Imaginez : vous avez décroché les Jeux olympiques d’hiver chez vous, tout le monde applaudit, les stations de ski se voient déjà en vitrine mondiale… et puis, d’un coup, l’un des départements les plus concernés dit stop. Pas un petit stop poli, non. Un vrai coup de frein qui fait grincer toute la machine. C’est exactement ce qui vient de se passer avec la Savoie et les JO 2030.
Franchement, quand j’ai lu la nouvelle, je me suis dit : « Encore ? » Parce que, soyons honnêtes, le dossier des Jeux dans les Alpes françaises accumule les galères depuis le début. Et là, c’est peut-être la plus grosse tuile jusqu’à présent.
Un département qui dit « assez »
Le conseil départemental de la Savoie a décidé, purement et simplement, de suspendre sa participation à toutes les réunions de préparation des JO d’hiver 2030. Jusqu’à nouvel ordre. Le message est clair : on ne signe pas un chèque en blanc.
Le président du département a été très direct dans son courrier. Il refuse que la Savoie soit considérée comme « une variable d’ajustement budgétaire ». Traduction : on ne veut pas payer pour combler les trous laissés par d’autres, surtout quand on n’a même pas été consulté en amont sur le projet lui-même.
« Nous ne pouvons être considérés comme une variable d’ajustement budgétaire pour le financement d’un projet dont nous ne sommes pas à l’initiative, mais dont nous sommes le compagnon de route. »
Extrait du courrier officiel
Et là, on touche le cœur du problème : personne n’a vraiment demandé leur avis aux Savoyards avant de déposer la candidature. Ni sur l’opportunité, ni sur la carte des sites. Résultat ? Aujourd’hui, on leur demande de mettre la main à la poche sans même savoir combien, ni pour quoi exactement.
Des investissements déjà conséquents… et oubliés ?
Ce qui rend la pilule encore plus amère, c’est que la Savoie n’a pas attendu 2030 pour investir dans les infrastructures olympiques. Depuis les Jeux d’Albertville en 1992 – oui, déjà 33 ans –, c’est pratiquement le seul département, hors communes directement concernées, à avoir sorti le chéquier pour moderniser des équipements.
Je vous donne deux exemples concrets :
- Le tremplin de saut à Courchevel : mise aux normes olympiques financée en grande partie par le département.
- La piste de bobsleigh, luge et skeleton de La Plagne : idem, des millions injectés pour qu’elle reste dans les standards internationaux.
Bilan ? Plus de 11 millions d’euros rien que pour ces deux sites, sans compter les frais de fonctionnement annuels. Et ces investissements ont pesé lourd dans la balance quand le CIO a choisi les Alpes françaises plutôt qu’un autre candidat.
Du coup, quand on vient aujourd’hui dire aux Savoyards « il faut remettre au pot, et on verra plus tard combien », on comprend qu’ils montent au créneau.
La carte des sites, toujours pas figée
Un autre point qui énerve profondément : la carte des épreuves n’est toujours pas définitive. On parle, on déparle, on reparle de Val d’Isère, Méribel menace de se retirer si on lui pique le ski alpin dames… Bref, c’est le flou artistique.
Et pendant ce temps, on demande aux collectivités de s’engager financièrement. Sans visibilité. C’est un peu comme si on vous demandait de signer un crédit immobilier sans vous dire le prix de la maison ni si elle aura bien une toiture.
La Plagne et Courchevel sont censées accueillir des épreuves majeures, mais rien n’est gravé dans le marbre. Et quand on sait que ces stations vivent déjà sous perfusion publique pour certains équipements peu rentables hors JO… on comprend la colère.
Un dossier déjà bien chahuté
Il faut dire que le projet des JO 2030 dans les Alpes françaises traîne une série de casseroles depuis le début :
- Retards dans la constitution du comité d’organisation
- Flou artistique sur la gouvernance
- Recours juridiques en pagaille (devant des instances françaises et même onusiennes)
- Polémiques sur le manque de concertation publique
- Tensions entre stations (Val d’Isère qui revient dans la danse, Méribel qui fait la gueule…)
Ajoutez à ça une conjoncture économique compliquée, l’inflation sur les matériaux, les incertitudes climatiques qui pèsent sur l’enneigement… et vous avez une bombe à retardement.
La sortie de la Savoie, ce n’est pas juste un département qui fait son caprice. C’est un signal d’alarme rouge clignotant.
Et maintenant ?
La question que tout le monde se pose : est-ce que c’est récupérable ?
Le département assure qu’il ne revient pas sur ses engagements passés. Les 11 millions sont dépensés, c’est acté. Mais pour la suite ? Porte close tant qu’on n’aura pas :
- Une maquette financière claire et validée par tous
- Une vraie concertation sur la carte des sites
- La garantie que les collectivités ne seront pas les seules à payer l’addition
En face, le comité d’organisation et l’État vont devoir sortir l’artillerie lourde. Parce que sans la Savoie, c’est une grande partie du projet qui vacille. Et on sait tous comment ça finit quand les financeurs locaux lâchent l’affaire : regardez Salt Lake City ou Sotchi, les exemples ne manquent pas.
Personnellement, j’ai un peu l’impression qu’on reproduit les erreurs du passé. On vend le rêve olympique, on brandit le drapeau, et ensuite on demande aux territoires d’assumer. Sauf que trente ans après Albertville, les élus ne sont plus aussi naïfs.
Les JO 2030 dans les Alpes, c’était censé être une belle histoire de reconquête après 1992. Pour l’instant, ça ressemble plutôt à un feuilleton à rebondissements où chaque épisode fait craindre la fin prématurée.
Une chose est sûre : les prochaines semaines vont être décisives. Soit on trouve un terrain d’entente rapidement, soit le projet risque de s’enliser sérieusement. Et là, ce n’est plus seulement la Savoie qui claquera la porte.
À suivre, donc. Très attentivement.
