Imaginez-vous en pleine nuit, quelque part dans l’immensité du Pacifique. Un bateau file à toute allure, lumières éteintes. Soudain, un éclair, une explosion assourdissante, et plus rien. Quatre hommes viennent de disparaître. Ce n’est pas une scène de film d’action hollywoodien. C’est ce qui s’est passé jeudi 4 décembre 2025, selon le commandement militaire américain. Et ce n’est malheureusement pas la première fois.
Depuis plusieurs mois maintenant, les États-Unis ont repris une pratique qui fait froid dans le dos : frapper directement, et souvent mortellement, des embarcations suspectées de transporter de la drogue. Le bilan commence à devenir lourd, très lourd. On parle déjà de 87 personnes tuées. Et ce qui choque particulièrement, c’est que tout se passe en eaux internationales, loin des regards, avec parfois des zones d’ombre énormes sur la légalité même de ces opérations.
Une nouvelle doctrine qui ne passe pas inaperçue
Ce qui a changé, c’est le ton. On ne parle plus seulement d’interceptions ou de saisies. On parle de frappes cinétiques létales. En clair : on tire pour tuer. Et pas forcément pour arrêter. Le terme « narcoterroristes » revient sans cesse dans les communiqués officiels, comme pour justifier à l’avance n’importe quelle action, même la plus extrême.
Je me souviens encore de l’époque où la lutte antidrogue, c’était surtout des patrouilles, des renseignements, des arrestations. Là, on est passé à une vitesse supérieure. Et franchement, ça interroge. Est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ?
Que s’est-il passé exactement dans le Pacifique ?
Jeudi soir, un bateau rapide – ce qu’on appelle un go-fast – filait dans l’est du Pacifique. Selon les militaires américains, il empruntait une route bien connue des trafiquants. Résultat : ordre est donné de frapper. Une vidéo diffusée montre le bateau qui avance à pleine vitesse, puis une explosion violente. Fin de l’histoire. Quatre personnes tuées sur le coup.
Le communiqué est froid, presque clinique : « Quatre narcoterroristes neutralisés ». Pas de noms, pas d’âge, pas de nationalité. Juste quatre cibles en moins. Et pourtant, derrière chaque frappe, il y a des vies, des familles, et souvent des questions qui restent sans réponse.
Le précédent qui a tout fait basculer
Mais ce qui a vraiment mis le feu aux poudres, c’est l’affaire de septembre dans les Caraïbes. Une première frappe touche un bateau. Il prend feu. Des survivants s’accrochent aux débris, en pleine détresse. Et là, contre toute attente, une seconde salve est tirée. Onze morts au total. Oui, vous avez bien lu : une deuxième frappe sur des naufragés.
« On voit clairement deux personnes en train de se débattre dans l’eau, sans moyen de fuir, et elles sont tuées délibérément. »
Un élu démocrate après avoir visionné la vidéo classifiée
Cette révélation a fait l’effet d’une bombe. Des vidéos, normalement confidentielles, ont circulé dans certains cercles du Congrès. Et ce qu’elles montrent est glaçant. On est très loin de l’image du trafiquant armé jusqu’aux dents. On est face à des hommes qui luttent pour leur survie… et qui se font achever.
La légalité, ce grand point d’interrogation
Alors oui, les États-Unis affirment agir en droit. Ils invoquent la lutte contre le narcoterrorisme, des résolutions anciennes, des accords bilatéraux. Mais de nombreux experts en droit international haussent le ton. Peut-on vraiment exécuter des gens en haute mer sans procès, sans preuves publiques irréfutables ?
- Les frappes ont lieu hors de toute juridiction nationale claire
- Aucune obligation de rendre des comptes détaillés
- Les preuves de lien avec le trafic restent souvent classifiées
- Le risque d’erreur judiciaire – ou plutôt d’exécution – est réel
Et quand on ajoute à ça l’absence de transparence, ça devient franchement inquiétant. Combien de bateaux de pêcheurs ou de migrants ont pu être confondus avec des trafiquants ? On n’en saura probablement jamais rien.
Une escalade qui ne date pas d’hier
Il faut remettre les choses en perspective. Cette stratégie n’est pas née de nulle part. Elle s’inscrit dans une longue histoire de lutte contre les cartels, parfois musclée, souvent controversée. Mais là, on sent une rupture. Le vocabulaire a changé. Les règles d’engagement aussi.
On parle désormais d’opérations sous l’autorité directe du ministre de la Défense. Les décisions se prennent vite, très vite. Et une fois l’ordre donné, il n’y a plus de retour en arrière. C’est peut-être ça le plus effrayant : la banalisation de la mort en haute mer.
Et les trafiquants, dans tout ça ?
Attention, je ne suis pas naïf. Le trafic de drogue tue. Il ravage des pays entiers, finance des guerres, détruit des millions de vies. Les cartels ne sont pas des enfants de chœur. Mais est-ce que la réponse proportionnée, c’est de transformer l’océan en zone de tir à vue ?
Ce qui me frappe, c’est que ces frappes spectaculaires font beaucoup de bruit, mais est-ce qu’elles arrêtent vraiment le flux ? Les routes changent, les méthodes évoluent, les trafiquants s’adaptent. Pendant ce temps, des familles pleurent des disparus dont on ne saura peut-être jamais s’ils étaient vraiment coupables.
Vers une guerre sans fin ?
On assiste peut-être à la naissance d’une nouvelle forme de conflit : une guerre hybride, décentralisée, où l’ennemi n’a pas d’uniforme, où les champs de bataille sont des océans, et où les règles sont écrites au fur et à mesure.
Et le plus inquiétant, c’est que cette doctrine pourrait faire école. D’autres pays pourraient s’en inspirer. On imagine déjà demain des drones armés au-dessus de la Méditerranée, de la mer de Chine, partout où un État décidera qu’un bateau représente une menace.
Je ne sais pas vous, mais moi, cette perspective me glace le sang.
Ce qu’il faut retenir
Pour résumer, on est face à une escalade majeure dans la lutte antidrogue :
- 87 morts en quelques mois
- Des frappes de plus en plus fréquentes et létales
- Des exécutions de survivants filmées et avérées
- Une opacité totale sur les preuves et les procédures
- Un débat juridique et éthique qui ne fait que commencer
Ce n’est plus seulement une question de sécurité ou d’efficacité. C’est une question de principes. Jusqu’où un État a-t-il le droit d’aller au nom de la lutte contre le crime ? Et surtout, qui fixe les limites quand personne ne regarde ?
La mer est vaste. Les secrets le sont encore plus.
(Article mis à jour le 5 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
