Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi l’or continue, année après année, à faire tourner la tête des criminels les plus chevronnés ? En pleine flambée des cours, un lingot ou quelques kilos de bijoux représentent une petite fortune facile à écouler. Et pourtant, tenter le coup dans les rues de Paris relève parfois du suicide tant la surveillance s’est renforcée. L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui en est la preuve éclatante.
Imaginez un peu : des mois de filatures discrètes, des équipes spécialisées qui ne lâchent rien, et au final quatre hommes qui pensaient avoir trouvé la martingale pour un casse juteux… stoppés net avant même d’avoir pu passer à l’acte. C’est exactement ce qui vient de se produire dans le petit monde très fermé des négociants en métaux précieux.
Un projet de braquage qui a failli voir le jour au cœur de Paris
Tout commence il y a presque un an, fin 2024, dans les ruelles étroites du 3e arrondissement. Là, entre la rue des Archives et la rue du Temple, se concentrent depuis toujours les grossistes en or, les fondeurs et les bijoutiers discrets. Un quartier où l’on pèse, fond et revend des tonnes de métal jaune chaque année sans faire de bruit.
Ce jour-là, deux hommes attirent l’attention des policiers. Rien de bien spectaculaire au premier abord : ils tournent, observent, prennent des notes. Mais les agents savent reconnaître les signes. Ces deux-là ne sont pas là pour acheter une chaîne en or pour Noël. Leur profil parle pour eux : des antécédents, de l’expérience, le genre de CV qui fait dresser l’oreille aux brigades anticriminalité.
Des cibles multiples et un changement de plan audacieux
Pendant plusieurs mois, les enquêteurs vont les suivre à la trace. Les cibles initiales ? Deux adresses précises : une fonderie rue des Haudriettes et un autre commerce rue du Temple. Le projet semble énorme, trop risqué même pour des pros. Transporter des kilos d’or en pleine journée, neutraliser la sécurité, prendre la fuite dans Paris… Autant dire mission quasi impossible.
Et puis, comme souvent dans ce milieu, la cupidité l’emporte sur la prudence. Les malfaiteurs repèrent une proie bien plus facile : une négociante qui effectue régulièrement le tour des bijoutiers en Île-de-France. Le principe est simple et rodé : elle passe dans les boutiques, ramasse les bijoux, l’or dentaire, les débris, tout ce qui contient du précieux métal, avant d’aller le faire fondre. Un jour par mois, elle transporte ainsi plusieurs dizaines de kilos dans des sacoches ou des mallettes. De quoi faire saliver n’importe quel braqueur.
Le plan B est donc adopté. Fini les attaques de forteresse blindée en plein Paris. Direction la banlieue, où la vigilance est moindre. Un matin, à Créteil, l’opération est sur le point de basculer.
L’intervention décisive et les premières arrestations
Mais les policiers, eux, n’ont rien lâché. La négociante était sous protection discrète depuis des semaines. Quand l’un des suspects s’approche un peu trop près, c’est le signal. Intervention éclair, menottes qui claquent. Son complice est cueilli quelques heures plus tard à son domicile.
Devant les enquêteurs, les versions divergent. L’un reconnaît immédiatement qu’il envisageait un vol à l’arraché, l’autre tombe des nues et nie tout en bloc. Classique. Mais l’affaire est loin d’être terminée.
Dans ce genre de dossiers, on sait que derrière deux exécutants se cachent souvent des donneurs d’ordre, des logisticiens, des guetteurs… Il faut tirer tous les fils.
Et c’est précisément ce qu’ont fait les policiers. En épluchant images de vidéosurveillance, géolocalisations, écoutes, ils mettent la main sur deux autres individus qui, eux, continuaient tranquillement les repérages dans le Marais. Des hommes de 32 et 34 ans, originaires de l’Essonne, déjà connus pour des histoires de stupéfiants et de violences.
Les dernières interpellations en Essonne
Le coup de filet final a lieu début décembre. L’un est interpellé à son domicile de Corbeil-Essonnes, l’autre est extrait directement de la prison de Fleury-Mérogis où il purgeait déjà une peine. Belle ironie : il pensait être à l’abri derrière les murs, il se retrouve avec une nouvelle affaire sur le dos.
En garde à vue, les explications prêtent parfois à sourire – ou à s’inquiéter sur l’état de la criminalité. L’un jure qu’il était simplement dans la rue des Haudriettes pour retrouver des copains. L’autre, plus original, explique qu’il a perdu la mémoire depuis son incarcération. On a connu plus convaincant comme ligne de défense.
Jeudi 4 décembre 2025, les quatre hommes ont tous été mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de commettre un vol aggravé. Deux d’entre eux ont déjà été placés en détention provisoire, les deux derniers devraient connaître leur sort dans les heures qui suivent.
Pourquoi l’or reste la cible privilégiée des braqueurs
Franchement, on pourrait se demander pourquoi, en 2025, des types continuent de risquer 10 ou 15 ans de prison pour quelques kilos d’or. La réponse est pourtant simple : ça reste l’un des butins les plus rentables et les plus anonymes.
- Un kilo d’or fin vaut aujourd’hui plus de 80 000 euros
- Pas de numéro de série comme sur les billets
- Revendable en quelques heures dans certains pays
- Demande toujours plus forte avec l’inflation et les crises géopolitiques
Résultat ? Les attaques se multiplient, sous toutes les formes : braquage à main armée de bijouteries, vols avec violence sur les convoyeurs, cambriolages de coffres, et maintenant ces projets plus « soft » de vol à l’arraché sur les négociants itinérants.
Ce qui change, en revanche, c’est la réponse policière. Les unités spécialisées ont appris, elles aussi. La coordination entre services, les moyens techniques, la patience dans les filatures… Tout cela rend la vie de plus en plus compliquée aux braqueurs, même les plus expérimentés.
Un quartier sous haute surveillance
Le Sentier, le Marais, la rue des Francs-Bourgeois… Ces quartiers historiques du négoce d’or ressemblent parfois à des forteresses discrètes. Caméras partout, agents de sécurité, alarmes connectées directement aux commissariats. Et pourtant, les repérages continuent. Parce que l’appât du gain est toujours plus fort que la peur du risque.
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la durée de l’enquête. Près d’un an de travail acharné pour empêcher un hold-up qui n’a, au final, jamais eu lieu. Certains diront que c’est du luxe, que les moyens auraient pu être employés ailleurs. Moi je pense au contraire que c’est exactement comme ça qu’on gagne la guerre contre le banditisme organisé : en empêchant les coups avant qu’ils ne soient portés.
Et maintenant ?
L’instruction va se poursuivre pendant des mois, voire des années. On découvrira peut-être d’autres ramifications, d’autres complices, un éventuel commanditaire. Car dans ce genre de projets, il y a rarement que quatre personnes impliquées.
En attendant, les négociants en métaux précieux vont continuer leur travail, un peu plus sereins. Les bijoutiers du Marais vont baisser leurs rideaux le soir avec un peu moins d’angoisse. Et quelque part, quatre hommes vont avoir tout le temps de réfléchir, derrière les barreaux, à l’idée pas si brillante qu’ils ont eue de s’attaquer au métal qui fait rêver le monde entier depuis la nuit des temps.
L’or brille toujours. Mais à Paris, en 2025, il brille aussi sous l’œil attentif de ceux qui veillent à ce qu’il reste là où il doit être.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – environ 3200 mots)
