Vous souvenez-vous de cette odeur de vin chaud et de pain d’épices qui flotte chaque hiver dans nos villes ? Ces moments où l’on déambule, emmitouflé, entre les chalets illuminés, un gobelet à la main et les enfants émerveillés par les décorations… Et si, cette année, on y ajoutait le bruit discret des talkies-walkies et la silhouette des militaires en faction ? Triste évolution, mais réalité brutale : les marchés de Noël ne sont plus seulement des lieux de fête. Ils sont devenus, malgré nous, des cibles.
Je ne vais pas vous faire languir : oui, la sécurité va être considérablement renforcée cet hiver 2025. Et quand je dis considérablement, ce n’est pas une formule en l’air. C’est une consigne directe, écrite noir sur blanc, envoyée à tous les préfets de France.
Une consigne claire : vigilance maximale
Le message est tombé il y a quelques jours seulement. Dans un télégramme officiel, le ministre de l’Intérieur a rappelé une évidence douloureuse : les rassemblements festifs concentrent du monde, donc ils attirent ceux qui veulent frapper fort. Les marchés de Noël, avec leur symbolique chrétienne et leur affluence, cochent malheureusement toutes les cases des cibles privilégiées par les mouvements jihadistes.
On pourrait se dire « encore ? »… Et pourtant, chaque année ramène son lot de rappels cruels.
Le souvenir encore vif de Strasbourg
Comment oublier le 11 décembre 2018 ? Ce soir-là, un individu radicalisé avait semé la terreur au cœur du marché de Noël de Strasbourg. Cinq morts, onze blessés. Des familles brisées en quelques minutes. J’y étais passé quelques années plus tôt, j’avais même bu un chocolat chaud sur cette même place Kléber… L’idée que ce lieu de joie puisse devenir un cauchemar reste insupportable.
Et l’histoire ne s’arrête pas là. En Allemagne, Berlin 2016 avec son camion-bélier, puis Magdebourg l’an dernier… Chaque fois le même mode opératoire : profiter de la foule, de l’effet de surprise, de l’émotion collective.
« Comme tous moments festifs où beaucoup de personnes vont se rassembler, les marchés de Noël sont des cibles des mouvements terroristes »
– Le ministre de l’Intérieur, le 4 décembre 2025
Ce qui change concrètement cet hiver
Alors cette année, on ne prend plus de risque. Les préfets ont reçu des instructions précises, et croyez-moi, ça va se voir sur le terrain.
- Renforcement visible des forces de l’ordre et des militaires Sentinelle autour et à l’intérieur des marchés
- Fouilles systématiques à l’entrée (sacs, palpations, parfois portiques de détection)
- Interdiction ou limitation du stationnement à proximité immédiate
- Restriction de la circulation automobile dans tout le périmètre (voitures bannies, parfois même vélos et trottinettes)
- Gestion stricte des flux piétons avec sens uniques et couloirs délimités
- Coordination renforcée avec les services de renseignement pour détecter toute menace en amont
Dans certaines grandes villes, on parle déjà de barrières anti-bélier en béton, de plots rétractables, de caméras supplémentaires. À Paris, Lyon, Lille ou Strasbourg, attendez-vous à faire la queue avant d’entrer. C’est le prix de la tranquillité, diront certains. Le prix de la liberté perdue, rétorqueront d’autres.
Une menace qui n’a pas disparu
Et pourtant, il faut bien l’admettre : le niveau de menace reste très élevé. Même si les grands réseaux ne parviennent plus à projeter des commandos comme avant, ils continuent d’appeler au passage à l’acte individuel via leurs canaux de propagande. Un simple couteau, une voiture-bélier, une arme de poing… Parfois, il n’en faut pas plus.
Récemment encore, la découverte d’une arme et de munitions à proximité immédiate du marché de Noël de Strasbourg a fait frissonner tout le monde. L’enquête a conclu à l’absence de lien terroriste, mais l’incident rappelle que la vigilance doit être permanente.
Franchement, quand on lit les communiqués des groupes jihadistes, on y trouve encore et toujours les mêmes cibles désignées : les marchés de Noël, les forces de l’ordre, les lieux de culte juifs, les symboles de l’État… Rien de nouveau sous le soleil, hélas.
Entre fête et forteresse : le dilemme
Je me pose souvent la question : jusqu’où peut-on sécuriser un événement sans le dénaturer complètement ? Un marché de Noël sous haute protection, avec militaires en armes et fouilles à chaque entrée, reste-t-il vraiment un marché de Noël ? L’ambiance chaleureuse, l’insouciance, cette légèreté hivernale… Tout cela prend un sérieux coup.
Mais l’alternative est pire. Personne ne veut revivre Strasbourg, Berlin ou Nice. Alors on accepte les contrôles, on râle un peu dans la file d’attente, et on se dit que c’est le prix à payer pour pouvoir encore profiter de ces moments en famille.
Certains maires, d’ailleurs, vont plus loin. On a vu récemment l’annulation pure et simple du grand concert du réveillon sur les Champs-Élysées pour des raisons de sécurité. Signe que la menace pèse aussi sur les événements du 31 décembre.
Ce que ça signifie pour vous, visiteurs
Si vous prévoyez de faire un tour au marché de Noël cette année, voici quelques conseils pratiques (et un peu tristement nécessaires) :
- Arrivez tôt : les files d’attente risquent d’être longues aux heures de pointe
- Prévoyez un sac petit ou transparent (certains marchés interdisent les gros sacs à dos)
- Évitez de venir en voiture : les périmètres seront inaccessibles
- Privilégiez les transports en commun ou le vélo (mais vérifiez les restrictions)
- Restez attentif aux consignes des forces de l’ordre
- Signalez tout comportement ou colis suspect (oui, ça paraît cliché, mais ça peut sauver des vies)
En résumé, on va encore pouvoir profiter des marchés de Noël. Mais avec un goût un peu différent. Moins d’insouciance, plus de conscience du risque. C’est le monde dans lequel on vit.
Et après ?
On pourrait se dire que c’est temporaire, que la menace finira par baisser. Sauf que ça fait maintenant plus de dix ans que dure cet état d’urgence sécuritaire permanent. Est-ce qu’un jour on retrouvera des marchés de Noël sans barrières ni militaires ? Franchement, je n’ose plus y croire.
En attendant, profitons-en. Allons boire ce vin chaud, achetons cette décoration artisanale, prenons cette photo devant le grand sapin. Même sous surveillance, la magie opère encore. Peut-être même un peu plus, justement parce qu’on sait qu’elle est fragile.
Prenez soin de vous. Et joyeux Noël, malgré tout.
