Il y a des spectacles qui vous marquent à vie. Et puis il y a ceux qui vous font carrément oublier que la gravité existe. Le soir où j’ai poussé la porte du grand chapiteau planté sur la pelouse de Reuilly, j’ai su dès les premières minutes que j’allais ressortir différent. Vingt-cinq ans que ce cirque voyage autour du monde pour ramener à Paris le meilleur de l’acrobatie humaine. Et pour fêter ça dignement, ils ont sorti l’artillerie lourde : Millésime !. Un show qui donne l’impression de feuilleter un album photo géant de tout ce que l’humanité compte de plus fou, de plus beau, de plus dingue avec son seul corps.
Franchement, on en prend plein les yeux dès l’ouverture. Les 25 affiches défilent sur un écran géant, comme un voyage express à travers le temps. Et là, bam, on plonge direct dans le vif du sujet.
Millésime ! : quand le cirque devient art total
Ce qui frappe d’entrée, c’est cette volonté farouche de montrer que le cirque n’a plus rien à voir avec les clichés d’autrefois. Ici, pas l’ombre d’un animal. Juste l’Homme. Nu, brut, sublimé. Et quand je dis « homme », c’est au sens large : des artistes venus des quatre coins du planète, chacun avec sa culture, son histoire, sa folie douce.
Le spectacle commence doucement, presque tendrement, avec une projection qui nous rappelle d’où l’on vient. Puis la lumière baisse, un souffle, et c’est parti pour deux heures où votre cœur va faire du yo-yo – littéralement.
La suspension capillaire : vertige garanti
Allez, on va direct au numéro qui fait le plus parler : la suspension capillaire. Oui, vous avez bien lu. Une artiste mongole, cheveux noirs interminables, qui tourne, qui virevolte, qui monte à plus de dix mètres… accrochée uniquement par sa chevelure. Je vous jure que la première fois qu’on voit ça, on retient son souffle pendant toute la durée du numéro. C’est beau, c’est flippant, c’est complètement dingue.
Et le pire ? Elle sourit. Genre vraiment. Comme si se balancer dans le vide attachée par les cheveux était la chose la plus naturelle du monde. Personnellement, j’ai serré les accoudoirs si fort que j’ai encore les marques.
« Le cheveu, c’est plus solide qu’on ne le croit. Il supporte jusqu’à 12 tonnes en théorie. Mais il faut des années d’entraînement pour que le corps accepte cette douleur. »
– Une artiste spécialisée, en coulisses
Et là, vous vous dites : ok, c’est le clou du spectacle. Sauf que non. C’est juste l’entrée.
Le tango acrobatique qui réinvente la danse
Ensuite arrive un duo argentin qui danse le tango… mais en l’air. Portés, figures impossibles, chutes ralenties. C’est sensuel, c’est violent, c’est magnifique. On a l’impression de voir l’amour et la dispute en même temps, à la verticale. Le public est scotché. On entendrait une mouche voler – enfin, si les mouches osaient entrer sous le chapiteau.
Le plus fou, c’est que tout est fluide. Pas de câbles visibles, pas de trucages grossiers. Juste deux corps qui se comprennent à la perfection et défient les lois de la physique avec une élégance rare.
Le maître du yo-yo qui rend l’objet magique
Et puis il y a lui. Le Japonais. Celui qui transforme un simple yo-yo en prolongation de son corps. Les figures sont tellement rapides que l’œil a du mal à suivre. Les lumières suivent le fil, dessinent des spirales, des étoiles, des constellations entières dans l’obscurité. À un moment, il en lance trois en même temps. Trois ! J’ai applaudi comme un gamin.
C’est le genre de numéro qui vous fait réaliser à quel point on peut repousser les limites avec des objets du quotidien. Un peu comme si quelqu’un décidait de faire de la haute couture avec un rouleau de scotch.
L’Afrique à l’honneur avec des équilibres surréalistes
Impossible de passer à côté du collectif tanzanien. Des mecs qui grimpent sur des chaises, les uns sur les autres, jusqu’à former une tour humaine qui vacille dangereusement. Et là, le dernier en haut fait l’équilibre sur une main. Sur une chaise. Au sommet de sept mètres de corps humains. Mon voisin a littéralement fermé les yeux.
- Sept artistes empilés
- Une seule chaise au sol
- Zéro filet
- Une ovation debout de cinq minutes
C’est le genre de moment où tu te dis que l’expression « tenir en équilibre précaire » prend tout son sens.
Pourquoi ce cirque-là est différent des autres
Ce qui rend ce lieu unique, c’est sa capacité à se réinventer chaque année. Depuis plus de vingt ans, ils ont fait un choix radical : dire non aux animaux. À une époque où c’était encore la norme, ils ont préféré miser tout sur l’humain. Et aujourd’hui, quand on voit le résultat, on se dit qu’ils avaient sacrément raison.
Le chapiteau lui-même est une prouesse : 5 500 places, une acoustique parfaite, une proximité avec les artistes qui fait qu’on sent presque le vent des passages. On n’est pas spectateurs, on est complices.
Et puis il y a cette diversité. Japonais, Tchèques, Argentins, Mongols, Tanzaniens, Cubains… C’est un peu l’ONU de l’acrobatie. Chacun apporte sa patte, sa musique, son humour parfois. Résultat : un spectacle qui ne ressemble à aucun autre.
Un voyage émotionnel autant que visuel
Parce qu’au-delà des prouesses techniques, ce qui touche, c’est l’émotion. Il y a des moments de grâce pure. Comme cette funambule ukrainienne qui traverse le chapiteau sur un fil, les yeux bandés, accompagnée par un violoncelliste en live. Ou ce clown poétique qui arrive à faire rire et pleurer en même temps avec trois fois rien.
On ressort sonnés, mais heureux. Le genre de bonheur un peu bête où on sourit tout seul dans le métro en repensant à ce qu’on vient de vivre.
Infos pratiques : comment ne pas rater Millésime !
Le spectacle est visible jusqu’au 11 janvier à Paris, pelouse de Reuilly (métro Porte Dorée ou Liberté). Ensuite, il part en tournée dans toute la France. Les places partent vite, surtout pour les week-ends et les vacances scolaires.
Petit conseil de spectateur aguerri : arrivez tôt. L’ambiance avant le show, avec les food-trucks, la musique, les enfants qui courent partout, fait déjà partie du voyage.
En vingt-cinq ans, ce cirque a su imposer sa vision : un art populaire, exigeant, ouvert sur le monde et résolument tourné vers l’humain. Millésime ! n’est pas juste un spectacle anniversaire. C’est une déclaration d’amour au corps, au risque, à la beauté.
Si vous n’avez qu’un seul sortie à faire cet hiver à Paris, foncez. Vous vous en souviendrez toute votre vie. Moi, en tout cas, j’y retourne la semaine prochaine. Parce qu’une fois, c’est pas assez.
Et vous, quel numéro vous ferait le plus flipper ? Dites-le moi en commentaire, je suis curieux !
