Vous vous souvenez de 2022 ? On jurait tous « pas un pouce de terre ». Trois ans et demi plus tard, la fatigue pèse lourd, très lourd. Un récent sondage vient de tomber et, franchement, il fait réfléchir : les Ukrainiens commencent à envisager des concessions territoriales pour arrêter l’hémorragie. Pas tous, loin de là, mais la tendance est claire. Et pourtant, sur un point, ils restent inflexibles : pas question de renoncer aux garanties de sécurité solides. J’ai lu les chiffres plusieurs fois, et je me suis dit qu’il était temps d’en parler calmement, sans caricature.
Un virage lent mais réel dans l’opinion
Imaginez la scène. Vous vivez depuis 2022 sous les sirènes, les coupures d’électricité, les enterrements. Vos enfants grandissent dans un pays en guerre. Un jour, on vous demande : « Êtes-vous prêt à accepter qu’on laisse temporairement les territoires occupés à la Russie si ça permet d’arrêter les bombardements ? » En 2023, trois Ukrainiens sur quatre répondaient « jamais ». Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à un peu plus de 40 %.
Ce n’est pas une capitulation. C’est une lassitude qui s’installe, mêlée à un calcul froid : combien de vies encore avant que ça s’arrête ? Et surtout, combien de temps avant que l’Occident ne se fatigue de payer la note ? Parce que oui, derrière les chiffres, il y a cette peur sourde que l’aide diminue brutalement.
« La guerre use les nerfs plus que les corps parfois. On veut vivre, tout simplement. »
– Une habitante de Kharkiv interrogée dans la rue, novembre 2025
Les chiffres qui ne mentent pas
Pour être précis, voici l’évolution sur la question des territoires (acceptation d’une renonciation temporaire pour un accord de paix) :
- 2023 → seulement 4 % trouvaient l’idée « complètement acceptable »
- 2024 → 11,6 %
- Novembre 2025 → 16 %
À l’inverse, ceux qui jugent cela « totalement inacceptable » sont passés de 76 % à 40 %. C’est énorme. On parle d’un glissement de 36 points en deux ans. C’est le genre de mouvement qui fait bouger les lignes diplomatiques.
Mais attention : « temporairement » est le mot-clé. Personne n’imagine sérieusement récupérer la Crimée ou le Donbass par les armes demain matin. L’idée qui émerge, c’est plutôt un gel du conflit à la coréenne, avec des lignes claires et des garanties internationales.
L’OTAN, la ligne rouge absolue
Si les territoires deviennent négociables pour une partie croissante de la population, il y a un domaine où rien ne bouge : la sécurité. Plus de 80 % des Ukrainiens continuent d’exiger des garanties fermes, idéalement l’adhésion à l’OTAN ou, à défaut, des accords bilatéraux du type de ceux signés récemment avec la France ou le Royaume-Uni.
Et là, pas de fatigue qui tienne. L’expérience de Budapest 1994 (où l’Ukraine a rendu ses armes nucléaires contre des promesses en papier) reste gravée dans les mémoires. Résultat : même ceux prêts à discuter des territoires refusent catégoriquement un accord qui laisserait le pays nu face à son voisin.
« On peut parler de terres, mais pas de sécurité. Sans bouclier, on signe pour la prochaine guerre dans dix ans. »
Cette position explique pourquoi les propositions russes du type « neutralité éternelle » tombent toujours dans le vide. Pour la majorité des Ukrainiens, neutralité = cible facile.
Qui accepte le plus les compromis ?
Le sondage montre des différences nettes selon les régions et les générations. Sans surprise, les habitants de l’est et du sud (même ceux restés en Ukraine) sont plus ouverts aux concessions territoriales. Ils vivent ou ont vécu plus près du front, ou ont de la famille de l’autre côté de la ligne.
Les jeunes (18-35 ans) se montrent aussi plus pragmatiques que leurs aînés. Étonnant ? Pas tant que ça. Ce sont eux qui portent la guerre sur leurs épaules et qui veulent fonder une famille, voyager, vivre tout simplement. Les plus de 55 ans, eux, restent majoritairement sur la ligne « jusqu’au bout ».
Petite anecdote qui m’a marqué : dans certains groupes de discussion, des soldats en permission disent carrément « qu’on nous rende nos vies, on signera pour un gel demain matin ». Ça glace le sang, mais ça montre à quel point le quotidien est devenu insoutenable.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Ce changement d’opinion arrive au pire (ou au meilleur ?) moment. Avec l’arrivée possible d’une administration américaine moins enthousiaste à financer le conflit, Kiev sait que la fenêtre pour négocier en position de force se rétrécit. D’où, peut-être, cette volonté de montrer qu’on est prêt à discuter… mais pas à n’importe quel prix.
L’équation est cruelle : plus l’Ukraine paraît prête à des compromis raisonnables, plus elle peut espérer garder l’Occident dans la boucle. Mais si elle se montre trop conciliante, elle risque de perdre le soutien et crédibilité intérieure.
Personnellement, je pense que 2026 sera l’année des choix impossibles. Soit on trouve un accord bancal mais qui sauve des vies, soit on continue jusqu’à l’épuisement total. Les chiffres d’aujourd’hui montrent que la société ukrainienne, malgré la douleur, n’a pas perdu sa capacité à raisonner froidement. C’est peut-être ça, finalement, le plus impressionnant.
Et vous, qu’en pensez-vous ? À partir de combien de morts supplémentaires une paix imparfaite devient-elle préférable ? La question est brutale, mais elle est posée tous les jours dans les foyers ukrainiens. Les réponses, elles, évoluent.
