Vous est-il déjà arrivé de suivre une série politique et de vous dire que la réalité dépasse parfois largement la fiction ? Ces derniers jours, dans le Val-de-Marne, on a l’impression de vivre un épisode particulièrement intense de « Baron Noir ». Deux vice-présidents qui claquent la porte – ou plutôt qui sont contraints de la pousser – en même temps, ça ne courait pas les rues depuis longtemps.
Et pourtant, c’est bien ce qui se passe en ce début décembre 2025 au conseil départemental. Un coup double qui oblige la majorité à revoir toute sa copie, et vite.
Un départ qui n’a surpris personne… mais qui fait mal
Commençons par le plus haut placé. Paul Bazin, premier vice-président depuis plusieurs années, a rendu son tablier. Officiellement, ses nouvelles responsabilités dans la haute fonction publique ne lui laissaient plus une minute pour le département. Entre nous, tout le monde avait vu venir le coup depuis des mois.
Quand on passe ses journées entre Paris et les cabinets ministériels, difficile de suivre correctement un exécutif départemental, même quand on est aussi compétent que lui. Le cumul des mandats, ou plutôt l’impossibilité de cumuler quand on monte trop haut, a encore frappé.
Ce qui change tout, c’est que le poste de premier vice-président n’est pas qu’honorifique. C’est le numéro 2 officiel, celui qui remplace le président en cas d’absence, qui porte les gros dossiers transversaux et qui, souvent, est vu comme le successeur naturel. Autant dire que la bataille pour lui succéder s’annonce rude.
Nicolas Tryzna, l’effet domino parlementaire
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, Nicolas Tryzna a dû, lui aussi, choisir. Élu député en remplacement d’un ministre nommé au gouvernement, il ne pouvait plus conserver sa vice-présidence dédiée aux collèges, à la jeunesse et à l’enseignement supérieur.
Ce départ-là fait particulièrement grincer des dents. D’abord parce que la délégation aux collèges, dans un département comme le Val-de-Marne où l’on gère plus de 110 établissements, c’est un maroquin en or. Budgets colossaux, relations quotidiennes avec les principaux, les parents d’élèves, les syndicats… c’est du lourd.
Ensuite parce que Tryzna, même s’il n’était pas le plus médiatique, avait pris le dossier à bras-le-corps. Rénovations, cantines bio, lutte contre le décrochage scolaire : il commençait à imprimer sa patte. Son successeur aura du pain sur la planche.
« On ne remplace pas comme ça des élus expérimentés qui connaissaient leurs dossiers sur le bout des doigts. Ça va prendre du temps pour que les nouveaux soient opérationnels. »
Un conseiller départemental de la majorité, sous couvert d’anonymat
Le président Olivier Capitanio sous pression
Olivier Capitanio, président depuis 2021, se retrouve dans une situation délicate. Deux postes aussi stratégiques à pourvoir en même temps, c’est un vrai casse-tête politique. Il faut récompenser les fidèles, calmer les ambitieux, ne pas froisser les équilibres territoriaux et, accessoirement, ne pas affaiblir la majorité avant les prochaines échéances.
Car oui, même si on est encore loin des cantonales de 2028, chaque décision compte. Le Val-de-Marne reste un département disputé, avec une gauche qui rêve de reprendre la main et une droite qui doit consolider ses positions.
- Le premier vice-président : bras droit du président, souvent vu comme dauphin
- Le vice-président aux collèges : délégation budgétaire énorme et visibilité maximale auprès des familles
- Deux absences qui fragilisent forcément l’image de stabilité de la majorité
Et n’oublions pas la question du genre : avec ces deux départs masculins, la parité risque de prendre un coup si on ne nomme pas au moins une femme à l’un des deux postes.
Les prétendants déjà dans les starting-blocks
Dans les couloirs de l’hôtel du département à Créteil, les noms circulent déjà. Pour le poste de premier vice-président, on parle beaucoup de Metin Yavuz, l’actuel vice-président chargé des finances. Discret mais efficace, proche du président, il a le profil.
Mais attention, d’autres aimeraient bien se positionner : certains maires de grandes villes du département, quelques conseillers départementaux expérimentés qui attendent leur tour depuis longtemps… Ça va négocier sec.
Pour les collèges, c’est encore plus ouvert. Plusieurs élues et élus ont déjà fait savoir qu’ils étaient intéressés. On pense à des profils issus de l’éducation nationale, à des maires-adjoints en charge de la jeunesse dans leur commune, ou encore à des figures moins connues mais très travailleuses.
Pourquoi ces départs posent un vrai problème de fond
Au-delà du petit jeu politique, il y a une question qui mérite d’être posée : est-ce normal qu’un département perde deux de ses cadres en même temps à cause du cumul des mandats ? On nous avait promis la fin du cumul, et pourtant…
À chaque fois qu’un ministre ou un haut fonctionnaire est nommé, c’est la même chose : les collectivités locales trinquent. On forme des élus compétents pendant des années, et paf, ils partent quand ils deviennent trop bons. C’est frustrant.
Et pendant ce temps, les dossiers continuent : les collèges à rénover, les cantines à rendre plus saines, les jeunes à accompagner vers la réussite. Les nouveaux vice-présidents auront intérêt à arriver en courant.
Ce que ça dit de la politique locale en 2025
J’ai couvert pas mal d’exécutifs départementaux au fil des années, et je peux vous dire une chose : le Val-de-Marne n’est pas n’importe quel département. C’est un territoire contrasté, avec des villes populaires et des communes plus aisées, une forte tradition de gauche et une droite qui a su s’imposer.
Ces deux départs, mine de rien, sont un test grandeur nature pour Olivier Capitanio. Va-t-il réussir à renouveler son équipe sans créer de frustration ? Va-t-il profiter de l’occasion pour faire entrer du sang neuf ? Ou va-t-il jouer la sécurité avec des fidèles ?
La réponse, on l’aura probablement avant les fêtes. En attendant, les réunions se multiplient, les SMS fusent, et les ambitions s’aiguisent. Comme quoi, même à l’échelle départementale, la politique reste un sport de contact.
À suivre, donc. Très attentivement.
(Article mis à jour le 3 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
