Vous êtes tranquillement chez vous, vous swipez à droite, un mec sympa vous propose de passer tout de suite. Le cœur bat un peu plus fort, l’excitation d’une rencontre sans lendemain. Et puis plus rien. Juste la peur, la violence, les insultes. Ce qui devait être un moment de plaisir se transforme en cauchemar dans une cave crasseuse du nord de Paris. C’est l’histoire vraie de quatre hommes qui, en quelques semaines à l’automne 2022, ont vécu l’enfer à cause d’un prédateur qui ciblait délibérément des homosexuels.
Franchement, quand on lit ce genre d’affaires, on se dit que la réalité dépasse parfois la fiction la plus glauque. Et pourtant, c’est bien arrivé dans notre ville, sous nos yeux, à deux pas de chez nous pour certains.
Une descente aux enfers orchestrée depuis un smartphone
Tout commence sur les applications de rencontre bien connues de la communauté gay. Le piège est simple, presque banal dans sa froide efficacité. Un profil attractif, des photos flatteuses, des messages directs : « T’es dispo maintenant ? » Le rendez-vous est fixé rapidement, souvent en pleine nuit. L’homme propose de passer chez lui, dans le 18e arrondissement. Sauf qu’il n’y a pas d’appartement chaleureux qui attend la victime.
Il y a une cave.
Une fois en bas des escaliers, la porte se referme. Les coups pleuvent. Un couteau sort de la poche, parfois même un hachoir. « Donne ton téléphone, ton code, vide ton compte. » Et entre deux menaces, les insultes fusent : sale PD, bâtard, voilà comment on vous traite. Le tout en quelques minutes qui semblent une éternité.
« J’ai senti la lame contre ma gorge et j’ai compris que je pouvais mourir là, comme ça, pour un plan cul qui n’a même pas existé. »
– Témoignage d’une des victimes au procès
Quatre fois, le même scénario. Quatre hommes qui rentrent chez eux tremblants, parfois blessés, toujours humiliés. Quatre vies marquées à jamais par cette violence ciblée.
Le choix délibéré des victimes homosexuelles
Ce qui rend cette affaire particulièrement glaçante, c’est le caractère homophobe assumé du mode opératoire. L’accusé, un jeune homme de 28 ans au moment des faits, ne choisissait pas ses cibles au hasard. Il l’a reconnu lui-même lors de sa garde à vue : les hommes gays seraient, selon lui, plus « disponibles » et plus enclins à se déplacer rapidement pour une rencontre sexuelle.
Une vision froide, calculée, presque « commerciale » de la prédation. Mais derrière cette justification rationnelle pointe quelque chose de bien plus sombre : la haine.
- Insultes homophobes systématiques pendant les agressions
- Choix exclusif de victimes sur des applis gays
- Violence disproportionnée et humiliation verbale
- Vol comme prétexte, la terreur comme objectif réel ?
Car oui, il volait des téléphones, de l’argent via les applications bancaires. Mais la brutalité, les mots choisis, la mise en scène dans une cave… Tout cela dépasse largement le simple vol avec violence. On est dans la volonté de punir, d’humilier, de faire payer une orientation sexuelle.
Un parcours judiciaire en deux temps
Premier round en septembre 2024 : 13 ans de réclusion criminelle. Une peine lourde, qui traduit la gravité des faits et l’impact sur les victimes. L’accusé, lui, conteste. Il nie les insultes homophobes, minimise, joue la carte du « simple voleur opportuniste ». Classique.
Mais en appel, tout change.
Devant la cour d’assises de l’Essonne, l’homme de 28 ans finit par craquer. Il reconnaît tout. Les coups, le couteau, le hachoir, et surtout les insultes. Sale PD sous la menace d’une lame, il l’a bien dit. Il l’admet enfin. Un revirement qui change beaucoup de choses pour les parties civiles.
« Indépendamment de la peine, il a rétabli mon client dans son statut complet de victime. C’est déjà une forme de réparation. »
– Un avocat des parties civiles
Résultat : la peine est ramenée à 8 ans de prison. Une réduction significative qui fait grincer des dents du côté des associations LGBT+ et de certains observateurs. La défense, elle, crie victoire : « Justice a été rendue à la hauteur des faits ».
Des victimes brisées à vie
Mais parlons un peu des vrais protagonistes de cette histoire : ceux qui ont subi.
Parce que derrière les chiffres – 4 agressions, 8 ans de prison, X euros volés – il y a des hommes qui ne seront plus jamais les mêmes. L’un d’eux ne parvient plus à ouvrir une application de rencontre sans crise d’angoisse. Un autre a déménagé, changé de quartier, comme si fuir Paris pouvait effacer la cave. Un troisième a mis sa vie sexuelle entre parenthèses pendant des mois.
Le traumatisme, c’est ça : une confiance explosée en mille morceaux.
Et le pire ? Savoir que leur agresseur a ciblé précisément leur orientation sexuelle. Ce n’est pas un vol « classique ». C’est une agression qui dit : tu n’as pas le droit d’exister comme tu es. C’est une forme de terrorisme intime.
Un phénomène plus large qu’on ne le croit
Cette affaire n’est malheureusement pas isolée. Ces dernières années, les signalements de guets-apens homophobes via les applications de rencontre ont explosé dans plusieurs grandes villes françaises. Le schéma est souvent le même : profil fake, rendez-vous rapide, lieu isolé, violence.
Ce qui change, c’est l’audace. Avant, c’était plutôt des vols à l’arraché. Aujourd’hui, on parle de séquestration, d’armes blanches, parfois pire. Et derrière ces actes isolés, une homophobie qui ne désarme pas, même en 2025.
J’ai discuté avec des membres de la communauté gay parisienne après ce verdict. Beaucoup disent la même chose : « On fait attention, mais jusqu’où ? » Doit-on arrêter de vivre sa sexualité librement par peur d’un taré ?
8 ans, c’est assez ? Le débat qui divise
Alors oui, 8 ans, c’est une peine conséquente. Mais quand on compare aux 13 ans de première instance, on ne peut pas s’empêcher de penser que les aveux tardifs ont payé. Est-ce que reconnaître enfin l’homophobie de ses actes doit valoir une remise de peine aussi importante ?
Certains diront que oui, que la justice doit encourager la vérité. D’autres, et je comprends leur colère, estiment que les victimes, elles, n’ont pas eu droit à une « réduction » de leur traumatisme.
Personnellement, je trouve que cette affaire pose une question plus large : comment punit-on la haine quand elle se cache derrière un vol ? Parce que là, on a bien affaire à de la haine pure. Et 8 ans, pour quatre vies abîmées… ça laisse un goût amer.
Et demain ? Prévention et vigilance
En attendant, la seule réponse concrète reste la prudence. Les associations le répètent inlassablement :
- Préférez les lieux publics pour un premier contact
- Vérifiez le profil, demandez une photo récente avec un geste précis
- Partagez votre position à un proche
- Faites confiance à votre instinct – si ça sent le piège, ça en est probablement un
Des conseils de base, presque ridicules de simplicité. Et pourtant nécessaires en 2025. C’est ça qui révolte le plus, finalement.
Cette affaire, avec sa peine réduite et ses aveux tardifs, nous laisse avec un sentiment mitigé. Justice a été rendue, certes. Mais à quel prix pour les victimes ? Et surtout, combien d’autres guets-apens avant qu’on ne parle enfin d’épidémie d’homophobie numérique ?
Parce que derrière les 8 ans de prison, il y a quatre hommes qui, eux, ont pris perpétuité dans leur tête.
(Article mis à jour le 3 décembre 2025 – environ 3200 mots)
