Imaginez un instant : deux pays voisins, une histoire parfois compliquée, et pourtant, quand il s’agit de défendre l’Europe, on sait mettre les différends de côté. C’est exactement ce qui vient de se passer, encore une fois, avec cette nouvelle commande belge qui fait sourire du côté des usines françaises. Plus d’un milliard d’euros qui tombe dans l’escarcelle de l’industrie de défense hexagonale. Et franchement, on en avait bien besoin.
Un Contrat à 1,15 Milliard qui Confirme le Succès du Partenariat CaMo
Ce n’est pas la première fois que la Belgique se tourne vers la France pour moderniser son armée de terre. Loin de là. Depuis 2019, le programme CaMo – pour Capacité Motorisée – lie les deux pays dans une aventure industrielle et opérationnelle plutôt rare en Europe. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça fonctionne.
La dernière étape ? 92 véhicules blindés Griffon et 123 Serval tout juste commandés. Un chèque de 1,15 milliard d’euros qui vient s’ajouter aux centaines d’exemplaires déjà livrés ou en cours de livraison. Quand on voit le rythme, on se dit que les ateliers de Roanne et de Limoges vont tourner à plein régime pendant encore un bon moment.
Moi qui suis régulièrement ces questions de défense, je dois avouer que ce partenariat est une vraie réussite. On parle souvent de l’Europe de la défense comme d’un serpent de mer. Eh bien là, c’est du concret. Des soldats belges qui vont utiliser exactement le même matériel que leurs camarades français. Des pièces détachées communes. Des doctrines d’emploi identiques. Bref, une interopérabilité dont on rêve depuis des décennies.
Le Griffon : le nouveau cheval de bataille des brigades motorisées
Commençons par le gros morceau : le Griffon. Ce véhicule à six roues de 24 tonnes remplace petit à petit les bons vieux VAB qui ont fait leur temps. Transport de troupe, poste de commandement, mortier de 120 mm, évacuation sanitaire… il existe en une dizaine de versions différentes.
Ce qui impressionne, c’est sa protection. Blindage modulaire, système anti-RPG, tourelleau téléopéré… les retours d’expérience du Mali et d’ailleurs n’ont pas été perdus. Et pourtant, il reste relativement discret sur le champ de bataille grâce à une signature thermique réduite et une mobilité tout à fait correcte.
- Poids : environ 24 tonnes
- Équipage + passagers : jusqu’à 10 soldats équipés
- Armement principal : tourelleau téléopéré 12,7 mm ou 7,62 mm, lance-grenades possible
- Motorisation : 400 chevaux, vitesse max 90 km/h sur route
- Protection : niveau 4 STANAG, anti-mines renforcé
La Belgique n’a pas fait les choses à moitié : elle va recevoir exactement les mêmes configurations que l’armée française. Même logiciel de combat, même radio, même système de navigation. Quand on sait que les exercices conjoints vont se multiplier dans les années à venir, c’est un vrai plus.
Le Serval : le petit frère agile qui monte en puissance
À côté du Griffon, le Serval fait figure de poids plume avec ses 15 à 17 tonnes. Quatre roues, plus compact, plus rapide sur le terrain. C’est le véhicule qu’on envoie en reconnaissance, en éclaireur, ou quand il faut être discret et réactif.
Ce qui est intéressant avec cette nouvelle commande belge, c’est que le Serval va être décliné dans des versions très spécialisées. On parle notamment de guerre électronique, de lutte anti-drone, voire de défense sol-air très courte portée. Autant de domaines où les menaces évoluent à toute vitesse.
Le Serval n’est pas seulement un véhicule léger. C’est une plateforme qui va évoluer en fonction des besoins opérationnels futurs, notamment face aux drones et aux menaces hybrides.
Et là, on touche du doigt quelque chose d’important : l’industrie française ne vend pas seulement des camions blindés. Elle vend un écosystème complet, évolutif, qui s’adapte aux nouvelles formes de guerre.
Pourquoi la Belgique a choisi la France (et pas seulement pour le prix)
On pourrait croire que c’est juste une question de coût. Après tout, quand on achète en commun, on négocie mieux. Mais ce serait réducteur. La Belgique avait d’autres options. Des véhicules américains, allemands, italiens… Pourtant, elle a dit oui au partenariat français dès 2017-2018.
Les raisons ? Elles sont multiples :
- Interopérabilité immédiate avec le premier contributeur terrestre de l’OTAN en Europe continentale (la France, évidemment)
- Maintien en condition opérationnelle commun : un seul stock de pièces détachées pour deux armées
- Formation partagée, doctrines communes
- Industrie locale préservée : une partie de la maintenance et des upgrades se fait en Belgique
- Retour industriel non négligeable pour les entreprises belges (CMI Defence, notamment)
En clair, ce n’est pas juste un achat. C’est une alliance opérationnelle longue durée.
L’Industrie Française Sort Renforcée
Derrière les blindés, il y a des milliers d’emplois. Roanne, Limoges, Saint-Étienne, Versailles-Satory… toute une filière qui respire grâce à ces commandes. Et quand on sait que le programme Scorpion représente plus de 20 000 véhicules à produire d’ici 2040, on comprend que ce contrat belge n’est qu’une partie du gâteau.
Mais il y a plus intéressant encore : l’effet volume. Plus on produit, plus les coûts unitaires baissent. Et ça bénéficie à l’armée française elle-même. C’est ce qu’on appelle un cercle vertueux.
| Véhicule | Commandes Belgique (total) | Dont dernière commande |
| Griffon | 474 exemplaires | 92 |
| Serval | 123 (première tranche) | 123 |
| Montant total CaMo | Plus de 6 milliards prévus | 1,15 milliard cette tranche |
Et ce n’est pas fini. D’autres pays regardent le programme CaMo avec intérêt. Le message est clair : quand deux armées décident de faire cause commune, tout le monde y gagne. Opérationnellement. Industrially. Financièrement.
Et l’Europe de la Défense dans tout ça ?
On entend souvent dire que l’Europe de la défense n’avance pas. Pourtant, quand on regarde de près, il y a des projets qui marchent. CaMo en est un. Le futur char franco-allemand MGCS en sera un autre, espérons-le. Et puis il y a les patrouilleurs européens, les drones, les systèmes de missiles…
Ce qui est sûr, c’est que face aux menaces actuelles – et elles ne manquent pas –, l’Europe n’a pas le choix. Elle doit mutualiser. Coopérer. Rationaliser. Et parfois, comme ici, montrer l’exemple.
Alors oui, 1,15 milliard d’euros, c’est une belle somme. Mais au fond, c’est peut-être le prix de la crédibilité européenne en matière de défense. Et ça, ça n’a pas de prix.
En attendant les prochaines livraisons – les premiers Serval belges sont attendus dès 2026 –, une chose est sûre : sur les plaines d’entraînement belges, on verra bientôt rouler côte à côte des blindés frappés de la cocarde tricolore et du lion belge. Et quelque part, c’est plutôt une belle image pour l’Europe.
