Il y a quelques années, en rentrant d’une soirée, je suis montée dans le RER à une heure où la rame était encore pleine à craquer. J’ai senti une pression bizarre contre moi, puis une main qui n’avait rien à faire là. Autour, personne ne bougeait. J’ai eu chaud, honte, colère, tout en même temps. Et surtout cette question qui tourne en boucle : « Mais qu’est-ce que je fais maintenant ? »
Beaucoup de femmes (et parfois d’hommes) ont vécu ça dans les transports. Et le pire, c’est qu’on se sent souvent seul face à ça. Pourtant, il existe des solutions concrètes, des réflexes à adopter, que l’on soit victime ou simple témoin. Parce que oui, même témoin, on peut changer la donne.
La réalité qu’on ne veut plus ignorer
Les chiffres font froid dans le dos, même si on les connaît par cœur. La très grande majorité des actes de harcèlement sexuel ou d’agressions sexistes dans les transports ont lieu… aux heures de pointe. Oui, quand tout le monde est serré comme des sardines. C’est là que certains profitent de l’effet de foule pour agir en toute impunité.
Et le plus rageant ? Beaucoup de victimes rentrent chez elles et laissent tomber. Pas parce qu’elles le veulent, mais parce que l’épreuve de porter plainte semble trop lourde après une journée déjà épuisante. Résultat : les images de vidéosurveillance sont effacées au bout de quelques jours et l’agresseur, souvent un récidiviste, continue tranquillement.
J’ai longtemps pensé que « ça ne servait à rien » de signaler. Et puis j’ai compris une chose toute bête : chaque signalement, chaque plainte, c’est une pièce du puzzle qui permet d’arrêter ces individus. Parce que oui, très souvent, c’est le même visage qui revient sur les écrans de surveillance.
Première urgence : porter plainte, vraiment
Si vous avez été victime, la première chose à faire – je sais, c’est dur – c’est de porter plainte. Pas demain, pas « quand j’aurai le courage ». Le plus vite possible.
Pourquoi cette course contre la montre ? Parce que les bandes de vidéosurveillance sont conservées très peu de temps. Sans plainte, impossible de les garder, impossible d’identifier l’auteur. Et croyez-moi, les équipes qui visionnent ces images sont douées : elles retrouvent souvent la personne sur d’autres lignes, d’autres jours.
On peut porter plainte en ligne maintenant, ou dans n’importe quel commissariat (même pas dans celui du lieu de l’agression). Et si vous avez peur, il existe des associations qui vous accompagnent gratuitement.
« Une plainte, ce n’est pas seulement pour soi. C’est pour que la prochaine femme ne vive pas la même chose. »
Une policière spécialisée que j’ai rencontrée lors d’une formation
Quand on est témoin : briser la loi du silence
Maintenant, la partie qui me touche encore plus : quand on voit quelque chose et qu’on ne sait pas quoi faire.
Vous savez, ce moment où on sent que quelque chose ne va pas, mais on hésite. Peur de se tromper, peur de la réaction, peur de passer pour le relou de service. Et pourtant, un simple geste peut tout arrêter.
La bonne nouvelle, c’est qu’on n’est plus obligé de jouer les héros à la Bruce Willis. Il y a des moyens malins, sécurisés et efficaces d’intervenir.
Le 3117 : votre meilleur allié discret
D’abord, le numéro à avoir en favori : 3117. C’est gratuit, 24h/24, par téléphone, SMS (31177) ou appli. Les agents qui répondent sont formés précisément pour ça.
Ils peuvent envoyer une patrouille, prévenir le conducteur, déclencher une annonce dans la rame. Et tout ça en moins de deux minutes parfois. J’ai testé (en formation) : c’est impressionnant de rapidité.
- Par téléphone : on vous pose quelques questions rapides
- Par SMS : parfait si on ne veut pas parler
- Par l’appli : on peut même envoyer sa géolocalisation exacte
La méthode des 5D : l’arme secrète qu’on devrait tous connaître
Et puis il y a cette méthode que j’adore : les 5D. On en parle de plus en plus, et franchement, c’est du génie.
Les 5D, c’est cinq façons d’intervenir sans jamais se mettre en danger ni être agressif. Ça a été conçu précisément pour les situations dans les transports.
- Distraire : parler fort à la victime (« Salut ! Ça fait longtemps ! Viens là ! ») pour créer une diversion
- Déléguer : demander à quelqu’un d’autre d’appeler les agents ou le 3117
- Documenter : filmer discrètement (légal si on est dans un lieu public et qu’on ne diffuse pas sans raison)
- Diriger : indiquer clairement à l’agresseur qu’on a vu (« Touche-la encore et t’as affaire à moi » dit calmement marche souvent)
- Dialoguer : après l’incident, prendre des nouvelles de la victime, lui proposer de l’accompagner
Ce qui est génial, c’est qu’on peut n’en utiliser qu’un ou deux. L’important, c’est d’agir. Même une phrase toute bête comme « Vous descendez au prochain arrêt ? » adressée à la victime suffit parfois à faire fuir l’agresseur.
J’ai vu une vidéo d’une opération de sensibilisation où des comédiens simulaient une agression. À chaque fois qu’un seul passant appliquait un D, l’agresseur arrêtait immédiatement. Preuve que ça marche.
Et si on formait tout le monde ?
De plus en plus d’entreprises, d’universités et même de lycées commencent à proposer des ateliers 5D. Moi qui bosse dans une grande boîte, on en a eu un l’an dernier. Trente minutes qui changent tout.
On joue des saynètes, on teste les phrases, on désamorce la peur. À la fin, tout le monde repart avec cette sensation : « Ok, la prochaine fois, je saurai quoi faire. »
Franchement, si chaque école, chaque entreprise faisait ça, on changerait vraiment la donne.
Les petites astuces qui changent tout au quotidien
En attendant que le monde change, voilà quelques réflexes que j’ai adoptés et que je partage autour de moi :
- Se placer près des portes ou des issues de secours
- Éviter les wagons trop vides tard le soir (paradoxal mais vrai)
- Mettre son sac à dos devant soi (barrière physique)
- Ne pas hésiter à changer de place, même si ça fait « bizarre »
- Garder son téléphone prêt avec le 3117 en numérotation rapide
- Regarder autour de soi de temps en temps (le simple fait de croiser le regard décourage souvent)
Ce ne sont pas des solutions miracles, mais ça aide à se sentir un peu plus en contrôle.
Et les hommes dans tout ça ?
Je vais dire une chose qui peut sembler évidente mais qui mérite d’être répétée : les hommes ont un rôle énorme à jouer.
Quand un mec intervient calmement mais fermement, l’agresseur recule presque toujours. J’ai vu des vidéos où un simple « Hé, tu la lâches » suffisait. Parce que malheureusement, certains ne respectent que la force… ou la menace d’une confrontation avec un autre homme.
Messieurs, si vous lisez ça : vous n’êtes pas « hors sujet ». Vous êtes carrément la solution parfois.
Vers un changement plus large ?
On parle beaucoup de caméras intelligentes, d’agents en plus, de wagons réservés (idée qui divise). Personnellement, je pense que la technologie aide, mais que le vrai changement viendra de nous tous.
Quand on arrêtera de trouver « normal » qu’une femme doive calculer son trajet en fonction du risque. Quand on considérera que toucher quelqu’un sans consentement, c’est grave, point. Quand témoin deviendra synonyme d’acteur.
Ce jour-là, on n’aura peut-être plus besoin d’écrire des articles comme celui-ci.
En attendant, gardons le 3117 dans nos favoris. Apprenons les 5D. Et surtout, rappelons-nous cette phrase toute simple : ne pas intervenir, c’est déjà choisir son camp.
Et toi, la prochaine fois que tu verras quelque chose, tu feras quoi ?
