Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait tuer un âne en pleine force de l’âge, presque du jour au lendemain ? Moi non plus, jusqu’à ce que j’entende parler de cette histoire qui secoue la vallée d’Arbas, en Haute-Garonne. Six ânes morts en une semaine. Pas une maladie contagieuse, pas un accident ou un prédateur. Juste… des glands. Oui, les mêmes glands que l’on ramasse parfois pour décorer la cheminée à Noël.
Quand la nature devient mortelle sans prévenir
Cette année, les chênes des Pyrénées ont produit comme jamais. Une profusion de glands, conséquence directe de l’été 2025 particulièrement chaud et sec. Problème : la chaleur concentrée a rendu ces glands beaucoup plus riches en tanins, ces composés naturels qui, en trop grande quantité, deviennent de véritables poisons pour certains animaux.
Les sangliers, les cerfs ou les chevreuils savent instinctivement se réguler. Ils alternent avec d’autres plantes qui aident à drainer les toxines. L’âne, lui, est un gourmand obstiné. Quand il trouve un tapis de glands, il fonce tête baissée. Et cette fois, le résultat a été fatal.
« On a perdu Presto en premier. Il avait 23 ans, il était là depuis presque toujours. Il faisait partie de la famille. »
Un des éleveurs touchés
Une race déjà en danger qui prend un coup terrible
L’âne des Pyrénées, reconnaissable à sa robe noire panchée de blanc, n’est pas n’importe quelle race. On parle d’une population mondiale qui tourne autour de 1 500 individus seulement. Chaque naissance est fêtée, chaque perte est un drame pour la génétique de l’espèce.
Le couple d’éleveurs d’Arbas fait partie des rares irréductibles qui se battent depuis 2008 pour sa sauvegarde. Ils élèvent, reproduisent, forment à la traction animale, produisent du lait pour des savons artisanaux, proposent des randonnées… Bref, ils vivent à 100 % avec et pour leurs ânes. Perdre six adultes d’un coup, c’est un tiers de leur cheptel reproducteur qui disparaît en quelques jours.
Et le pire ? Les 44 rescapés sont toujours sous surveillance médicale intensive. Protocole de drainage hépatique et rénal, perfusions, analyses quotidiennes… Les factures vétérinaires s’envolent.
La solidarité de la vallée : quand les amis prennent les devants
Pendant que les éleveurs géraient l’urgence – veiller les malades jour et nuit, enterrer les morts –, trois amis ont pris une initiative forte. Sans même leur en parler, ils ont ouvert une cagnotte en ligne le 26 novembre.
Résultat ? En moins de dix jours, plus de 3 500 euros récoltés. Des dons de 5 €, 10 €, 50 €, parfois 200 €. Des messages qui font chaud au cœur. Des gens du village, des randonneurs qui ont marché avec ces ânes, des clients qui achètent leurs savons depuis des années… Tout un réseau invisible qui se réveille quand ça fait mal.
« Ils l’ont lancée sans nous prévenir. Quand on l’a découvert, on a pleuré une deuxième fois, mais de reconnaissance cette fois. »
Les tanins, ce poison discret qu’on sous-estime
Beaucoup de gens croient que les glands sont simplement « pas terribles » pour les chevaux ou les ânes. En réalité, en forte concentration, les tanins provoquent une destruction massive des reins et du foie. Les symptômes ? L’animal devient apathique, arrête de manger, urine du sang, puis c’est l’effondrement en quelques heures.
- Phase 1 : l’âne mange énormément de glands (jusqu’à plusieurs kilos par jour)
- Phase 2 : les tanins saturent le système de détoxification
- Phase 3 : insuffisance rénale aiguë
- Phase 4 : décès en 48 à 72 heures si rien n’est fait
Et cette année, avec le réchauffement, le phénomène semble s’amplifier. Des vétérinaires de la région rapportent déjà d’autres cas chez des chevaux et même des bovins. Comme si la nature, sous pression climatique, fabriquait elle-même de nouveaux poisons.
Et maintenant ? Comment rebondir après un tel choc
Les éleveurs ne baissent pas les bras. Les naissances prévues au printemps 2026 seront cruciales. Ils réfléchissent déjà à déplacer une partie du troupeau vers des pâturages sans chênes pendant l’automne. Ils parlent aussi de clôtures anti-glands (oui, ça existe), compléments alimentaires détoxifiants, surveillance renforcée.
Mais surtout, ils savent qu’ils ne sont pas seuls. Cette cagnotte, ces messages, ces coups de fil… tout ça leur redonne de l’élan. Parce que sauver une race, ce n’est pas seulement une histoire d’animaux. C’est préserver un bout de patrimoine pyrénéen, un mode de vie, une autre façon de faire de l’agriculture.
Je termine sur cette pensée : parfois, les plus belles histoires de résilience naissent des pires drames. Et dans cette petite vallée de Haute-Garonne, on est en train d’en écrire une nouvelle page.
Si cette histoire vous a touché, partagez-la. Et si vous le pouvez, un petit don, même symbolique, fait toujours la différence. Parce que derrière chaque âne sauvé, il y a des femmes et des hommes qui croient encore que le monde rural a de l’avenir.
