Il y a des nouvelles qui vous tombent dessus comme un uppercut qu’on n’a pas vu venir. Mercredi soir, dans une salle de sport toute simple de Melun, une jeune femme de 24 ans s’est écroulée après un coup à la tête. Aujourd’hui, elle est dans le coma. Et tout le monde cherche à comprendre comment on en est arrivé là.
Agathe – appelons-la comme ça, c’est son prénom – pratiquait la boxe anglaise depuis l’adolescence. Une gamine douée, repérée tôt, qui avait même caressé le rêve du haut niveau avant qu’une blessure au genou ne stoppe net sa progression. Presque deux ans plus tard, elle poussait à nouveau la porte du club. Pas pour remonter sur le ring tout de suite, non. Juste pour retrouver les copains, taper dans le sac, reprendre doucement.
Un retour qui devait être tranquille
L’entraîneur le répète à qui veut l’entendre : il ne voulait pas qu’elle combatte. Trop de poids repris, trop longtemps sans vrai entraînement. Le plan était clair : renforcement musculaire, travail au sac, et on verrait plus tard pour les assauts. Sauf que mercredi soir, les choses ont dérapé.
Personne n’a vraiment vu la scène. L’entraîneur principal était occupé avec les compétiteurs sur un autre ring, son collègue réglait un souci à l’entrée. Agathe, elle, faisait une leçon d’assaut – vous savez, cet exercice où on travaille la technique, la précision, sans jamais chercher à faire mal. Normalement, zéro impact réel. Normalement, pas de casque obligatoire.
« C’était censé être juste de la gestuelle. Pas de coups portés, ou alors à peine effleurés. »
Un responsable de club voisin, habitué de ce type d’exercice
Le moment où tout bascule
Et puis il y a eu ce mauvais geste. Un partenaire plus âgé, un habitué du groupe loisirs, qui a sans doute mis un peu trop de cœur à l’ouvrage. Le poing a touché la tempe, ou la mâchoire, on ne sait pas exactement. Assez fort en tout cas pour qu’Agathe plie les genoux, se tienne la tête, dise qu’elle a envie de vomir.
Quelques minutes plus tard, elle perdait connaissance devant les pompiers. Pronostic vital engagé. Direction l’hôpital de Melun en urgence. Depuis, plus aucune nouvelle officielle, juste l’angoisse qui monte dans le petit monde de la boxe amateur en Seine-et-Marne.
La question qui brûle tout le monde : et le casque ?
On entend déjà les remarques : « Pourquoi elle n’avait pas de casque ? » La réponse est à la fois simple et terriblement frustrante. Dans les assauts techniques, la règle veut qu’on n’en porte pas. Parce qu’on ne cogne pas. Parce que c’est de la boxe « éducative ». Sauf que, manifestement, la frontière entre l’exercice et le vrai coup est parfois aussi fine qu’une feuille de papier à cigarette.
Dans d’autres clubs, on a pris l’habitude d’imposer le casque dès qu’il y a un partenaire en face, même pour du léger. À Melun, ce n’était pas le cas ce soir-là. Est-ce que ça aurait changé quelque chose ? Impossible à dire. Mais la question mérite d’être posée, calmement, sans chercher de bouc émissaire.
La boxe amateur, ce sport qu’on croit sans danger
Quand on parle de boxe, on pense souvent aux images choc des combats pros, aux KO spectaculaires. On oublie que le vrai danger, lui, rôde parfois dans les salles de quartier, là où on s’entraîne « pour le plaisir ». Là où les réflexes ne sont pas toujours aussi affûtés, où l’âge des pratiquants varie de 16 à 60 ans, où la fatigue de fin de journée joue parfois des tours.
- Des adhérents de tous niveaux mélangés dans la même séance
- Des partenaires qui ne se connaissent pas toujours parfaitement
- Une vigilance qui baisse quand on répète les mêmes gestes pendant deux heures
- Un « simple » coup mal placé qui suffit à tout faire basculer
J’ai vu ça ailleurs, dans d’autres sports de contact. Un jour tout va bien, le lendemain un genou lâche, une tête cogne, une vie change. La boxe n’a pas le monopole du drame, mais elle a cette particularité : le cerveau est la cible directe.
Agathe, la guerrière qui refusait d’être diminuée
Ceux qui l’ont connue parlent d’elle avec une tendresse mêlée d’admiration. Une fille qui ne lâchait rien. Qui revenait toujours, même après les blessures, même après les arrêts forcés. « Dans sa tête, elle n’acceptait pas d’être diminuée », confie quelqu’un qui l’entraînait. Cette rage de reprendre, c’est beau. C’est aussi ce qui rend l’histoire encore plus dure à avaler.
Elle avait 24 ans. L’âge où on se sent invincible. L’âge où on pense que le corps pardonnera tout. L’âge où on pousse parfois la porte d’un club juste pour se prouver qu’on est toujours là.
Et maintenant ?
Une enquête est en cours. On parlera sans doute de responsabilité, de protocole, de formation des encadrants. Tout ça est nécessaire. Mais au-delà des questions juridiques, il y a une réalité humaine brutale : un club en état de choc, un partenaire qui doit vivre avec ça, une famille qui retient son souffle à l’hôpital.
La boxe amateur n’est pas un sport dangereux par nature. Mais elle demande une vigilance de tous les instants. Peut-être que cet accident – si c’en est un – servira à rappeler ça. Peut-être qu’on reverra certains automatismes. Peut-être qu’on mettra des casques plus souvent, même quand « c’est juste pour la technique ».
En attendant, il y a une jeune femme entre la vie et la mort. Et toute une communauté qui espère un miracle. Parce que dans le fond, c’est tout ce qu’on peut faire : espérer que la guerrière se relève une fois de plus.
Je ne connais pas Agathe personnellement. Mais comme beaucoup, j’ai repris un sport de contact après une longue pause. J’ai ressenti cette envie brûlante de prouver que le corps n’avait rien oublié. Alors cette histoire me touche particulièrement. Elle pourrait arriver à n’importe lequel d’entre nous, un soir de semaine, dans une salle lambda.
Prenez soin de vous sur les rings. Et surtout, prenez soin des autres.
