Vous est-il déjà arrivé de commander une pizza à 2h du matin sans vous poser de questions ? Aujourd’hui, dans certaines villes, le même principe existe… mais pour autre chose. À Fontainebleau, un jeune homme de 25 ans avait monté un service de livraison à domicile ultra-rodé : cannabis et cocaïne, directement chez le client, avec le tout pour un chiffre d’affaires hebdomadaire qui donne le tournis.
Franchement, quand on entend parler de 9 000 € de bénéfice net par semaine, on se demande si on n’a pas raté une reconversion. Blague à part, cette affaire montre à quel point le trafic de proximité a muté ces dernières années. Exit les points de deal bruyants dans les cages d’escalier ; bonjour le livreur discret qui sonne à votre porte comme n’importe quel coursier.
L’Uber Shit, le nouveau visage du deal de quartier
On l’appelle parfois l’Uber shit, parfois la livraison express. Le principe est simple : le client passe commande par message ou appli cryptée, le livreur arrive en scooter ou en voiture banalisée dans les 30 minutes, récupère l’argent et repart. Pas de regroupement, pas de témoins, très peu de risques… en théorie.
Dans le cas de Fontainebleau et ses environs, le système tournait à plein régime. Entre 700 grammes et un kilo de résine de cannabis écoulés chaque semaine, plus une quarantaine de grammes de cocaïne, le « gérant » de cette petite entreprise » s’était constitué un train de vie confortable. Et quand je dis confortable, je pèse mes mots.
Un business plus rentable qu’un restaurant bien placé
Faites le calcul vous-même : 9 000 € de bénéfice par semaine, cela fait environ 468 000 € par an. Sans local commercial, sans salariés déclarés, sans charges sociales. Autant dire qu’on est loin du SMIC. Et le plus fou, c’est que ce genre de modèle se multiplie partout en France, y compris dans des villes qu’on imagine tranquilles comme Fontainebleau.
Ce qui frappe, c’est l’organisation quasi professionnelle. Stock reconstitué régulièrement, balance électronique, sachets pré-dosés, comptabilité parallèle… On est à deux doigts d’un vrai PME du crime.
« Le trafic de proximité s’est uberisé. C’est discret, rapide et terriblement efficace. »
– Un enquêteur spécialisé, sous couvert d’anonymat
17 novembre : le jour où tout bascule
Après plusieurs mois d’investigations discrètes – filatures, écoutes, repérage des habitudes – les policiers de la circonscription décident de passer à l’action. Deux adresses sont perquisitionnées le même jour : l’appartement du principal suspect dans le quartier du Bréau à Fontainebleau, et celui de sa compagne à Écuelles.
Résultat ? Un impressionnant butin :
- 57 395 € en espèces, en liasses soigneusement rangées
- 100 grammes de résine de cannabis
- Une balance de précision et des centaines de sachets de conditionnement
- Une moto récente
- Des montres et vêtements de luxe
- Trois cartons de cigarettes de contrebande
Mais le plus intéressant vient de l’analyse bancaire : 33 000 € placés légalement sur des comptes classiques. Le trafiquant préparait visiblement l’après, ou du moins une partie de ses gains était blanchie de façon très classique.
Au total, les avoirs criminels saisis atteignent 130 000 €. Une somme rarement vue pour un trafic local de cette taille.
Trois interpellations et des peines rapides
Le couple est placé en garde à vue, ainsi que le petit frère de 17 ans du principal suspect (impliqué, semble-t-il, dans la revente de cigarettes). À l’issue, direction le tribunal correctionnel en comparution immédiate.
Le verdict tombe :
- 3 ans de prison, dont 1 an ferme pour l’homme de 25 ans
- 6 mois avec sursis pour sa compagne de 29 ans
- Convocation ultérieure pour le mineur (uniquement pour la contrebande de tabac)
Des peines qui peuvent paraître légères au regard des sommes en jeu, mais qui s’expliquent par l’absence d’antécédents judiciaires lourds et surtout par la volonté de juger rapidement ce type de dossiers.
Et les clients dans tout ça ?
Voici l’aspect le plus surprenant : plus de quarante clients ont été identifiés grâce aux téléphones et aux réseaux utilisés. Des profils très variés, pas forcément les stéréotypes qu’on imagine. Certains ont été entendus en audition libre. En l’absence de flagrant délit ou de produit sur eux, peu de suites judiciaires.
C’est là toute la difficulté : sans acheteurs, pas de trafic. Mais punir la consommation reste extrêmement compliqué dès lors qu’elle se fait dans la sphère privée. L’amende forfaitaire délictuelle (200 €) n’est applicable que si la personne est prise en possession. Résultat : la grande majorité s’en sort avec une simple remontrance.
Pourquoi ce modèle explose partout en France
Plusieurs raisons expliquent cette mutation :
- La demande reste forte, voire en hausse pour la cocaïne
- Les réseaux cryptés (Signal, Telegram, Wickr) rendent les communications quasi intraçables pour le grand public
- Les scooters et trottinettes électriques permettent des livraisons ultra-rapides et discrètes
- Les risques semblent moindres comparés aux anciens points de deal fixes
- La rentabilité est folle avec très peu d’investissement initial
Résultat : même dans des villes de taille moyenne, le phénomène prend de l’ampleur. Et les forces de l’ordre doivent sans cesse s’adapter, avec des moyens parfois limités.
Et après ? Les leçons d’une affaire banale… mais révélatrice
Cette affaire de Fontainebleau n’a rien d’exceptionnel. Elle est même devenue presque ordinaire. Ce qui est exceptionnel, c’est le niveau de saisie pour un trafic aussi localisé. Cela montre que même les « petits » réseaux peuvent générer des fortunes en peu de temps.
On peut se poser la question : tant que la demande existera, d’autres prendront la place. La répression, aussi efficace soit-elle, ne règle pas tout. Éducation, prévention, régulation… le débat est loin d’être clos.
En attendant, un jeune homme de 25 ans va passer au moins un an derrière les barreaux, sa compagne évite la prison, et quarante consommateurs dorment tranquilles ce soir. La machine, elle, continue de tourner ailleurs.
Comme quoi, derrière la carte postale du château de Fontainebleau et de sa forêt majestueuse, il y a aussi une réalité bien plus sombre. Et elle ne concerne pas que les grandes métropoles.
Et vous, aviez-vous déjà entendu parler de ces livraisons de drogue à domicile dans votre ville ? Le phénomène vous semble-t-il en augmentation ? N’hésitez pas à partager votre avis en commentaire (dans le respect, évidemment).
