Vous souvenez-vous de l’ambiance électrique des municipales de 2014 à Béziers ? Cette ville de l’Hérault, plutôt tranquille d’ordinaire, s’était retrouvée sous les projecteurs nationaux quand un journaliste devenu maire avait remporté la mairie avec une liste soutenue par le Front national de l’époque. Onze ans plus tard, on dirait que l’histoire béarnaise… non, biterroise, va prendre un tour complètement différent. Et franchement, ça sent la poudre à droite.
Une rupture qui n’a rien d’une surprise
Fin novembre, le maire sortant laissait encore planer le doute. Il disait attendre, observer, espérer peut-être un accord global. Mais soyons honnêtes : tout le monde savait que la cohabitation entre le RN version 2025 et lui devenait de plus en plus compliquée. Trop de divergences sur la méthode, sur le tempo national, sur la stratégie d’alliance. Et puis, il y a cette volonté farouche de l’actuel édile de continuer à tracer sa propre route, sans étiquette trop visible.
Le couperet est tombé début décembre. Le parti dirigé par Jordan Bardella a tranché : il y aura bel et bien une liste estampillée RN à Béziers en mars 2026. L’identité du candidat n’est pas encore officielle, mais les paris sont ouverts et un nom revient avec insistance : celui d’un député local, connu pour son ancrage territorial et sa loyauté au parti. On murmure même qu’il pourrait être investi avant la fin de l’année.
« On ne peut pas éternellement vivre sur des arrangements de personne. Il faut une cohérence nationale. »
Un cadre du parti, sous couvert d’anonymat
Pourquoi maintenant ?
La question mérite d’être posée. Après tout, le maire sortant avait réussi l’exploit – rare – de faire cohabiter dans sa majorité des élus issus de sensibilités très différentes. Des anciens LR, des souverainistes, des gens du RN version 2014-2020… Un patchwork qui fonctionnait plutôt bien sur le terrain. Alors pourquoi rompre l’idylle ?
Plusieurs raisons se croisent. D’abord, la stratégie nationale du RN qui veut désormais apparaître comme la seule force crédible à droite et ne plus laisser de place à des « francs-tireurs », même talentueux. Ensuite, une forme de lassitude : certains cadres locaux estiment que le maire a trop pris ses distances, notamment sur les questions régaliennes ou migratoires, où il cultive parfois une ligne plus nuancée que celle du parti.
- Volonté de reprendre la main sur une ville symbole
- Marquer le territoire avant 2027
- Éviter que le « modèle Ménard » fasse trop d’ombre à la ligne officielle
- Répondre aux attentes d’une base qui réclame plus de clarté
LR choisit son champion sans hésiter
Et pendant ce temps-là, de l’autre côté de l’échiquier de droite, on ne tergiverse pas. Le président des Républicains a été on ne peut plus clair : le maire de Béziers reste, pour lui, le meilleur porte-voix des idées qu’il défend. Talentueux, courageux, efficace : les compliments pleuvent. C’est assez rare pour être souligné dans un parti qui a parfois du mal à trancher.
« C’est celui qui porte le mieux nos convictions. »
Bruno Retailleau, président des Républicains
Ce soutien n’est pas tombé du ciel. Il s’inscrit dans une lignée. Déjà, à plusieurs reprises ces derniers mois, des signaux forts avaient été envoyés. On se souvient de cette phrase, presque inattendue venant d’un ancien ministre de l’Intérieur : « un maire extraordinaire ». Dans le contexte actuel, ça pèse lourd.
Le maire, lui, a accueilli la nouvelle avec une satisfaction visible, tout en restant fidèle à sa ligne : pas de logo partisan sur les affiches. Comme en 2020. Il veut garder cette liberté de ton, cette image d’homme seul face aux partis. Même si, cette fois, il sait qu’il pourra compter sur des renforts logistiques et militants discrets mais précieux.
L’union des droites version biterroise en danger ?
On l’avait presque oubliée, cette expression : l’union des droites. Elle avait pourtant été brandie comme un étendard il y a quelques années. À Béziers plus qu’ailleurs, elle avait pris corps. Des élus RN siégeaient dans la majorité, des anciens LR aussi, et tout le monde arrivait à travailler ensemble sur les dossiers concrets : sécurité, propreté, cadre de vie.
Aujourd’hui, la machine semble grippée. Le RN veut sa propre liste, LR apporte son soutien au maire sortant. On assiste à une sorte de divorce à l’amiable… ou presque. Car sur le terrain, les relations humaines restent souvent cordiales. Beaucoup d’élus actuels se connaissent depuis dix ans, ont fait campagne côte à côte. Ce n’est pas demain qu’on verra des invectives publiques.
Mais politiquement, le message est clair : l’expérience locale, aussi réussie soit-elle, ne pèse plus assez face aux stratégies nationales. Et ça, c’est une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui rêvaient encore d’une grande alliance à droite capable de parler d’une seule voix.
Quel scénario pour 2026 ?
Allez, jouons un peu aux pronostics – avec toutes les précautions d’usage, bien sûr. Trois hypothèses se dessinent :
- Le maire sortant conserve une avance confortable dès le premier tour grâce à son bilan et à la division de ses adversaires.
- Une triangulaire serrée où chaque voix comptera, notamment dans les quartiers populaires.
- Un report inattendu au second tour qui pourrait surprendre tout le monde.
Ce qui est certain, c’est que la campagne va être intense. Les thèmes classiques (sécurité, propreté, identité) seront au cœur du débat, mais avec une nuance : le RN voudra nationaliser l’enjeu, le maire insistera sur le local et le concret. LR, en soutien discret, essaiera de capitaliser sur ce duel pour exister encore.
Et la gauche dans tout ça ? Pour l’instant discrète, elle observe et espère profiter d’une division à droite. Mais dans une ville où elle peine à dépasser les 20 % depuis dix ans, l’espoir reste mince.
Béziers, laboratoire politique permanent
Ce qui se joue à Béziers dépasse largement les frontières de l’Hérault. Depuis 2014, la ville est devenue une sorte de laboratoire grandeur nature des évolutions à droite. On y teste des alliances, on y mesure les limites du « ni droite ni gauche », on y observe les tensions entre logique nationale et ancrage local.
Au fond, ce qui arrive n’est peut-être que la fin d’une exception. L’exception d’un maire qui avait réussi à fédérer au-delà des chapelles, à imposer son style, sa liberté de parole. Aujourd’hui, les partis reprennent la main. C’est peut-être le cours normal des choses. Mais ça laisse un petit goût amer à ceux qui croyaient encore possible une autre façon de faire de la politique.
Une chose est sûre : les mois qui viennent vont être passionnants à suivre. Et quelque part, on a presque hâte d’être en 2026 pour voir comment tout cela va se terminer. Parce qu’à Béziers, rien n’est jamais écrit d’avance.
(Article mis à jour le 3 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
