Vous est-il déjà arrivé de vous demander jusqu’où pouvait aller la passion des supporters ? Moi, je croyais avoir tout vu en vingt ans à suivre le foot français. Et puis il y a eu ce dimanche soir à Nice.
Des joueurs bousculés, certains frappés, d’autres crachés dessus. Des types cagoulés qui débarquent avec des boules de pétanque dans les poches. Un directeur sportif molesté. Et un entraîneur, Franck Haise, qui passe la nuit à se demander s’il ne va pas tout envoyer balader. Franchement, on se croirait dans un mauvais film. Sauf que c’est bien réel.
Quand la colère des tribunes franchit toutes les limites
L’histoire commence comme tant d’autres crises dans le foot : des résultats décevants, une équipe qui patine (15e place après quinze journées, c’est dur à avaler pour un club aux ambitions européennes), et des supporters qui décident de « venir expliquer » aux joueurs ce qu’ils pensent de la situation.
Sauf que là, on n’est plus dans le dialogue musclé habituel. On est dans autre chose. Quelque chose de grave.
Ce qu’il s’est vraiment passé dimanche soir
Imaginons la scène. Il est 19h30, les joueurs sortent de l’entraînement. Une centaine de personnes attendent devant le centre. Certaines sont cagoulées. D’autres ont des écharpes sur le visage. L’ambiance est électrique dès le départ.
Puis ça dégénère rapidement. Terem Moffi et Jérémie Boga se retrouvent au cœur de la tempête. Les deux attaquants sont bousculés, poussés, certains témoins parlent même de coups. Résultat ? Les deux joueurs sont en arrêt de travail avec plusieurs jours d’ITT. Quand on sait qu’une ITT n’est pas distribuée à la légère, on comprend la gravité.
« Il y a des joueurs qui se sont fait taper. On n’a pas 5 et 7 jours d’ITT par hasard. »
Franck Haise, dans une interview vérité
Et ce n’est pas tout. Le directeur sportif, Florian Maurice, se retrouve lui aussi au milieu du chaos. Crachats, bousculades, insultes. L’homme qui a tenté de s’interposer pour protéger ses joueurs. Il en est ressorti sonné, littéralement.
Le détail qui glace le sang ? Certains supporters avaient des boules de pétanque dans leurs sacs. Pas pour jouer à la pétanque après, visiblement. Juste au cas où. Quand on en arrive là, on n’est plus dans la contestation. On est dans l’intimidation pure et simple.
Franck Haise au bord du gouffre
Lundi matin, tout le monde ou presque est convaincu que Haise va démissionner. L’entraîneur lensois devenu niçois a toujours eu cette réputation d’homme droit, intègre. Le genre à voir ses joueurs traités de cette manière, à vivre cette humiliation collective, beaucoup pensaient qu’il allait claquer la porte.
Et honnêtement, qui pourrait lui en vouloir ?
Lui-même l’admet sans détour : il y a sérieusement pensé. Voire plus que sérieusement.
« J’ai vraiment pensé à rompre mon engagement avec le club. Plus que penser, même. »
Mais dans la nuit de lundi à mardi, quelque chose change. Haise ne dort pas. Il retourne la situation dans tous les sens. Et finit par prendre une décision surprenante : il reste.
Pas par manque d’offres ailleurs. Pas par peur du chômage. Non. Il reste « pour l’humain ». Parce qu’il ne veut pas abandonner ses joueurs dans la tempête. Parce qu’il estime qu’il y a un défi à relever. Parce qu’il refuse de laisser la violence gagner.
C’est tout à son honneur. Mais ça n’empêche pas la colère.
Un tacle glissé magistral à la direction
Et là, attention, ça devient croustillant. Parce que si Haise reste, il ne le fait pas en baissant la tête. Au contraire. Il profite de l’occasion pour régler quelques comptes. Et pas avec n’importe qui.
Avec Ineos. Directement.
Écoutez plutôt ça :
« Je n’ai pas eu l’actionnaire, ni le responsable de l’actionnaire depuis dimanche soir. C’est moi qui ai dû appeler le président lundi en fin de journée parce que je n’arrivais pas à avoir de nouvelles du directeur sportif. »
Traduction : pendant que ses joueurs se faisaient agresser et que le club sombrait dans la crise, les grands patrons britanniques brillaient par leur absence. Silence radio. Absence totale. Le genre de comportement qui vous fait grincer des dents quand vous êtes sur le terrain à assumer au quotidien.
Et le meilleur moment ? Quand Haise reçoit un message de Jean-Claude Blanc (le grand patron d’Ineos Sport) en pleine interview :
« Ah ben voilà, Jean-Claude Blanc vient de m’écrire… on est mercredi matin. »
Le timing est parfait. Presque comique, si la situation n’était pas aussi grave. Trois jours après les faits, on daigne enfin répondre. Trop peu, trop tard.
Ineos, ce géant aux pieds d’argile
Il faut le dire clairement : depuis le rachat par Ineos, l’OGC Nice navigue à vue. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les choix sportifs sont souvent critiqués. Mais surtout, surtout, il y a ce sentiment d’un club devenu une succursale anonyme d’un empire multinational.
On a l’impression que les décisions se prennent à Londres ou à Genève, loin des réalités niçoises. Que les supporters, les joueurs, l’entraîneur, sont des variables d’ajustement dans un grand tableau Excel.
- Absence de communication en crise
- Décisions sportives parfois incompréhensibles
- Sentiment d’abandon du terrain par les actionnaires
- Manque de proximité avec la base
Et quand la base explose, comme dimanche, les dirigeants sont aux abonnés absents. C’est ça, le vrai problème.
Haise le dit à sa manière : « Chacun doit assumer ses responsabilités ». Message reçu cinq sur cinq.
Et maintenant ?
Le club a déposé plainte contre X. Une enquête est ouverte. Les joueurs blessés vont revenir petit à petit. Haise reste, avec une détermination froide dans le regard.
Mais le mal est fait. La fracture entre une partie des supporters et le club est béante. La relation entre l’entraîneur et la direction est abîmée. Et l’image du football français en prend encore un coup.
Parce que soyons honnêtes : on peut comprendre la colère des supporters. Les résultats sont mauvais, l’équipe déçoit, certains joueurs semblent parfois déconnectés. Mais rien, absolument rien, ne justifie la violence. Jamais.
Le football, c’est une passion. Pas une guerre.
Franck Haise a choisi de rester pour ses joueurs et pour ses valeurs. Il aurait pu partir la tête haute. Il a préféré rester et se battre. Dans un monde du foot où tout va trop vite, où on change d’entraîneur comme de chemise, ça force le respect.
Même si, quelque part, on sent que cette histoire laisse des traces. Des grosses.
Et vous, qu’auriez-vous fait à sa place ?
Une chose est sûre : cette crise niçoise nous rappelle cruellement que le football français va mal. Très mal. Entre les incidents en tribunes, les agressions d’arbitres, les bus caillassés et maintenant les joueurs molestés à l’entraînement… On est où, là ?
Il serait temps que tout le monde prenne ses responsabilités. Les supporters, oui. Mais surtout les dirigeants. Surtout ceux qui ont l’argent et le pouvoir de changer les choses.
Parce que sinon, un jour, il n’y aura plus de Franck Haise pour tenir la barre quand le bateau coule.
Et là, ce sera trop tard.
