Quand on pense au baccalauréat, beaucoup d’entre nous se souviennent encore de cette épreuve rite de passage, parfois mythifiée, souvent redoutée. Aujourd’hui, force est de constater que le diplôme a perdu une partie de son aura. Les moyennes gonflées, les notes parfois généreuses, les polémiques récurrentes… Et si, enfin, quelqu’un décidait de remettre les choses à plat ?
C’est en tout cas le pari que semble vouloir tenir le tout nouveau ministre de l’Éducation nationale, Édouard Geffray, en poste depuis à peine six semaines. Dans une longue interview accordée récemment, il a balayé sans langue de bois les chantiers qui l’attendent. Et franchement, ça secoue.
Un bac qui ne fait plus peur : le constat qui dérange
Reprenons depuis le début. Depuis la réforme de 2019, le bac a changé de visage. Contrôle continu à 40 %, grand oral, spécialités… L’idée était louable : coller davantage aux réalités du supérieur, personnaliser les parcours. Mais le résultat ? Des taux de réussite records, parfois au-dessus de 95 %, et une impression tenace que le diplôme s’est banalisé.
Je me souviens encore des débats enflammés à l’époque. On nous promettait un bac « plus moderne ». Six ans après, nombreux sont ceux qui estiment qu’on a surtout gagné un bac « plus gentil ». Et quand les universités se plaignent du niveau des néo-bacheliers, il y a de quoi se poser des questions.
« Mon but, c’est que les bacheliers arrivent avec un sésame qui corresponde vraiment à leur niveau au moment d’entrer dans les études supérieures. »
Édouard Geffray, ministre de l’Éducation nationale
Vers une notation plus sévère dès 2026 ?
La grande annonce, c’est celle-ci : le ministre veut durcir les exigences de notation pour la session 2026. Finies les notes « cadeau » ? En tout cas, c’est le message envoyé aux correcteurs et aux jurys. L’idée n’est pas de faire chuter artificiellement les taux de réussite, mais de remettre de la cohérence entre les notes du bac et les compétences réelles.
Concrètement, cela pourrait passer par :
- Des grilles de correction plus strictes
- Une harmonisation renforcée entre académies
- Des formations spécifiques pour les correcteurs
- Une vigilance accrue sur le contrôle continu
Est-ce que ça suffira ? On peut en douter. Car le problème est profond. Quand certains lycées notent à 18 de moyenne en philo et d’autres à 11 pour le même niveau, il y a clairement un souci d’équité.
Le portable au lycée : vers une interdiction totale ?
Autre sujet qui revient sans cesse dans les discussions de parents : le téléphone portable. Officiellement interdit depuis 2018 en collège et jusqu’en classe de seconde, il reste omniprésent dans les lycées. Le ministre l’admet sans détour : la loi n’est pas assez appliquée.
Sa solution ? Aller plus loin. Il envisage sérieusement une interdiction totale dans l’ensemble des lycées, y compris en dehors des cours. Avec des casiers sécurisés, des pochettes Yondr (ces pochettes qui se verrouillent magnétiquement), ou d’autres dispositifs. Bref, on passerait d’une interdiction théorique à une interdiction pratique.
Personnellement, je trouve l’idée séduisante. Combien de professeurs se plaignent de devoir lutter contre les écrans en permanence ? Combien d’élèves perdent des heures sur TikTok entre deux cours ? Le lycée doit redevenir un lieu de concentration, pas une extension des réseaux sociaux.
Violences sexuelles et sexistes : tolérance zéro
Le sujet est grave et le ministre ne l’esquive pas. Ces derniers mois, les signalements pour agressions sexuelles ou harcèlement dans les établissements scolaires ont explosé. Trop souvent, les procédures traînent, les sanctions restent légères.
Édouard Geffray veut changer la donne :
- Renforcer les cellules d’écoute dans chaque académie
- Former systématiquement les personnels à la détection
- Appliquer des sanctions immédiates et proportionnées
- Instaurer des protocoles clairs avec la justice
Il l’a dit sans détour : « Un élève qui commet une agression sexuelle doit être exclu immédiatement. » Une fermeté qui tranche avec certaines pratiques passées où l’on préférait parfois étouffer les affaires pour protéger l’image de l’établissement.
Le budget de l’Éducation : la grande inconnue
On ne va pas se mentir : avec un gouvernement qui vacille et un budget 2026 qui risque de ne pas être voté, difficile de prévoir l’avenir. Le ministre le sait mieux que personne. Pourtant, il refuse de rester les bras croisés.
Parmi ses priorités budgétaires s’il obtient les moyens :
- Revalorisation des enseignants (surtout les débuts de carrière)
- Recrutement massif de personnels d’encadrement et de vie scolaire
- Investissements dans les internats d’excellence
- Rénovation des lycées professionnels
Mais avec la crise politique actuelle, rien n’est moins sûr. C’est peut-être le plus frustrant : avoir des idées ambitieuses et risquer de ne pas avoir le temps de les mettre en œuvre.
Et les professeurs dans tout ça ?
Une chose m’a marqué dans les propos du ministre : il parle beaucoup des élèves, du diplôme, de la discipline… mais assez peu des enseignants. Pourtant, ce sont eux qui font vivre le système au quotidien. Fatigués, parfois démotivés, souvent sous-payés par rapport à leurs homologues européens.
On sent qu’il y a encore du chemin. Car sans profs remotivés et respectés, aucune réforme ne tiendra. Espérons que ce point figurera en haut de la liste dans les mois qui viennent.
Un ministre en sursis qui ose quand même
Ce qui frappe, c’est le contraste. Un gouvernement fragilisé, un ministre qui pourrait partir demain… et pourtant des annonces fortes, presque courageuses. Prendre le risque de déplaire aux syndicats, aux parents, aux lycéens, alors que son siège est brûlant, il fallait oser.
Est-ce une stratégie pour marquer les esprits ? Une conviction profonde ? Sans doute un peu des deux. En tout cas, il ne fait pas dans la demi-mesure. Et dans le paysage éducatif français, où les ministres se succèdent à un rythme effréné (sept en trois ans !), ça change.
Alors, verdict ? On peut être sceptique sur la faisabilité à court terme. Mais sur le fond, beaucoup de parents, d’enseignants et même d’étudiants se disent : enfin quelqu’un qui met les pieds dans le plat. Reste à savoir si le temps (et la politique) lui laissera une chance de transformer l’essai.
Une chose est sûre : le débat sur l’école est relancé. Et ça, c’est déjà une bonne nouvelle.
