Imaginez-vous à la place de Didier Deschamps ce soir, assis dans un fauteuil du Kennedy Center, les mains moites, le cœur qui tape un peu plus fort qu’à l’accoutumée. Sur scène, Heidi Klum et Kevin Hart font le show, Robbie Williams chante, mais lui, il ne voit que les boules qui tournent. Parce que ce tirage au sort de la Coupe du monde 2026, ce n’est pas qu’une formalité. C’est peut-être le moment qui conditionnera toute la campagne des Bleus. Et franchement, ça me fait quelque chose de savoir que ça se joue là, à des milliers de kilomètres, sous les dorures d’un théâtre américain.
Pourquoi ce tirage 2026 est historique (et un peu fou)
Pour la première fois, ils seront quarante-huit. Quarante-huit nations qui vont se partager seize groupes de trois, avant un trente-deuxième de finale supplémentaire. Plus de matches, plus de voyages, plus de fatigue, plus de tout. Et surtout un continent entier comme terrain de jeu : onze villes aux États-Unis, trois au Mexique, deux au Canada. 5 500 kilomètres d’est en ouest. Neuf heures de décalage horaire entre Vancouver et Miami. Autant dire que tomber dans le mauvais chapeau, c’est déjà prendre un handicap sérieux.
Et puis il y a l’aspect politique, parce que oui, même le foot n’y échappe plus. Certains pays risquent de voir leurs supporters bloqués aux frontières à cause des règles visas très strictes sous administration Trump. On pense évidemment à l’Iran, à Haïti, à certaines nations africaines. La FIFA jurera que ça ne l’influence pas, mais tout le monde sait que placer ces équipes au Canada ou au Mexique serait bien plus simple pour tout le monde. Diplomatie footballistique, bonjour.
Les trois zones qui font rêver… et les trois qui font cauchemarder
Dans le staff tricolore, on a déjà sa petite idée. Une délégation a sillonné le continent ces dernières semaines : Cyril Moine (préparateur physique), Mohamed Sanhadji (sécurité), Raphaël Raymond (presse) et Philippe Brocherieux (team manager). Ils sont revenus avec une cartographie ultra-précise des risques et des bons plans.
Le rêve absolu ? Tomber dans le groupe G. Presque tous les matches sur la côte Ouest : Los Angeles, San Francisco, Seattle. Climat tempéré en juin-juillet, décalage de « seulement » 9 heures avec Paris, pelouses magnifiques, ambiance californienne. Les joueurs pourraient même aller voir un match des Lakers entre deux rencontres, qui sait.
L’Est n’est pas mal non plus (groupes C, I et L) : New York, Boston, Philadelphie, Miami. Huit heures de décalage, températures raisonnables, ferveur incroyable. On s’y voit déjà.
Mais il y a la zone rouge. La vraie. Celle qu’on redoute comme un penalty en fin de match : le centre du continent. Groupes F et K. Dallas, Houston, Kansas City, Atlanta, et surtout les villes mexicaines : Guadalajara, Monterrey, Mexico. Là, on parle de 35-40 °C en plein après-midi, humidité étouffante, décalage de 7 à 8 heures, et des trajets interminables. Sans parler de l’altitude à Mexico (2 200 m), un piège que les Argentins ou les Brésiliens connaissent bien, mais que nos Bleus aimeraient éviter pour un tournoi aussi long.
« On a fait le tour. On sait où on veut aller, et surtout où on ne veut surtout pas aller. »
Un membre du staff tricolore, sous couvert d’anonymat
Le paramètre que personne ne dit à voix haute
Finir premier de groupe, c’est bien pour l’ego. Mais en 2026, ça va devenir une obsession. Pourquoi ? Parce que les quatre meilleures têtes de série (Espagne, Argentine, Angleterre et… la France si on garde notre place) seront placées dans des groupes différents. Et si chacun termine premier, ils ne pourront se rencontrer qu’en demi-finale. Traduction : un premier = éviter Mbappé contre Rodri ou Haaland avant le dernier carré. Dans un format aussi dense, c’est énorme.
Et là, le choix des adversaires « faciles » prend une autre dimension. Curaçao, Cap-Vert, Jordanie, Ouzbékistan… Pour la première fois à une Coupe du monde, ces nations vont découvrir l’événement. Tomber sur l’une d’elles, c’est presque trois points assurés, et surtout une gestion d’effectif plus tranquille avant les matches couperets.
Personne n’ose le dire trop fort, mais dans les couloirs de Clairefontaine, on croise les doigts pour éviter les cadors dès la phase de groupes. On se souvient tous du groupe de la mort en 2010 avec l’Uruguay et le Mexique. On n’a pas envie de revivre ça.
L’Amérique est-elle vraiment prête ?
Franchement, j’ai été surpris. À un an et demi du coup d’envoi, on ne sent presque rien dans les grandes villes américaines. Pas d’affiches géantes, pas de compte à rebours, pas cette fièvre qu’on avait connue à Doha quatre ans plus tôt. Même la Coupe du monde des clubs cet été n’a pas vraiment lancé la machine. Est-ce que le « soccer » va enfin décoller aux États-Unis ? Messi à Miami aide, bien sûr, mais on est encore loin de l’engouement brésilien ou allemand.
Et puis il y a la question des diffuseurs. En France, le groupe M6 a raflé la mise, mais les horaires des matches ne sont pas encore fixés. Or un France – Brésil à 21 h heure locale (3 h du matin chez nous) ou à 13 h (19 h en France), ce n’est pas du tout le même contrat pub. Les chaînes vont pousser pour avoir les Bleus en prime time européen. La FIFA va-t-elle céder ? Mystère.
- Meilleur scénario : Groupe G ou Est + adversaires abordables + matches à heures françaises décentes
- Pire scénario : Groupe F ou K + Iran + Sénégal + matches à 40 °C à 3 h du matin
- Scénario probable : un mix des deux, parce que le foot adore nous faire souffrir
Ce que je ressens personnellement
Ce tirage, c’est le dernier de Didier Deschamps en tant que sélectionneur (si on en croit les dernières rumeurs). Il le sait, Guy Stéphan le sait, les joueurs le savent. Il y a quelque chose de particulier dans l’air. Une forme de nostalgie déjà, mêlée d’excitation. On veut lui offrir une sortie magnifique, une troisième étoile peut-être. Mais pour ça, il va falloir que la petite boule avec « France » tombe au bon endroit ce soir.
Parce qu’au fond, le foot reste une histoire de détails. Un tirage favorable en 1998 nous avait évité le Brésil avant la finale. En 2018, on avait hérité d’un groupe tranquille avant d’exploser en phases finales. 2026 sera encore plus impitoyable avec ce format élargi.
Alors ce soir, je serai devant mon écran comme des millions de Français. Le cœur serré quand la main plongera dans le chapeau. Espérant secrètement que la chance nous sourira une fois encore. Parce que oui, il y aura du talent, de la tactique, du mental. Mais il y aura aussi un peu de destin. Et ce destin se joue à Washington, sous les projecteurs d’un théâtre, avec Robbie Williams en fond sonore.
Allez les Bleus. Et que la boule soit avec nous.
