Il y a des histoires qui vous restent en travers de la gorge. Des affaires qui, quand on les découvre, nous rappellent que derrière la carte postale parisienne se cachent parfois des réalités bien plus sombres que ce qu’on veut bien imaginer. L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui en fait partie. Un homme, déjà surnommé le « Prince » par ceux qui avaient croisé sa route dans des immeubles pourris, vient de tomber pour quelque chose de bien plus grave que la simple location de taudis.
Cette fois, on parle de proxénétisme, de caves transformées en lieux de passes, de femmes étrangères exploitées et d’une fortune bâtie sur la misère des autres. Et le plus dingue ? L’intéressé nie tout en bloc et dort déjà chez lui. Bienvenue dans le Paris qu’on ne montre pas aux touristes.
Du taudis au business du sexe : le parcours d’un prédateur discret
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter quelques années en arrière. L’homme en question était déjà connu des services judiciaires. Dans un autre arrondissement, il louait des appartements dans un état lamentable : moisissures, fuites, installations électriques dangereuses… le grand classique du marchand de sommeil version parisienne. Les loyers, eux, étaient tout sauf classiques : exorbitants pour des conditions indignes.
Mais visiblement, ça ne suffisait pas. Entre 2021 et 2025, le voilà qui change d’échelle. Direction le 11e arrondissement, un immeuble banal de la rue de la Folie-Méricourt. À première vue, rien d’anormal. Sauf que quand les policiers et un huissier poussent la porte, ils tombent sur autre chose. Des caves aménagées avec des matelas, des miroirs au plafond, des préservatifs usagés partout. Et des appartements loués à la semaine à des femmes sud-américaines qui, clairement, n’étaient pas là pour visiter le Louvre.
Le calcul est simple et glaçant : jusqu’à 80 000 euros par mois. Sur quatre ans, on arrive à presque 4 millions d’euros. De l’argent sale, bien sûr, qui devait être blanchi quelque part. C’est là que l’affaire prend une dimension presque mafieuse.
Un immeuble entier transformé en hôtel de passe clandestin
Ce qui frappe, c’est l’organisation. On n’est pas dans l’improvisation d’un petit proxénète de quartier. Là, tout est structuré. Les caves sont divisées en box minuscules. Un employé serait chargé de la gestion au quotidien : encaisser l’argent, faire le ménage, menacer celles qui voudraient partir. Un véritable petit business avec ses règles et sa hiérarchie.
Les femmes, elles, viennent majoritairement d’Amérique du Sud. Beaucoup sont en situation irrégulière, endettées auprès de passeurs, et n’ont pas vraiment le choix. Elles payent une location hallucinante pour des conditions inhumaines, et tout le reste va dans la poche du propriétaire. Le schéma classique de la traite des êtres humains, mais version immobilière.
Ce genre de réseaux prospère sur la vulnérabilité extrême des victimes. Elles n’ont ni papiers, ni argent, ni endroit où aller. Le proxénète devient alors leur seul point d’ancrage, même s’il les exploite.
– Un enquêteur spécialisé, sous couvert d’anonymat
L’arrestation : un coup de filet qui fait pschitt ?
Fin novembre 2025, c’est le grand jour. Les hommes de la brigade de répression du proxénétisme et le groupe interministériel de recherches mettent la main sur deux suspects : le fameux « Prince », 66 ans, et un employé présumé de 38 ans. Perquisitions, saisies, mises en examen pour proxénétisme aggravé, traite d’êtres humains, association de malfaiteurs et blanchiment.
Et là, surprise : l’employé prend la prison ferme, mais le principal intéressé ? Remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le parquet fait appel, bien sûr, mais pour l’instant, il est dehors. Difficile de ne pas y voir une forme d’injustice, quand on sait l’ampleur du trafic.
Franchement, ça pose question. Comment un homme déjà connu pour des faits graves, soupçonné d’avoir gagné des millions sur le dos de femmes vulnérables, peut-il être libre aussi vite ? Est-ce que le système judiciaire est vraiment équipé pour ce genre de dossiers ? Je ne suis pas magistrat, mais ça laisse un goût amer.
Le proxénétisme hôtelier, cette nouvelle plaie parisienne
Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de ce phénomène. Le proxénétisme hôtelier, ou « Airbnb du sexe » comme certains l’appellent avec une pointe d’ironie amère, explose depuis quelques années. Des propriétaires louent des studios, des caves, parfois même des parkings, à des réseaux qui les sous-louent à la journée ou à l’heure.
- Des loyers exorbitants payés en liquide
- Aucune trace officielle
- Des victimes qu’on déplace d’un arrondissement à l’autre pour brouiller les pistes
- Des propriétaires qui ferment les yeux… ou qui sont complices
Ce qui change avec cette affaire, c’est l’échelle. On n’est plus dans le petit studio loué 300 euros la nuit. Là, c’est un immeuble entier, des dizaines de femmes, des millions en jeu. Et surtout, un homme qui passe du statut de marchand de sommeil à celui de proxénète organisé sans que personne ne s’en rende compte pendant quatre ans.
Et les victimes dans tout ça ?
On parle beaucoup des chiffres, des arrestations, du « Prince ». Mais on oublie trop souvent celles qui étaient au cœur du système. Ces femmes sud-américaines, souvent mères de famille, qui ont traversé un continent en pensant trouver mieux et qui se retrouvent piégées dans une cave parisienne.
Elles n’ont pas porté plainte. Elles ont peur. Peur d’être expulsées, peur des représailles, peur qu’on touche à leurs enfants restés au pays. C’est ça, le vrai drame. Un système qui broie des vies en silence, pendant que d’autres s’enrichissent.
Des associations tentent d’agir, bien sûr. Mais elles manquent de moyens. Et tant que la demande existera – parce qu’il ne faut pas se leurrer, il y a des clients – l’offre s’adaptera. Toujours plus discrète, toujours plus violente.
Ce que cette affaire nous dit de Paris en 2025
Paris, ville lumière ? Oui, pour certains. Mais pour d’autres, c’est une ville où on peut gagner des millions en exploitant la misère sans être trop embêté. Où des caves humides deviennent des lieux de passes pendant que, deux rues plus loin, on sirote un café à 6 euros.
Cette affaire n’est pas isolée. Elle est le symptôme d’une ville à deux vitesses. D’un côté les quartiers gentrifiés, les loyers qui explosent, les Airbnb. De l’autre, les immeubles pourris, les caves, les femmes qu’on cache. Et entre les deux, des gens qui savent très bien comment profiter des failles.
Alors oui, il y a eu une arrestation. Mais l’histoire est loin d’être finie. L’appel du parquet, les éventuelles nouvelles perquisitions, le procès… Et surtout, les autres immeubles, les autres « Princes » qui, quelque part dans Paris, continuent tranquillement leur business.
Parce que tant qu’il y aura de la misère et de la demande, il y aura des gens pour en profiter. C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Et cette affaire, aussi choquante soit-elle, n’est probablement que la partie visible de l’iceberg.
En écrivant ces lignes, je ne peux m’empêcher de penser à ces femmes qu’on ne verra jamais à la télévision. Celles qui, ce soir, sont peut-être encore dans une cave quelque part. Et je me dis qu’on a beau vivre dans l’une des plus belles villes du monde, il y a des endroits où la lumière n’arrive jamais.
