Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi certains sujets, pourtant universels, restent enfermés dans le silence le plus total ? L’infertilité masculine en fait partie. On en parle peu, très peu. Et quand quelqu’un ose enfin lever le voile, ça fait l’effet d’une petite révolution douce.
C’est exactement ce qui se passe en ce moment dans une petite salle parisienne où un humoriste de 39 ans a décidé de transformer sa douleur en spectacle. Pas pour faire pleurer dans les chaumières, non. Pour faire rire, réfléchir, et surtout libérer la parole.
Quand l’humour devient le meilleur porte-voix d’un tabou
Imaginez la scène : un homme tout de noir vêtu, seul sous les projecteurs, qui commence à raconter comment son couple a basculé dans l’angoisse à cause d’un spermogramme. Il décrit l’échographie scrotale, la varicocèle, les termes médicaux qui sonnent comme une sentence. Et pourtant, la salle rit. Beaucoup. Parce que c’est dit avec finesse, avec auto-dérision, avec cette distance salvatrice qu’offre l’humour.
À la sortie, des spectateurs viennent le voir. Des hommes, surtout. Certains ont les larmes aux yeux. L’un d’eux lui glisse qu’il passe l’examen le lendemain matin et que, pour la première fois, il ne se sent plus seul. C’est ça, la magie de ce genre de spectacle : transformer une souffrance intime en expérience collective.
Un sujet qui touche pourtant des millions de couples
On le répète souvent, mais ça mérite d’être martelé : dans un couple infertile sur deux, l’origine est masculine ou mixte. En France, on estime qu’un couple sur quatre rencontre des difficultés à concevoir. Et parmi eux, dans près de 50 % des cas, le facteur masculin est en cause.
Pourtant, quand on parle d’infertilité, on pense d’abord aux femmes. Examens, traitements hormonaux, FIV… On imagine toujours qu’elles portent le poids principal. La réalité est bien plus nuancée. Les hommes aussi subissent des examens parfois intrusifs, des diagnostics qui peuvent ébranler la virilité, et surtout une culpabilité immense.
« Entre nous, il n’y avait plus que des silences et des larmes. On ne se parlait plus du tout de la même façon. »
Cette phrase, prononcée sur scène, résonne chez beaucoup de couples. Parce qu’elle est vraie. L’infertilité, quand elle vient de l’homme, peut devenir un secret lourd à porter. On évite le sujet en famille, entre amis. On esquive les questions sur les enfants. On sourit quand on nous demande « alors, c’est pour quand ? ».
Varicocèle, oligospermie, azoospermie… Des mots qui font peur
Avant d’assister à ce spectacle, combien d’entre nous connaissaient vraiment le terme varicocèle ? C’est une dilatation des veines du cordon spermatique, un peu comme des varices, mais dans les testicules. Rien de dramatique en soi, c’est même assez fréquent, mais ça peut diminuer la qualité du sperme de façon significative.
Puis il y a l’oligospermie (trop peu de spermatozoïdes), l’asthénospermie (ils nagent mal), la tératospermie (ils ont une forme anormale). Et dans les cas les plus extrêmes, l’azoospermie : zéro spermatozoïde dans l’éjaculat. Autant de diagnostics qui tombent comme un couperet.
- Le spermogramme : premier examen, souvent le plus difficile psychologiquement
- L’échographie scrotale : pour détecter une varicocèle ou autre anomalie
- Le dosage hormonal : testostérone, FSH, LH…
- Le caryotype et la recherche de microdélétions du chromosome Y dans certains cas
- La biopsie testiculaire quand on suspecte une azoospermie obstructive ou non
Et tout ça, dans le plus grand silence. Parce qu’on a appris aux garçons qu’un « vrai mec » ne parle pas de ses testicules. Ni de ses peurs. Ni de ses échecs.
Le poids de la virilité traditionnelle
Dans notre société, la capacité à procréer reste encore trop souvent associée à la puissance masculine. Un homme infertile ? On le regarde parfois comme s’il était moins homme. C’est absurde, bien sûr. Mais c’est ancré profondément.
J’ai moi-même entendu des phrases terribles dans des dîners : « Si un mec n’est pas capable de faire un enfant, c’est qu’il y a un problème. » Dit comme ça, entre la poire et le fromage. Sans réaliser le mal que ça peut faire.
Alors quand un humoriste monte sur scène et raconte comment il a pleuré dans les toilettes de l’hôpital après un mauvais résultat, ça fait un bien fou. Ça normalise. Ça montre que la vulnérabilité, ce n’est pas une faiblesse.
Le couple face à l’épreuve : entre complicité et distance
Ce qui frappe dans ce genre de témoignage, c’est la façon dont l’infertilité peut à la fois rapprocher et éloigner un couple. Au début, il y a cette solidarité face à l’adversité. On se serre les coudes. On rit nerveusement des situations absurdes.
Puis viennent les phases plus difficiles. La femme qui doit subir des traitements lourds même quand le problème vient de l’homme. Les rapports sexuels qui deviennent mécaniques, programmés autour des ovulations. Le désir qui s’étiole. Les reproches silencieux.
« On faisait l’amour comme on remplissait une déclaration d’impôts. Avec la peur de se tromper de case. »
Ce genre de phrase, dite avec le bon timing comique, fait exploser de rire la salle. Mais derrière le rire, il y a cette vérité brutale que beaucoup reconnaissent.
Les solutions médicales existent, mais le chemin est long
Heureusement, la médecine a fait d’immenses progrès. Une varicocèle peut être opérée. Une FIV avec ICSI (injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde) permet de contourner bien des obstacles. Le don de sperme est une option quand plus rien d’autre ne fonctionne.
Mais avant d’en arriver là, il y a tout le parcours du combattant : les rendez-vous, les espoirs, les déceptions, les factures. Et surtout, cette impression de perdre le contrôle sur l’un des événements les plus naturels de la vie.
Et puis il y a la question de l’âge. Beaucoup de couples attendent aujourd’hui plus longtemps avant d’avoir des enfants. Les carrières, les rencontres tardives, les priorités qui évoluent… Quand on se lance enfin dans le projet bébé, on a parfois 38, 40, 42 ans. Et là, surprise : la fertilité masculine baisse aussi avec l’âge, même si c’est moins brutal que chez la femme.
Pourquoi ce spectacle arrive au bon moment
En 2025, on parle enfin plus librement de santé mentale, de charge mentale, de parentalité imparfaite. L’infécondité masculine mérite d’entrer dans cette conversation. Parce que tant que les hommes garderont ça pour eux, ils continueront de souffrir en silence.
Ce spectacle, avec son titre tout en douceur – Couleur Framboise –, fait exactement ça : il prend un sujet rugueux et le rend accessible. Drôle. Touchant. Universel.
À la fin de la représentation, les applaudissements sont nourris, sincères. Et dans le hall, les discussions vont bon train. Des couples échangent leurs expériences. Des hommes se confient enfin. C’est peut-être ça, le plus beau cadeau que l’art puisse offrir : créer des espaces où l’on peut enfin être soi, sans masque.
Et vous, où en êtes-vous avec ce sujet ?
Si vous êtes un homme et que vous traversez ça, sachez une chose : vous n’êtes pas seul. Parler, c’est déjà commencer à guérir. Que ce soit à votre partenaire, à un ami, à un psy, ou même en allant voir un spectacle qui traite du sujet avec autant d’humanité.
Et si vous êtes une femme dont le conjoint vit mal un diagnostic d’infertilité, peut-être que l’emmener voir ce genre de spectacle pourrait être une belle idée. Parce que parfois, entendre quelqu’un d’autre dire à voix haute ce qu’on ressent au fond de soi, ça libère énormément.
L’infécondité masculine n’est pas une fatalité. C’est une épreuve, oui. Mais une épreuve que l’on peut traverser ensemble, avec plus de légèreté quand on accepte d’en rire aussi. Parfois.
Alors merci à cet humoriste qui, soir après soir, transforme ses galères en moments de grâce. Merci de rappeler qu’un homme peut être fort, drôle, sensible, et parler de ses testicules sans que ça fasse de lui quelqu’un de moins viril.
Au contraire. Ça fait de lui quelqu’un de profondément humain.
