Imaginez un peu la scène : un gamin de Martigues qui, à 40 ans révolus, fait encore trembler les défenses entières au fin fond du Mexique. Non, ce n’est pas le scénario d’un film hollywoodien un peu trop optimiste. C’est simplement la vie d’André-Pierre Gignac, ce vendredi 5 décembre 2025, jour de ses quarante printemps. Et franchement, quand on voit le bonhomme cavaler comme un junior sur la pelouse de l’Estadio Universitario, on se demande si le temps n’a pas tout simplement oublié de passer par Monterrey.
Je me souviens encore de l’été 2015. Tout le monde, ou presque, pensait qu’il faisait une énorme bêtise en quittant Marseille pour les Tigres. « Le Mexique ? Sérieux ? » disaient les commentateurs. Dix ans plus tard, la blague est bien jaune… comme le maillot qu’il porte fièrement depuis tout ce temps.
L’œil du tigre, toujours aussi vif
Il y a des joueurs qui raccrochent à 35 ans en se disant qu’ils ont fait le tour. Et puis il y a Gignac. Le genre de mec qui, à l’aube de la quarantaine, se pointe encore à l’entraînement avec la même faim qu’à ses 20 ans. « Je me sens très fort », lâche-t-il récemment à la télévision locale. Et quand on voit ses accélérations, ses appels en profondeur, on veut bien le croire sur parole.
Ce n’est plus le Gignac explosif de l’OM, celui qui mettait des doubles contre le PSG pour le plaisir. Non. C’est un Gignac plus malin, plus collectif, qui sait lire le jeu deux temps à l’avance. Moins de buts peut-être, mais toujours cette présence qui pèse sur les défenses. Un peu comme un vieux lion qui n’a plus besoin de rugir tout le temps : son simple regard suffit à faire comprendre qui est le patron.
Dix années qui ont tout changé
Revenons un peu en arrière, parce que l’histoire mérite d’être racontée. Été 2015. L’OM est en reconstruction permanente, Bielsa vient de claquer la porte, et Gignac arrive en fin de contrat. Les rumeurs parlent de l’Angleterre, de l’Italie, voire d’un retour à Lorient ou Toulouse. Et puis, paf. Les Tigres débarquent avec un projet fou : faire du club de Monterrey une référence continentale. L’offre est énorme, le challenge excitant. Il signe.
Les premières semaines sont compliquées. Altitude, chaleur, style de jeu différent. Mais très vite, il impose sa patte. Premier titre dès sa première saison (Apertura 2015), puis un autre l’année suivante. Les supporters le baptisent immédiatement « Bomboro », le bombardier. Le surnom colle à la peau. Et depuis, c’est une histoire d’amour qui ne s’est jamais essoufflée.
« Ici, on me respecte comme nulle part ailleurs. Les gens m’arrêtent dans la rue pour me remercier, pas pour me demander un selfie. C’est autre chose. »
André-Pierre Gignac, dans une interview récente
Un palmarès qui donne le vertige
Allons-y avec les chiffres, parce qu’ils parlent mieux que mille discours. En dix ans sous le maillot jaune et bleu :
- 5 titres de champion du Mexique (2015, 2016, 2017, 2019, 2023)
- 1 Ligue des champions de la CONCACAF (2020)
- 1 finale de Coupe du monde des clubs (2021, perdue contre Chelsea)
- Plus de 180 buts toutes compétitions confondues
- Meilleur buteur historique du club
- Meilleur buteur étranger de l’histoire de la Liga MX
Et ce n’est pas fini. Ce week-end, les Tigres jouent le retour des demi-finales face à Cruz Azul (1-1 à l’aller). Un sixième titre plane au-dessus de sa tête comme une carotte irrésistible. À 40 ans, il pourrait devenir le joueur le plus titré de l’histoire récente du football mexicain. Pas mal pour quelqu’un que certains voyaient déjà à la retraite il y a cinq ans.
Le secret ? Travail, famille et… barbecue
Alors, comment fait-il ? La question revient tout le temps. La réponse est multiple. D’abord, une hygiène de vie irréprochable. Gignac a toujours été un gros travailleur. Récupération, cryothérapie, alimentation surveillée. Ensuite, la stabilité familiale. Installé à Monterrey avec femme et enfants, il a trouvé un équilibre que beaucoup de joueurs expatriés cherchent toute leur carrière.
Et puis il y a cette passion intacte. Le mec joue encore comme un gosse. Il célèbre chaque but comme si c’était le premier. Il chambre les adversaires, chambre les arbitres, chambre même ses coéquipiers. Sur le terrain, il reste ce showman qu’on adorait à Marseille. Sauf qu’aujourd’hui, il le fait avec l’expérience d’un ancien et la malice d’un gamin.
Un modèle pour la nouvelle génération
Ce qui frappe le plus, c’est l’impact qu’il a eu sur tout un pays. Des gamins arborent son numéro 10 dans les rues de Monterrey. Des attaquants mexicains citent son nom comme référence. Il a ouvert une voie : oui, un Européen peut venir au Mexique, s’imposer, et même devenir une icône nationale. Avant lui, c’était rare. Après lui, ça l’est beaucoup moins.
Et pourtant, il reste d’une humilité désarmante. Quand on lui parle de retraite, il rigole. « Tant que je prends du plaisir et que je suis performant, pourquoi arrêter ? » La réponse est simple, presque enfantine. Mais elle résume tout.
Et après ?
La grande question maintenant : jusqu’à quand ? Certains parlent de 42 ans, d’autres de 43. Lui ne veut rien savoir. « Je verrai bien. » Ce qui est sûr, c’est qu’il a déjà prévu la suite. Reconversion dans le club ? Ambassadeur ? Entraîneur ? Tout est sur la table. Mais pour l’instant, il n’y pense même pas. Il y a un match retour à jouer. Un titre à aller chercher. Une légende à continuer d’écrire.
Parce qu’au fond, André-Pierre Gignac n’a jamais couru après les records ou les honneurs. Il a juste voulu jouer au foot le plus longtemps possible, là où il se sentait aimé. Et à Monterrey, on l’aime. Passionnément. Follement. Probablement pour toujours.
Alors joyeux anniversaire, Bomboro. Et merci. Merci d’avoir prouvé qu’à 40 ans, on pouvait encore faire rêver tout un peuple avec un ballon au pied.
(Article écrit avec le cœur, depuis quelqu’un qui a suivi chaque étape de cette aventure mexicaine incroyable. Parce que parfois, le foot, c’est aussi ça : des histoires qui dépassent le terrain.)
