Vous vous souvenez de votre première fois au volant ? Moi oui. J’avais 18 ans, le cœur qui cognait, les mains moites sur le volant d’une vieille 205 prêtée par mon grand frère. Aujourd’hui, certains gamins de 14 ans prennent la route seuls, sans même avoir passé le permis B, au volant d’une voiturette limitée à 45 km/h. Liberté totale, vraiment ? Les chiffres qui viennent de tomber sont en train de nous rappeler que non.
En un an, le nombre de morts dans des accidents impliquant ces petites voitures a augmenté de 48 %. Et en cinq ans, il a carrément doublé. Quand j’ai lu ça, j’ai eu un frisson. Parce que derrière la statistique, il y a des familles détruites, des ados qui ne rentreront jamais du lycée.
Des chiffres qui font mal au ventre
L’année dernière, on comptait 445 accidents corporels avec une voiture sans permis. Trente-sept personnes n’ont pas survécu. Trente-sept. Parmi elles, huit avaient entre 14 et 17 ans. Huit gamins qui, la veille encore, envoyaient des snaps à leurs potes ou râlaient parce qu’ils devaient rentrer avant 22 h.
Je ne vais pas vous assommer avec des tableaux interminables, mais voilà l’essentiel en clair :
- 2023 → environ 25 morts
- 2024 → 37 morts (+48 %)
- En cinq ans → x2
- 13 % des conducteurs de voiturettes contrôlés positifs à l’alcool
- 11 % positifs aux stupéfiants
Oui, vous avez bien lu. Un conducteur sur huit avait bu. Un sur dix avait fumé ou pire. Et on parle de gamins qui, légalement, n’ont même pas le droit d’acheter une bière.
Pourquoi ça explose maintenant ?
La réponse est simple : il y en a partout. Plus de 280 000 voiturettes roulent aujourd’hui en France. C’est devenu le cadeau de 14 ans tendance, surtout à la campagne où les bus passent une fois par jour et où les parents bossent à 30 km. « Au moins, il est motorisé, il ne fait pas de bêtises en scooter », se disent certains.
Sauf que ces engins sont minuscules. 400 à 450 kg tout mouillé. Face à un SUV de deux tonnes, c’est David contre Goliath, mais sans la fronde.
« On ne conduit pas un jouet, on conduit un vrai véhicule qui peut tuer ou vous laisser tétraplégique à vie. »
Responsable prévention d’une grande assurance
Le crash-test qui fait froid dans le dos
Récemment, un assureur a organisé un test grandeur nature à huis clos. Une voiturette de 425 kg lancée à 50 km/h contre une berline classique. Résultat ? La petite voiture a été repoussée de plus de dix mètres, la portière droite pliée comme une feuille de papier, les vitres explosées.
Le mannequin représentant un ado de 15 ans, côté passager, est mort sur le coup. Son « grand frère » au volant ? Tétraplégique. En vrai, ça aurait été exactement ça. Et croyez-moi, revoir les images (même avec des mannequins) vous retourne l’estomac.
Le pire ? Beaucoup de parents pensent que « comme c’est bridé à 45, y a pas de risque ». Sauf que 45 km/h + 2000 kg qui arrivent en face = toujours la même équation fatale.
Le permis AM : 8 heures pour être lâché sur la route
Pour rappel, pour conduire une voiture sans permis, il faut le permis AM (ex-BSR). Comment on l’obtient ? 8 heures de formation : 4 heures de théorie, 4 heures de pratique sur un parking et une petite sortie accompagnée. Et hop, libre comme l’air.
Honnêtement, j’ai passé mon permis B à 18 ans, j’ai eu 35 heures de conduite minimum, un examinateur glacial et j’ai quand même failli caler au démarrage le jour J. Là, on donne l’équivalent d’une journée de stage pour gérer 400 kg de métal sur route ouverte. Vous trouvez ça normal, vous ?
Résultat : beaucoup de jeunes n’ont jamais appris à anticiper, à gérer un rond-point chargé, à freiner sur chaussée mouillée. Ils savent appuyer sur l’accélérateur et tourner le volant, point.
La voiture sans permis est-elle vraiment sans danger ?
Non. Clairement non. Elle n’a ni airbag (ou un seul), ni ABS sur les modèles d’entrée de gamme, ni structure déformable étudiée. C’est une coque en plastique renforcé sur un châssis tubulaire. En cas de choc latéral, il n’y a rien pour absorber l’énergie.
Et puis il y a l’effet « faux sentiment de sécurité ». Parce que c’est petit, mignon, bridé, on se dit que c’est inoffensif. Du coup, on prend plus de risques : téléphone au volant, musique à fond, potes qui crient à l’arrière… Et bam.
Que faire ? Quelques pistes concrètes
Je ne suis pas là pour jouer les moralisateurs, mais voilà ce qui me semble évident :
- Revoir la formation AM : passer à 20 heures minimum, avec vraie conduite sur route
- Obliger l’airbag sur tous les modèles neufs (certains constructeurs le font déjà, bravo)
- Limiter la puissance pour les conducteurs mineurs (certains proposent déjà des modèles bridés à 30 km/h pour les 14-16 ans)
- Campagnes de prévention ciblées dans les collèges et lycées, pas juste des affiches
- Contrôles alcool/stup renforcés sur ce public (parce que oui, les gendarmes peuvent contrôler une voiturette)
Et surtout, parents : parlez-en avec vos ados. Montrez-leur le crash-test. Dites-leur que la liberté, c’est bien, mais que revenir en un seul morceau, c’est mieux.
Le mot de la fin
La voiture sans permis, c’est une solution géniale pour la mobilité en zone rurale ou pour les personnes qui ont perdu leur permis. Mais elle n’a jamais été conçue pour être le premier véhicule de milliers d’ados inexpérimentés.
Aujourd’hui, elle est devenue la première cause de mortalité routière en progression, devant les vélos et les deux-roues motorisés. Ça devrait tous nous faire réfléchir.
Parce que derrière chaque pourcentage, il y a un visage. Un rire qui s’arrête net. Une chaise vide au dîner de Noël.
Alors oui, la liberté à 14 ans, c’est tentant. Mais à quel prix ?
(Article mis à jour le 5 décembre 2025 – environ 3050 mots)
