Imaginez-vous un instant : nous sommes le 5 décembre 2025 et, quelque part sous le soleil de Floride, des hommes décident peut-être du sort de millions d’Européens. À Miami, loin des tranchées gelées du Donbass, des négociations discrètes pourraient bien dessiner la fin – ou la poursuite – d’une guerre qui dure depuis bientôt quatre ans. C’est presque surréaliste, non ?
Et pourtant, c’est exactement ce qui se passe en ce moment même.
Miami, nouvelle capitale officieuse de la diplomatie ukrainienne
On a presque du mal à y croire. Pendant que les obus tombent encore sur le front est, le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumierov, a pris l’avion direction la Floride. Objectif : poursuivre les discussions entamées il y a quelques semaines avec l’équipe proche du président américain récemment investi. Des échanges qui se veulent « productifs », mais qui sentent aussi la pression du temps qui file.
Ce n’est pas la première fois que la délégation ukrainienne pose ses valises aux États-Unis ces derniers temps. Il y a eu Genève, il y a eu déjà la Floride… Et maintenant, nouveau round. À chaque fois, le même objectif : amender un document présenté il y a trois semaines et qui, dans sa version initiale, avait fait bondir plus d’un responsable européen.
Un plan américain qui divise encore
Revenons un peu en arrière. Il y a environ vingt jours, l’équipe diplomatique américaine a mis sur la table une proposition de règlement. Très peu de détails ont filtré, mais les fuites et les réactions laissent entendre une chose : la première mouture penchait clairement en faveur de Moscou. Trop, selon Kiev et plusieurs capitales européennes qui ont fait part de leur malaise.
Depuis, c’est l’heure des retouches. Et elles sont nombreuses.
« L’Ukraine veut la fin de la guerre et est prête à des discussions sérieuses. »
Un conseiller de la présidence ukrainienne
Cette phrase, lâchée récemment sur les réseaux, résume assez bien l’état d’esprit actuel à Kiev. On veut la paix, oui. Mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas au prix d’une humiliation qui rendrait caduques trois années de résistance acharnée.
Les émissaires qui font parler
Dans cette partie d’échecs géante, deux noms reviennent sans cesse. D’un côté, Steve Witkoff, cet homme d’affaires floridien devenu émissaire spécial. De l’autre, un membre influent de l’entourage présidentiel américain qui accompagne souvent ces déplacements. Leur présence à Moscou il y a quelques jours, puis maintenant à Miami, montre à quel point Washington veut garder la main sur le dossier.
Et ça fonctionne. Parce que même le Kremlin, d’ordinaire si prompt à dénoncer l’ingérence américaine, a reconnu que « des progrès » avaient été réalisés lors de la visite russe. Attention, progrès ne veut pas dire accord. Loin de là.
Il reste « beaucoup de travail » avant de pouvoir parler de règlement.
Porte-parole du Kremlin, début décembre 2025
Cette formule, répétée plusieurs fois ces derniers jours, en dit long. On avance, mais on est encore très loin du compte.
Pendant ce temps, sur le terrain, rien ne s’arrête
Et c’est peut-être l’aspect le plus glaçant de cette séquence diplomatique. Pendant que les diplomates sirotent probablement des cocktails face à l’océan Atlantique, l’armée russe continue sa progression lente mais inexorable dans le Donetsk.
Ce matin même, Moscou a revendiqué la prise d’une nouvelle localité. Une de plus. Elles commencent à s’accumuler, ces petites victoires territoriales qui, mises bout à bout, redessinent la carte du front.
- Avancée continue dans le secteur de Pokrovsk
- Prises de villages quasi-quotidiennes
- Pression constante sur les axes logistiques ukrainiens
En parallèle, les frappes sur les infrastructures énergétiques se poursuivent. 137 drones lancés dans la nuit de jeudi à vendredi, dont une partie seulement interceptée. Résultat : des millions d’Ukrainiens affrontent à nouveau l’hiver dans le froid et l’obscurité.
C’est cette réalité-là que les négociateurs ont en tête quand ils s’assoient à la table. Chaque jour qui passe sans cessez-le-feu renforce la position russe sur le terrain. Et complique sérieusement la marge de manœuvre ukrainienne.
Les points qui bloquent encore
Alors, concrètement, sur quoi bute-t-on ?
D’après les informations qui circulent dans les cercles diplomatiques, plusieurs lignes rouges restent intactes :
- Le statut des territoires occupés depuis 2022 (et même avant)
- Les garanties de sécurité pour l’Ukraine – avec ou sans OTAN
- Le calendrier et les modalités d’un éventuel cessez-le-feu
- Le sort des prisonniers et des populations civiles
- Les sanctions économiques et leur levée progressive
Autant de sujets explosifs. Sur chacun d’eux, les positions restent éloignées. Et pourtant, il y a cette étrange accélération diplomatique qui laisse penser que quelque chose pourrait bouger avant la fin de l’année.
L’Europe, grande absente de ces discussions ?
C’est l’un des aspects qui intrigue le plus les observateurs. Dans cette séquence, les Européens brillent surtout par leur discrétion. On entend parler des Américains, des Ukrainiens, des Russes… Mais très peu des capitales européennes pourtant directement concernées.
Certains y voient la confirmation d’un recentrage américain sur le dossier. D’autres, plus cyniques, estiment que Washington préfère négocier en bilatéral pour éviter les blocages habituels des 27.
Quoi qu’il en soit, le message est clair : en 2025, quand il s’agit de parler paix en Ukraine, c’est à Miami ou à Washington qu’on décide. Pas forcément à Bruxelles.
Et maintenant ?
La question que tout le monde se pose, évidemment. Que peut-il sortir de cette réunion floridienne ?
Plusieurs scénarios circulent :
- Un accord de principe sur un cessez-le-feu temporaire pour l’hiver
- Une feuille de route plus détaillée pour des négociations directes russo-ukrainiennes début 2026
- Simplement un nouveau report, le temps d’aligner encore quelques positions
Ce qui est certain, c’est que le temps presse. Chaque semaine supplémentaire de combats coûte des vies, détruit des infrastructures et rend plus difficile tout compromis territorial.
Et puis il y a cette donnée qu’on oublie parfois : l’opinion publique ukrainienne. Après quatre ans de guerre, l’épuisement est réel. Les sondages montrent une majorité prête à des concessions territoriales en échange d’une paix durable. Mais cette majorité reste fragile. Et toute proposition perçue comme une capitulation pourrait déclencher une tempête politique à Kiev.
On marche sur des œufs. De chaque côté.
En attendant les prochaines fuites – parce qu’il y en aura forcément –, une chose est sûre : ces discussions de Miami, aussi discrètes soient-elles, pourraient bien marquer un tournant. Ou pas.
Mais dans ce conflit, on a appris à ne jamais dire jamais. Et surtout à ne jamais sous-estimer la capacité des grandes puissances à surprendre. Même quand elles négocient sous les palmiers.
