Vous vous souvenez de l’époque où un simple transfert faisait rêver tout un stade ? Aujourd’hui, certains transferts font surtout trembler les comptables. Et quand on parle de l’Olympique Lyonnais ces dernières semaines, on a plutôt l’impression d’assister à un thriller financier qu’à une saga sportive classique.
Imaginez : cinq joueurs stars, des noms qui font saliver n’importe quel supporter, officiellement achetés pour plus de 120 millions d’euros… mais qui n’ont jamais foulé la pelouse de Décines. Bienvenue dans l’affaire des transferts fantômes entre l’OL et Botafogo, cette histoire qui resurgit comme un mauvais souvenir de l’ère John Textor et qui pourrait bien coûter très cher au club rhodanien.
Quand le rêve brésilien vire au cauchemar comptable
C’était pourtant séduisant sur le papier. Propriétaire de plusieurs clubs à travers le monde via son groupe Eagle Football, John Textor avait cette idée : créer des passerelles entre ses écuries. Botafogo, champion du Brésil à la surprise générale, devenait la pouponnière de talents destinée à alimenter Lyon. Luiz Henrique, Igor Jesus, Jefferson Savarino, Thiago Almada, Jair Cunha… que des profils jeunes, explosifs, parfaitement dans le profil du mercato lyonnais version 2024-2025.
Sauf que la réalité a rattrapé la belle histoire plus vite que prévu.
Interdit de recrutement par la DNCG à plusieurs reprises, l’OL ne pouvait tout simplement pas homologuer ces transferts. Les joueurs sont restés à Rio, ont continué à briller sous le maillot de Botafogo… mais les factures, elles, sont bien arrivées à Lyon. Et pas n’importe quelles factures.
L’affacturage, cette arme à double tranchant
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut parler d’une pratique devenue courante dans le football moderne : l’affacturage. En gros, un club qui doit toucher de l’argent (sur un transfert, des droits TV, etc.) peut avancer cette trésorerie immédiatement en la cédant à une société spécialisée, moyennant une décote.
Jusque-là, rien de choquant. Sauf que dans le cas présent, c’est l’inverse qui s’est produit.
Botafogo a cédé les créances correspondant à ces cinq transferts « vers Lyon » à des organismes financiers. Ces organismes ont avancé près de 100 millions d’euros en cash à l’entité qui en avait besoin à l’époque (principalement Botafogo, selon certaines sources). Et aujourd’hui, c’est l’OL qui se retrouve débiteur auprès de ces sociétés d’affacturage.
Des relances arrivent presque quotidiennement au service financier du club. Et pas des petites : on parle d’échéances sur des montants à huit chiffres.
Le cas d’Igor Jesus est emblématique : acheté 41,5 millions d’euros par l’OL en novembre 2024 selon les documents, il n’a jamais été enregistré en Ligue 1. Pourtant, les créanciers exigent leur dû. Et ils ne sont pas seuls.
Les cinq fantômes qui hantent les comptes lyonnais
- Igor Jesus – 41,5 M€ (transféré ensuite à Nottingham Forest pour 19 M€)
- Luiz Henrique – montant non précisé publiquement (parti au Zenith pour 31 M€)
- Jefferson Savarino – montant significatif
- Thiago Almada – seul à avoir été prêté 6 mois à l’OL (vendu ensuite 20 M€ à l’Atlético Madrid)
- Jair Cunha – 10 M€ réel à Nottingham Forest contre un montant bien supérieur « facturé » à Lyon
Ce qui frappe, c’est l’écart abyssal entre les montants « vendus » à l’OL et les indemnités réelles perçues lors de leurs véritables transferts. On est parfois à moins de 50% du prix initial. Comme si ces joueurs avaient été surcotés expressément pour les opérations intra-groupe.
Et là, on touche au cœur du problème : était-ce une technique pour faire circuler de la trésorerie au sein du groupe Eagle Football, en profitant des interdictions de recrutement de l’OL ? La question mérite d’être posée.
Michele Kang face à l’héritage Textor
Depuis son arrivée, la nouvelle propriétaire essaye de remettre de l’ordre dans une maison qui partait en vrille. Et franchement, on ne l’envie pas. Entre les dettes, les procédures en cours et maintenant ces créances fantômes, c’est un peu comme si on lui avait légué une bombe à retardement.
Ses équipes redirigent systématiquement les sociétés d’affacturage vers Stephen Welch, cet expert en restructuration nommé par le fonds Ares (principal créancier de Textor à l’époque du rachat). Sa mission ? Faire le tri dans ce sac de nœuds et déterminer qui doit quoi à qui.
« La meilleure solution serait un accord global d’apurement des dettes entre toutes les parties », expliquait récemment un avocat spécialisé en droit des affaires. Traduction : tout le monde va devoir mettre la main à la poche pour éviter le pire.
Maître Akyurek, spécialiste des litiges commerciaux
Car le risque est réel : si aucun accord n’est trouvé, ces organismes financiers pourraient attaquer l’OL en justice. Et là, bonjour les saisies, les interdictions de recrutement supplémentaires, voire pire.
Le flou artistique des comptes 2024-2025
Ce qui rend l’affaire encore plus troublante, c’est l’absence totale de ces opérations dans les comptes publiés de l’OL pour l’exercice 2024-2025. Pourtant validés par les commissaires aux comptes, ces documents sont censés refléter l’intégralité des transactions.
Du côté du club, on assure que « tous les flux entre entités Eagle sont bien comptabilisés » et qu’il ne faut pas regarder une opération isolément. Soit. Mais quand on doit 120 millions pour des joueurs qu’on n’a jamais eus, on a quand même le droit de poser des questions, non ?
Surtout quand on sait que certains de ces joueurs auraient fait l’objet d’un « rachat » par Botafogo à l’OL au mois de mai 2025. Ce qui annulerait théoriquement les transferts initiaux… mais certainement pas les avances d’affacturage déjà perçues.
Le multi-club ownership dans le viseur
Cette affaire met cruellement en lumière les dérives possibles du modèle multi-club. Quand un même propriétaire contrôle plusieurs écuries, les risques de conflits d’intérêts et d’opérations douteuses explosent.
On l’a vu avec City Group, Red Bull ou 777 Partners : tant que ça reste encadré et transparent, pourquoi pas. Mais quand ça sert à faire circuler de l’argent dans l’opacité la plus totale, ça devient problématique.
Et l’OL paye aujourd’hui le prix fort d’une stratégie qui, sur le papier, avait tout pour séduire : faire de Botafogo le réservoir de talents de Lyon. Sauf que sans contrôle rigoureux, le rêve brésilien peut vite tourner au cauchemar financier.
Et maintenant ?
La solution la plus probable reste un accord global entre toutes les parties : Textor, Kang, les fonds créanciers, Botafogo et l’OL. Chacun devrait accepter de perdre un peu pour éviter que tout le monde y laisse des plumes.
Car une chose est sûre : personne n’a intérêt à ce que l’OL sombre. Ni la Ligue 1, ni les supporters, ni même Textor qui conserve des parts dans le groupe.
En attendant, l’affaire des transferts fantômes continue de hanter les couloirs du Groupama Stadium. Preuve, s’il en fallait, que dans le football moderne, les plus gros dangers ne viennent parfois pas du terrain… mais des bureaux.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le modèle multi-club est-il viable à long terme ? L’OL s’en sortira-t-il sans trop de casse ? N’hésitez pas à réagir, cette histoire est loin d’être terminée…
