Imaginez un peu la scène : vous ouvrez votre téléphone un matin tranquille et vous tombez sur des photos de vous, nues, détournées, accompagnées de votre adresse exacte et d’un appel public à venir vous violer. Pire encore, l’homme derrière tout ça est censé incarner la justice au quotidien.
C’est exactement ce qu’a vécu, pendant des années, l’ex-épouse d’un magistrat français. Une histoire qui donne la chair de poule et qui nous renvoie en pleine face la violence numérique dont personne n’est vraiment à l’abri – même pas celles et ceux qui côtoient la loi tous les jours.
Quand la vengeance franchit toutes les lignes rouges
Depuis leur séparation en 2014, ça n’a jamais vraiment cessé. Au début, des intimidations discrètes. Puis, petit à petit, la mécanique s’est emballée. Des clichés volés à l’époque du couple qui réapparaissent sur des forums cachés du dark web. Des montages grossiers, mais suffisamment réalistes pour faire mal. Et surtout, des messages glaçants : nom, adresse du domicile, lieu de travail, numéro de portable… Tout y passe.
Le pire ? Certains posts allaient très loin. On y lisait des appels explicites à enlever la femme, à la séquestrer, à la violer. Des mots crus, organisés, répétés. Comme un scénario écrit pour terroriser.
« Il y avait quelqu’un qui donnait toutes les informations nécessaires pour la retrouver, chez elle ou au boulot, et qui incitait clairement à la violence sexuelle la plus extrême. »
– L’avocat de la victime
Le dark web, cet endroit où tout devient possible
Pour ceux qui ne connaissent pas vraiment, le dark web c’est cette partie d’internet accessible uniquement avec des outils spécifiques, où l’anonymat est roi. On y trouve de tout : des marchés illégaux, bien sûr, mais aussi des espaces de discussion où les pires fantasmes se libèrent sans filtre.
C’est là que les images et les messages ont été postés. Pas une fois, pas deux fois. Des années durant. Et à chaque nouvelle publication, la victime recevait des alertes anonymes, des messages étranges, parfois des appels silencieux. La peur permanente.
Ce qui frappe, c’est la précision chirurgicale des informations diffusées. On ne parle pas d’un vague « elle habite à Paris ». Non. Rue, numéro, étage, code de la porte. Le genre de détails qui ne sortent pas de nulle part.
L’enquête qui a tout fait basculer
La première plainte date de 2020. Mais c’est vraiment en 2024 que les enquêteurs spécialisés dans la délinquance contre la personne ont repris le dossier à bras-le-corps. Et là, bingo.
Perquisition au domicile, saisie du matériel informatique, garde à vue. Et soudain… plus rien. Les publications s’arrêtent net. Huit semaines de calme absolu. Puis, petit à petit, ça reprend. Comme si quelqu’un testait les limites, jouait au chat et à la souris avec les enquêteurs.
Fin octobre 2025, la mise en examen tombe. Trois chefs graves :
- Cyberharcèlement
- Diffusion non consentie d’images intimes – le fameux revenge porn
- Et surtout : participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un crime
Autrement dit, les enquêteurs estiment qu’il n’était pas seul. Ou du moins qu’il a organisé quelque chose qui allait bien au-delà de la simple vengeance personnelle.
Un magistrat sous contrôle judiciaire
Aujourd’hui, l’homme de 50 ans n’a plus le droit d’approcher son ex-femme ni de quitter le territoire. Il reste en poste – pour l’instant – mais une procédure d’interdiction temporaire d’exercer est en cours. Dans les couloirs du tribunal où il officiait, on murmure qu’il a déserté depuis plusieurs semaines.
Son avocat, lui, répète la présomption d’innocence. Classique. Et pourtant, le faisceau d’indices semble accablant : les publications cessent pile au moment de la perquisition, reprennent quand il retrouve un peu de liberté… Difficile de ne pas faire le lien.
Le revenge porn, cette arme moderne
Ce genre d’affaires n’est malheureusement plus si rare. Mais quand c’est un magistrat qui est mis en cause, ça prend une tout autre dimension. Parce qu’on attend de ces gens-là une exemplarité absolue. Ils sont censés protéger les victimes, pas en créer.
Et le revenge porn est une arme terrible. Une fois les images en ligne, même sur le dark web, elles peuvent resurgir n’importe quand. Des années plus tard. Sur un autre site. Dans les mains de quelqu’un qui, lui, passera à l’acte.
En France, la loi a été renforcée ces dernières années. Diffusion d’images intimes sans consentement ? Jusqu’à deux ans de prison et 60 000 euros d’amende. Quand ça s’accompagne d’appels à la violence sexuelle, on entre dans une tout autre catégorie pénale.
Pourquoi cette affaire nous concerne tous
Derrière le fait divers sordide, il y a une réalité plus large. N’importe qui peut devenir victime. Une ex, un collègue jaloux, un inconnu rancunier. Les outils pour nuire sont à portée de clic. Et le dark web offre une impunité apparente qui rend certains fous.
Ce qui est rassurant, en revanche, c’est de voir que les enquêteurs savent désormais traquer ce genre de comportements même dans les recoins les plus sombres d’internet. Les unités spécialisées font un boulot incroyable. Mais il faut aussi que les victimes osent parler plus tôt.
Parce que pendant des années, cette femme a vécu l’enfer en silence. Par peur. Par honte. Par espoir que ça finisse. Et puis un jour, elle a dit stop.
Et après ?
L’enquête continue. D’autres personnes pourraient être impliquées. Des complices ? Des individus qui ont répondu aux appels ? On n’en sait rien encore. Mais une chose est sûre : cette affaire ne va pas s’éteindre tout de suite.
Elle nous rappelle que la robe noire ne protège pas de la noirceur intérieure. Et que la justice, parfois, doit d’abord se regarder dans le miroir.
À suivre, donc. Très attentivement.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
