Imaginez : il pleut des cordes sur Paris, il est trois heures du matin, et dans un studio quelque part dans la capitale, un mec le plus streamé de France enregistre un double album en quinze jours. Pas à Marseille, sa ville, non. À Paris. Sous la grisaille. Et pourtant, il le dit lui-même avec le sourire : « J’ai toujours fait des bons albums avec la grisaille ».
C’est exactement ce qu’a fait Jul cette fin d’année. Sans prévenir personne, il balance « TP sur TP », trente-deux morceaux, deux disques, des invités venus de partout et une énergie toujours aussi brute. Franchement, on n’est plus surpris, et en même temps on reste scotché.
Jul, l’ovni qui ne s’arrête jamais
Trente albums en onze ans. Au moins deux projets par an depuis 2014. Des chiffres qui donnent le vertige. Pourtant, Jul n’a pas changé de recette : il travaille seul ou presque, sur son label indépendant D’or et de platine, sans attendre l’approbation de qui que ce soit. Il sent un truc, il fonce. Point.
Cette fois, il a voulu changer d’air. Exit le soleil de Marseille, bonjour les nuits parisiennes. Il explique dans le petit documentaire qui accompagne la sortie qu’il cherchait « une autre inspi ». Et clairement, ça a marché.
« Je fais tout à l’instinct, tout sur l’esprit du moment »
Jul
Et quand on écoute l’album, on sent cette spontanéité. Les prods claquent, les mélodies restent en tête dès la première écoute, et les textes racontent toujours la même chose : la vraie vie, celle des quartiers, des galères, des trahisons, des victoires aussi. Rien n’est inventé, tout est vécu ou observé.
« TP sur TP », qu’est-ce que ça veut dire vraiment ?
Dans l’univers de Jul, « TP » signifie « temps plein ». Comme les petits qui font le guet, qui tiennent le business vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est sombre, c’est dur, mais c’est la réalité d’une partie de la jeunesse marseillaise. Et Jul n’a jamais eu peur de le dire.
Moi, ce qui me frappe à chaque fois, c’est qu’il arrive à transformer cette violence quotidienne en quelque chose d’universel. Tu n’as pas besoin d’avoir grandi dans une cité pour te prendre un uppercut émotionnel sur un refrain. C’est ça, la force du bonhomme.
32 morceaux, zéro temps mort
Un double album, c’est toujours un pari risqué. Beaucoup d’artistes se perdent dans la quantité. Pas Jul. Il y a des bangers pour le tieks, des morceaux mélancoliques qui te font monter les larmes, des hymnes pour le stade, et même des expérimentations qui passent crème.
- Des prods trap lourdes qui cognent dans les caisses
- Des guitares espagnoles qui sentent bon le soleil (même sous la pluie parisienne)
- Des piano-voix qui te prennent aux tripes
- Et toujours ces refrains que tout le monde va chanter en concert
Le tout enregistré en mode commando. Quinze jours. Les nuits blanches s’enchaînent, les idées fusent, les feats se décident à 5 h du mat. C’est du Jul tout craché.
Les invités : du génie ou de la folie ?
Quand j’ai vu la tracklist, j’ai failli tomber de ma chaise.
- Naza → normal, c’est son frère de toujours
- Morad → le phénomène espagnol qui cartonne en ce moment
- Akon → oui, le vrai Akon des années 2000, celui de « Lonely »
- I Muvrini → le mythique groupe corse en polyphonie traditionnelle
Attends… I Muvrini et Jul sur le même morceau ? Sur le papier, ça n’a aucun sens. Et pourtant, « A chacun sa victoire » est une pure tuerie. Les voix corses qui se mêlent au flow auto-tuné, c’est inattendu, émouvant, puissant. Jul rend hommage à ses racines familiales corses, et il le fait avec classe.
« Mes sons, ce sont mes souvenirs à moi »
Jul
Pourquoi Paris, au juste ?
Jul est Marseille dans l’âme. Il a porté la flamme olympique là-bas, il a rempli le Vélodrome plusieurs soirs d’affilée, il est devenu un symbole. Alors pourquoi aller enregistrer à Paris ?
Sa réponse est simple : il avait besoin de sortir de sa zone de confort. La grisaille, la pluie, les lumières de la capitale la nuit… tout ça lui a donné une nouvelle énergie. Et franchement, on l’entend. Il y a une mélancolie différente, plus froide, qui colle parfaitement à certains morceaux.
Et puis, soyons honnêtes : remplir le Stade de France avec 97 816 personnes en avril dernier, puis revenir y jouer en mai 2026, ça aide à se sentir chez soi même à Paris.
Toujours numéro 1, et ce n’est pas près de changer
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Cinquième année consécutive en tête des artistes les plus streamés en France sur certaines plateformes, sixième sur d’autres. Personne ne fait mieux. Pas Taylor Swift, pas The Weeknd, ni personne.
Ce qui est fou, c’est que Jul n’a pas besoin de clips à 10 millions de budget, pas besoin de campagnes marketing énormes. Il sort sa musique, il parle à son public directement, et ça marche. C’est du jamais vu à cette échelle.
| Année | Classement streaming France |
| 2021 | 1er |
| 2022 | 1er |
| 2023 | 1er |
| 2024 | 1er |
| 2025 | Encore 1er |
Et avec « TP sur TP », il va encore creuser l’écart.
Ce que j’en pense, personnellement
J’ai écouté l’album en boucle depuis hier. Et comme à chaque fois avec Jul, il y a ces morceaux qui te marquent direct et ceux qui grandissent au fil des écoutes. Il y a une sincérité qu’on ne trouve presque plus ailleurs. Pas de pose, pas de filtre. Juste un mec qui raconte sa vie et celle de ses potes.
L’aspect le plus impressionnant reste sa capacité à se renouveler tout en restant lui-même. Trente projets plus tard, on pourrait croire qu’il va tourner en rond. Eh ben non. Il trouve encore des angles nouveaux, des émotions différentes.
Et puis il y a cette humilité. Le gars remplit des stades, domine le game depuis des années, et il reste discret, presque timide hors scène. C’est rare. Et ça force le respect.
Alors oui, « TP sur TP » n’est pas l’album du siècle (même si certains morceaux pourraient le prétendre). Mais c’est encore un gros projet solide, sincère, qui va tourner en boucle dans les voitures, les écouteurs et les stades pendant des mois.
Et quelque part, c’est tout ce qu’on demande à Jul : qu’il continue à être Jul.
Mission accomplie.
