Vous arrive-t-il parfois de remplir votre verre d’eau au robinet en vous disant que, quand même, on a de la chance en France d’avoir une eau potable aussi accessible ? Moi oui, souvent. Et puis, un jour, on tombe sur des chiffres qui vous font froid dans le dos et vous font regarder ce verre autrement. Les dernières analyses nationales viennent de confirmer que des polluants éternels, ces fameuses substances PFAS, sont bel et bien présentes dans une grande partie de nos ressources en eau. Et pas qu’un peu.
Les PFAS : ces intrus qui ne partent jamais
Imaginez une matière qui ne se dégrade pratiquement jamais dans la nature. Qui traverse les sols, les rivières, les stations d’épuration comme si elles n’existaient pas. Qui finit par s’accumuler doucement, silencieusement, dans notre corps à chaque verre d’eau, chaque douche, chaque plat cuisiné. C’est exactement ce que sont les PFAS (per- and polyfluoroalkyl substances, pour les intimes). On en compte plus de 12 000 variantes différentes, et certaines sont utilisées depuis les années 1950 dans des produits du quotidien : poêles antiadhésives, emballages alimentaires, textiles imperméables, mousses anti-incendie… La liste est longue.
Le problème ? Une fois relâchées dans l’environnement, elles y restent. D’où leur surnom de « polluants éternels ». Et le pire, c’est qu’on commence seulement à mesurer l’ampleur du phénomène en France.
Ce que révèlent vraiment les dernières analyses
Entre 2023 et 2025, plus de 35 composés PFAS ont été recherchés dans l’eau brute et l’eau traitée destinée à la consommation. Résultat ? Sur ces 35 substances, 19 ont été détectées au moins une fois dans l’eau du robinet distribuée aux Français. Oui, vous avez bien lu : presque une sur deux des molécules recherchées est présente quelque part dans le réseau.
Certains diront que les concentrations restent souvent inférieures aux seuils actuels. Sauf que, justement, il n’existe pas encore de norme européenne stricte pour la majorité de ces composés. Et surtout, on sait aujourd’hui que même à très faible dose, certains PFAS peuvent avoir des effets sur la santé à long terme. J’ai personnellement été surpris de découvrir que dans certaines régions industrielles ou près d’anciens sites militaires, les taux grimpent bien au-delà de ce qu’on pourrait considérer comme « acceptable ».
« On a un vrai problème avec l’eau du robinet, mais on ne sait pas trop comment s’en sortir à grande échelle. »
Un spécialiste de la qualité de l’eau, en off, lors d’un colloque récent
Pourquoi les stations d’épuration classiques sont dépassées
Vous vous demandez peut-être pourquoi on n’arrive pas simplement à filtrer tout ça dans les usines de traitement. La réponse est simple et frustrante : les technologies classiques (décantation, filtration sur sable, chloration, UV) sont efficaces contre les bactéries, les nitrates ou certains métaux lourds… mais totalement inefficaces contre la plupart des PFAS. Ces molécules sont conçues pour résister à tout, y compris à nos meilleurs traitements.
Seules deux techniques permettent aujourd’hui de les éliminer vraiment :
- Le charbon actif en grains de très haute qualité (et ça coûte cher)
- L’osmose inverse (encore plus cher et énergivore)
Du coup, la plupart des collectivités se retrouvent coincées : soit elles investissent des sommes folles, soit elles croisent les doigts en espérant que les taux restent « raisonnables ». Et pendant ce temps, l’eau continue de couler avec ses petites doses quotidiennes de produits chimiques éternels.
Les zones les plus touchées (et celles qu’on oublie)
On pense souvent que le problème concerne surtout les grandes agglomérations ou les régions très industrialisées. En réalité, c’est bien plus diffus. Oui, les vallées rhénanes, certaines zones autour de Lyon ou de salons-de-Provence affichent des records. Mais des captages ruraux, censés être protégés parce qu’ils sont en pleine campagne, se retrouvent aussi contaminés. Comment ? Tout simplement parce que les PFAS voyagent dans l’air, retombent avec la pluie et finissent par infiltrer les nappes phréatiques les plus profondes.
J’ai été particulièrement choqué d’apprendre que même certains parcs naturels régionaux présentaient des traces. Comme quoi, la nature « préservée » ne l’est pas tant que ça quand on parle de pollution chimique.
Les risques pour la santé : on commence à y voir plus clair
Longtemps, on nous a dit « pas de preuve formelle de danger à faible dose ». Cette époque est révolue. Les études s’accumulent :
- Baisse de la réponse immunitaire aux vaccins
- Augmentation du cholestérol
- Perturbations hormonales
- Risques accrus de certains cancers (reins, testicules)
- Problèmes de fertilité
- Retards de développement chez l’enfant
Et attention : ces effets sont observés pour des expositions chroniques à des niveaux que l’on retrouve dans l’eau potable de millions de personnes. Pas besoin d’avaler des litres de produit pur pour que ça pose problème.
Ce qui me frappe le plus, c’est le côté insidieux. On ne sent rien, on ne voit rien, on ne goûte rien. Et pourtant, jour après jour, année après année, ces molécules s’accumulent dans notre foie, notre sang, nos os.
Pourquoi les captages ne sont pas assez protégés
C’est là que ça coince vraiment. En France, on a des périmètres de protection autour des points de captage. Super. Sauf que ces périmètres datent souvent de dizaines d’années et n’ont jamais été pensés pour des polluants aussi mobiles que les PFAS. Résultat : une usine qui rejette légalement des effluents à 15 km en amont peut très bien contaminer votre forage.
Et puis il y a la question des anciens sites pollués. Des terrains militaires, des usines chimiques, des aéroports où on a utilisé des mousses anti-incendie pendant des décennies. Personne n’a jamais vraiment cartographié tout ça de façon exhaustive. On découvre encore aujourd’hui des « points chauds » totalement inattendus.
Que faire à titre personnel en attendant ?
Alors oui, on peut attendre que l’État, l’Europe ou les collectivités règlent le problème à la source (et il faut absolument le faire). Mais en attendant, voici ce qui marche vraiment :
- Installer un filtre à charbon actif bloc de haute qualité (pas les carafes bas de gamme)
- Privilégier l’osmose inverse si vous avez le budget
- Faire analyser votre eau par un labo indépendant (ça coûte entre 150 et 300 € mais ça vaut le coup)
- Alterner avec de l’eau de source en bouteille verre quand c’est possible
- Éviter de chauffer l’eau du robinet dans des poêles antiadhésives abîmées (les PFAS se libèrent aussi en cuisinant)
Personnellement, depuis que j’ai fait tester mon eau et que j’ai vu les résultats, j’ai investi dans un système d’osmose inverse sous évier. Ce n’est pas donné, mais la tranquillité d’esprit n’a pas de prix.
Et demain ? Vers une réglementation enfin sérieuse ?
L’Europe doit adopter en 2026 une nouvelle directive sur l’eau potable avec des valeurs limites pour une vingtaine de PFAS. C’est une avancée, mais ça reste très partiel face aux milliers de composés existants. Certains pays comme le Danemark ou les Pays-Bas ont déjà pris des mesures beaucoup plus strictes. La France traîne un peu les pieds, il faut bien le dire.
Moi je crois qu’on est à un tournant. Plus on parle du sujet, plus les analyses se multiplient, plus la pression monte. Et c’est tant mieux. Parce que l’eau, c’est quand même la base de tout. Si on n’est même plus capable de garantir ça à la population, où va-t-on ?
Alors la prochaine fois que vous tournerez le robinet, pensez-y deux secondes. Cette eau si claire, si banale, transporte peut-être avec elle des molécules conçues pour durer éternellement. Et nous, on fait quoi ? On continue comme si de rien n’était, ou on commence enfin à agir ?
Parce qu’au final, l’eau qu’on boit aujourd’hui, c’est aussi celle que boiront nos enfants demain. Et ça, ça vaut bien qu’on s’y intéresse un peu plus, vous ne trouvez pas ?
