonga ou les Samoa, quand ils alignent leurs meilleurs joueurs (anciens All Blacks naturalisés ou pas), peuvent créer la sensation. Rappelez-vous le Japon 2015. Personne n’est à l’abri.
Et Si le Tirage Était… Parfait ?
Mon scénario idéal ? France – Galles – Uruguay – Canada. Un Galles en reconstruction mais toujours prestigieux pour le prestige, un Uruguay solide mais prenable, et un Canada qui nous permettrait de faire tourner en troisième match. Le tout dans la poule A ou B pour éviter les gros en huitième. Je signe où ?
Plus réalistement, je pense qu’on va hériter du Japon ou de l’Italie en chapeau 2, d’un Chili ou d’un Tonga en 3, et d’un Portugal ou d’un Hong Kong en 4. Un groupe exigeant mais gérable. De quoi arriver en quart avec 3 victoires bonifiées et la tête haute.
Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre 10 heures. Les mains moites, le café qui refroidit, et l’espoir chevillé au corps. Parce qu’en rugby, plus qu’ailleurs, le destin se joue parfois à une boule près.
Allez les Bleus. On y croit. Toujours.
