Imaginez-vous un instant : vous êtes assis dans une salle feutrée, le cœur qui bat un peu plus fort à chaque enchère. Soudain, le marteau tombe. 163 430 euros. Pas pour une toile de maître ou une bouteille de vin rare, non. Pour un vélo. Oui, un simple vélo de course, même s’il a été chevauché par l’un des plus grands champions de l’histoire du cyclisme. C’est exactement ce qui s’est passé il y a quelques jours aux États-Unis.
Ce n’est pas n’importe quel vélo. C’est LE vélo noir de Tadej Pogacar, celui qu’il a étrenné lors de l’étape mythique du Mont Ventoux pendant le dernier Tour de France. Celui qui l’a porté jusqu’à sa quatrième victoire finale, puis jusqu’au titre de champion du monde et à un nouveau Tour de Lombardie. Bref, une machine qui a écrit quelques-unes des plus belles pages du cyclisme moderne.
Une enchère complètement folle
Quand la maison d’enchères a annoncé la mise en vente, l’estimation oscillait entre 10 000 et 17 000 euros. Franchement, déjà pas mal pour un vélo, même signé par un champion. Mais les collectionneurs en ont décidé autrement. Dès l’ouverture des enchères, ça a été la guerre. 70 offres en quelques heures seulement. À la fermeture, le prix avait explosé : 163 430 euros. Dix fois l’estimation haute. Autant dire que les commissaires-priseurs eux-mêmes n’en revenaient pas.
Et pourtant, quand on y réfléchit, ce n’est pas totalement aberrant. Le marché des objets ayant appartenu à des légendes du sport est en feu depuis plusieurs années. Un maillot de Michael Jordan s’arrache à plusieurs millions, une raquette de Federer dépasse le million. Le cyclisme, sport populaire mais aussi romantique, commence à rattraper son retard dans ce domaine.
Pourquoi ce vélo-là et pas un autre ?
Parce qu’il cumule tout ce qu’un collectionneur peut rêver.
- Un design unique : le Colnago Y1Rs Stripped Black avec sa finition carbone brut et les liserés arc-en-ciel du champion du monde.
- Une première sortie sur l’une des ascensions les plus mythiques du cyclisme : le Mont Ventoux, ce géant provençal qui a fait trembler des générations de coureurs.
- Une saison historique pour son pilote : quatrième Tour de France, titre mondial à Kigali, Lombardie… Pogacar a tout raflé.
- Le symbole d’une domination écrasante, presque surnaturelle.
En gros, ce n’est plus un vélo. C’est un morceau d’histoire sur deux roues.
« Une machine de course unique et historiquement importante »
– Description officielle de la maison d’enchères
Le Mont Ventoux, montagne magique
On ne présente plus le Ventoux. Ce mont chauve qui domine la Provence a toujours eu une place à part dans le cœur des cyclistes. On y a vu Eddy Merckx vaciller, Marco Pantani s’envoler, Chris Froome courir sans vélo après une chute mémorable. Chaque passage laisse une trace.
En 2025, l’étape Montpellier – Mont Ventoux a été un moment d’anthologie. Pogacar, déjà en jaune, n’a pas gagné l’étape – bravo à Valentin Paret-Peintre pour ça – mais il a écrasé la concurrence au général. Et c’est sur ce vélo noir, sobre et intimidant, qu’il a gravi les lacets sous un soleil de plomb. Les images ont fait le tour du monde : Pogi, impérial, dans un décor lunaire.
Posséder le vélo qui a vécu ça, c’est un peu comme avoir la raquette avec laquelle Nadal a gagné son 14e Roland-Garros. C’est toucher du doigt la légende.
Colnago, la Rolls du vélo italien
Derrière ce record, il y a aussi une marque : Colnago. Depuis les années 50, la maison italienne habille les plus grands. Merckx, évidemment, mais aussi Saronni, Museeuw, et maintenant Pogacar. Le modèle Y1Rs est le fleuron actuel : cadre monocoque ultra-léger, géométrie taillée pour la performance pure, finitions irréprochables.
La version « Stripped Black » avec les liserés champion du monde ? Elle n’existe qu’en un exemplaire. Celui-ci. Pas de série limitée à 100 pièces pour faire plaisir aux sponsors. Non, un seul vélo, conçu spécialement pour le Slovène. Ça change tout.
Le marché des memorabilia cyclistes explose
Il y a cinq ans, un vélo ayant appartenu à un champion se vendait 20 000, 30 000 euros maximum. Aujourd’hui, on franchit allègrement les six chiffres. Pourquoi ce boom ?
- Le cyclisme attire une nouvelle génération de fans, souvent plus aisés, grâce à des séries comme Tour de France : Au cœur du peloton sur Netflix.
- Les performances de Pogacar, Vingegaard, Evenepoel ou Van der Poel sont tellement hors normes qu’elles créent des objets cultes immédiats.
- Le marché du luxe cherche de nouveaux territoires. Après les montres et les sacs, voici les vélos de course.
J’ai discuté avec un collectionneur belge qui suit ces ventes depuis vingt ans. Il m’a confié : « Avant, on achetait un vélo pour rouler. Aujourd’hui, certains l’achètent pour le mettre dans leur salon, à côté d’une œuvre d’art contemporain. C’est un autre monde. »
Et l’acheteur, qui est-ce ?
Mystère total. La maison d’enchères garde l’anonymat, comme souvent dans ce genre de transaction. On peut imaginer plusieurs profils :
- Un passionné ultra-fortuné qui veut la pièce ultime de sa collection Pogacar.
- Un investisseur qui mise sur la cote future du Slovène (et franchement, ça semble être un bon pari).
- Une marque ou un sponsor qui veut exposer le vélo dans un musée ou un showroom.
- Peut-être même… Pogacar lui-même ? (Non, ça, c’est peu probable, mais on peut rêver.)
Quoi qu’il en soit, ce vélo ne roulera plus jamais en compétition. Il finira probablement dans une vitrine climatisée, éclairé comme une relique. Triste pour certains, logique pour d’autres.
Que nous dit ce record sur le cyclisme actuel ?
Personnellement, je trouve ça à la fois fascinant et un peu inquiétant. Fascinant parce que ça montre à quel point le sport a gagné en prestige. Quand un vélo vaut plus cher qu’une Ferrari d’occasion, c’est que le cyclisme n’est plus seulement un sport populaire, c’est aussi un spectacle de haut niveau qui attire l’argent.
Inquiétant, parce que cette démesure peut éloigner le sport de ses racines. Le cyclisme, c’était aussi des gars qui bricolaient leur vélo dans le garage, pas seulement des machines à 20 000 euros neuves. Mais bon, c’est peut-être le prix du succès.
En attendant, une chose est sûre : ce Colnago noir vient d’entrer dans la légende. Pas seulement pour ce qu’il a accompli sur la route, mais aussi pour ce qu’il représente désormais. Un symbole. Une folie douce. Un morceau de rêve à 163 430 euros.
Et vous, jusqu’où iriez-vous pour posséder un bout d’histoire du cyclisme ?
