Imaginez un peu la scène. Vous tirez depuis des mois au sort dans l’espoir de vivre enfin ce moment magique : un 32e de finale de Coupe de France face à une équipe pro. Le rêve absolu pour n’importe quel club amateur. Et puis, deux jours après le tirage, on vous annonce que ça se jouera… un vendredi soir à 20 h 45. Fin de journée de boulot, embouteillages, fatigue accumulée. Ce qui devait être la plus belle fête de l’année ressemble soudain à une énorme galère.
C’est exactement ce qui arrive à un club de Régional 1 dans le Nord de la France. Leur entraîneur ne mâche pas ses mots : « Ce qui était une fête devient une corvée. » Et franchement, on comprend pourquoi.
Quand la magie de la Coupe s’éteint à cause d’un simple horaire
La Coupe de France, c’est censé être le dernier bastion du romantisme footballistique. David contre Goliath, le petit poucet qui fait trembler les gros. On a tous en tête ces images de supporters en liesse, de familles qui se déplacent de loin, de gamins qui rêvent en voyant leur club jouer sous les projecteurs.
Mais quand le match tombe en pleine semaine, surtout un vendredi soir, tout s’écroule. Les joueurs, qui ont tous un métier à côté, sortent du travail à 17 h ou 18 h, parfois plus tard. Certains ont fait la route, livré des colis, passé la journée sur des échafaudages ou derrière un bureau. Et là, il faut enfiler les crampons et affronter une équipe professionnelle. Vous y croyez, vous ? Moi, j’ai du mal.
Des sacrifices énormes pour des joueurs qui ne vivent pas du foot
Dans les clubs amateurs de haut niveau régional, presque personne n’est professionnel. On parle de mecs entre 20 et 35 ans qui bossent dur toute la semaine pour payer le loyer, les courses, les études des gosses. Prendre une demi-journée ou une journée complète un vendredi, c’est souvent mission impossible.
« Certains vont se lever à 5 heures du matin, bosser toute la journée, parfois livrer jusqu’à 18 h, et ensuite venir jouer contre une équipe de Ligue 2. Franchement, c’est dur à avaler. »
Un entraîneur de Régional 1, dépité
Et ce n’est pas que physique. C’est aussi mental. Arriver sur le terrain déjà vidé, avec l’esprit encore au boulot, face à des pros reposés et préparés toute la semaine… L’exploit devient presque hors de portée avant même le coup d’envoi.
Une programmation décidée sans concertation
Ce qui rend la pilule encore plus amère, c’est que le club avait pourtant fait ses demandes. Samedi après-midi, 18 heures, l’horaire parfait. Le secrétaire du club avait même trouvé un accord rapide avec l’adversaire. Tout le monde était OK.
Mais non. Le diffuseur TV a tranché. Priorité aux audiences, aux grilles de programmes, aux autres matchs diffusés le même soir. Résultat ? Plusieurs 32es de finale se retrouvent calés le vendredi soir, en concurrence directe avec des affiches de Ligue 1 ou d’autres compétitions.
Et là, on touche au cœur du problème : qui décide vraiment ? La fédération ? Le diffuseur ? Les deux ? En tout cas, les clubs amateurs, eux, n’ont clairement pas leur mot à dire.
La famille et les supporters aussi pénalisés
On parle beaucoup des joueurs, mais il y a aussi tout l’entourage. Les parents qui viennent de loin, les amis qui travaillent, les enfants qu’il faut récupérer à l’école ou à la crèche. Un vendredi soir, c’est compliqué pour tout le monde.
- Les grands-parents qui habitent à deux heures de route et qui ne conduisent plus la nuit
- Les collègues qui auraient adoré venir mais qui terminent à 19 h
- Les supporters fidèles qui doivent choisir entre le match et leurs obligations familiales
- Le club lui-même qui voit fondre sa recette potentielle de billetterie
Le stade risque d’être bien plus vide que prévu. Et pourtant, c’est souvent lors de ces matchs-là que les clubs amateurs remplissent leurs caisses pour toute la saison.
Un sentiment d’injustice qui monte chez les amateurs
Ce n’est pas la première fois qu’on entend ce genre de mécontentement. Chaque année, quelques clubs se retrouvent dans cette situation. Mais là, la colère semble particulièrement vive. Parce que le contraste est violent : d’un côté, l’euphorie du tirage au sort, de l’autre, la douche froide de la programmation.
Et derrière cette colère, il y a une question plus profonde : est-ce que la Coupe de France est encore vraiment faite pour les amateurs ? Ou est-elle en train de devenir un simple produit télévisuel, où seuls comptent les droits TV et les audiences ?
« On a l’impression qu’on n’a pas pensé aux clubs amateurs. C’est désolant. »
Difficile de ne pas être d’accord. Quand on sait que la Coupe de France repose en grande partie sur la passion des bénévoles et des joueurs non professionnels, les ignorer dans l’organisation des matchs les plus importants de leur saison, c’est un peu se tirer une balle dans le pied.
Des précédents qui font réfléchir
Ce n’est pas nouveau. On se souvient de clubs qui avaient dû jouer un dimanche matin à 11 h, ou un mardi soir à 18 h 30. À chaque fois, même problème : affluence en berne, joueurs épuisés, ambiance plombée.
À l’inverse, quand les matchs sont programmés le samedi ou le dimanche après-midi, on voit des stades pleins, des ambiances de folie, des exploits historiques. Comme si, finalement, le spectacle était aussi dans les tribunes.
Et si on repensait complètement la programmation des 32es ?
Peut-être qu’il serait temps de poser des règles claires. Par exemple :
- Les matchs impliquant un club amateur contre un pro toujours le week-end
- Priorité aux horaires demandés par le club recevant
- Une concertation obligatoire avant validation définitive
- Une fenêtre horaire protégée pour les petits clubs
Évidemment, les diffuseurs ont aussi leurs contraintes. Mais est-ce si compliqué de trouver un équilibre ? Après tout, c’est aussi grâce à ces matchs improbables que la Coupe garde son âme.
Parce que si on continue comme ça, on risque de tuer la poule aux œufs d’or. Moins d’ambiance, moins d’exploits, moins de magie. Et à la fin, même les téléspectateurs finiront par se lasser.
Le mot de la fin : on fera avec, mais à quel prix ?
Le club jouera quand même. Les joueurs serreront les dents, comme toujours. Peut-être même qu’ils créeront l’exploit, qui sait. Mais une chose est sûre : ce 32e de finale laissera un goût amer.
Parce que le football amateur, ce n’est pas seulement du sport. C’est de la passion, du sacrifice, du lien social. Et quand on transforme ça en simple case sur une grille de programme TV, on oublie l’essentiel.
Espérons que cette colère serve au moins à quelque chose. Que la prochaine fois, avant de caler un match un vendredi soir, quelqu’un pense enfin à ceux qui font vivre la Coupe de France depuis toujours : les amateurs.
Parce que sans eux, il n’y a plus de magie.
