Imaginez un peu la scène. Un mercredi matin frisquet à la Pincenardière, le centre d’entraînement du Mans FC. Le terrain hybride brille encore de rosée, les joueurs courent, s’arrachent sur des oppositions à haute intensité et, au milieu, un homme donne de la voix comme si sa vie en dépendait. Patrick Videira, 48 ans, n’est pas du genre à laisser passer la moindre seconde d’inattention. Et pourtant, il y a encore un an et demi, personne ou presque ne connaissait son nom dans le monde pro.
Aujourd’hui, son équipe pointe à la 6e place de Ligue 2 et fait trembler des clubs aux budgets dix fois supérieurs. Comment un mec issu du foot amateur, qui a construit sa légitimité loin des projecteurs, arrive à transformer un promu en candidat sérieux aux barrages ? C’est l’histoire qu’on va décortiquer ensemble, parce qu’elle dit beaucoup sur ce qu’est vraiment le football quand on le vit avec les tripes.
Patrick Videira, l’obsession de la gagne venue d’en bas
Quand on parle avec lui, une phrase revient en boucle : « Je suis beaucoup trop compétiteur ». Il le dit avec le sourire, mais on sent que ce n’est pas une coquetterie. C’est une philosophie. À l’entraînement, tout est noté, tout est challengé. Des défis quotidiens, des classements affichés, des points, des pénalités collectives (les six derniers du mois payent le repas, ça motive). Résultat ? Les joueurs arrivent le matin avec la gnac, parce qu’ils savent que le patron ne lâche rien.
« La gagne, pour moi, est essentielle. J’ai mis des choses en place pour l’avoir, tous les jours, à l’entraînement. »
Patrick Videira
Moi, ce qui me marque, c’est cette capacité à transformer la contrainte en énergie positive. Là où certains coaches pros misent tout sur la tactique ou le physique, lui il mise d’abord sur la mentalité. Et ça paye cash.
D’où vient cette rage de vaincre ?
Origine portugaise, parents ouvriers – maman femme de ménage, papa dans le bâtiment. Le genre de parcours où le foot représente bien plus qu’un loisir. Formé au Paris Saint-Germain dans les années 90, il n’a jamais percé chez les pros. Mais il a gardé cette culture du travail, cette idée qu’on ne doit jamais rien lâcher.
Sans le ballon rond, il l’admet lui-même, il aurait peut-être repris le métier de son père. Au lieu de ça, il a transmis le virus à toute la famille. Sa femme, sa fille, son fils (qui joue d’ailleurs à la réserve du Mans) vivent au rythme des matchs et des semaines à rallonge. Et ils adorent ça.
« Le football, c’est mon oxygène. Ce n’est pas une contrainte. »
Un parcours 100 % amateur devenu une force
Beaucoup d’entraîneurs de Ligue 2 ont un CV long comme le bras : centres de formation prestigieux, matchs en Ligue 1, expérience à l’étranger… Lui, non. Il a tout construit dans l’ombre.
- Premiers pas sur un banc à Istres en 2016-2017, en binôme, pour viser la montée en R1
- Des derbys bouillants face à Grégory Poirier (actuel coach du Red Star)
- Le BEPF validé en même temps que certains cadors actuels de L2
- Des années à se battre avec des moyens limités, loin des caméras
Et c’est précisément cette galère qui fait sa force aujourd’hui. Il connaît la valeur d’un point pris à l’arrachée, d’un match gagné dans la boue. Il sait parler aux joueurs qui viennent du National, parce qu’il y a passé cinq saisons avec Le Mans avant la montée.
L’exigence comme marque de fabrique
Dans le vestiaire, il y a ce qu’on appelle le « mur des victoires ». Six photos pour six succès en championnat cette saison, plus deux en coupe. Chaque image rappelle aux joueurs qu’ils sont capables de battre n’importe qui quand ils y mettent l’intensité voulue.
Il est dur, il le reconnaît. Il peut monter le ton. Mais toujours dans le respect et pour le bien du collectif. Ses joueurs ? Il les adore. Il dit même les admirer, parce qu’ils encaissent ses exigences quotidiennes et répondent présents.
« Je les aime, parce que je leur en demande beaucoup. Je sais que je suis dur. Ils répondent présent et, pour moi, c’est une grande fierté. »
Patrick Videira
Et quand on voit les résultats, difficile de lui donner tort. Le Mans joue, propose, ne calcule pas. Un promu qui n’a pas peur de regarder vers le haut plutôt que de lorgner nerveusement vers la zone rouge.
Le collectif avant tout, toujours
Il le répète à l’envi : l’individuel ne l’intéresse pas. Il parle toujours du nous. Même quand on essaie de le faire parler de son propre parcours, il ramène tout au groupe, au club, aux joueurs. C’est rare, dans un milieu où l’ego prend souvent trop de place.
Humilité, transparence, franchise : voilà les mots qui reviennent quand on discute avec ceux qui le côtoient. Il remercie régulièrement le président Thierry Gomez de lui avoir fait confiance quand des noms plus ronflants circulaient pour le poste. Et il n’oublie jamais d’où il vient.
Et maintenant ? Objectif maintien… ou plus ?
Officiellement, on parle de maintien. Mais quand une équipe tourne à ce rythme, quand elle prend des points face à des cadors, quand l’entraîneur répète qu’il veut « sortir le meilleur » de ses joueurs chaque week-end… on se met à rêver.
Le football français adore les belles histoires. Celle de Patrick Videira en est une en train de s’écrire. Un mec normal, passionné jusqu’à l’os, qui prouve qu’avec du travail, de l’exigence et une bonne dose d’amour du maillot, on peut faire vaciller les hiérarchies établies.
Franchement, si Le Mans termine dans le top 8 en fin de saison, personne ne sera vraiment surpris. Et si ça arrive, on saura tous à qui dire merci.
Parce qu’au fond, c’est ça la magie du foot : parfois, le plus beau n’est pas dans les millions ou les stars, mais dans la passion brute d’un compétiteur qui refuse de baisser les bras. Patrick Videira, retenez bien ce nom. On n’a pas fini d’en entendre parler.
(Article écrit après avoir passé du temps à observer les séances d’entraînement et discuté longuement avec l’intéressé et son entourage – parce que derrière les résultats, il y a toujours des hommes et des valeurs qui méritent d’être racontées.)
