Vous est-il déjà arrivé de faire totalement confiance à quelqu’un simplement parce qu’il portait un titre ou une écharpe d’élu ? Moi, je crois que c’est une erreur qu’on commet tous un jour ou l’autre. Et puis il y a des histoires qui vous glacent le sang et vous font douter de tout. Celle qui s’est déroulée cette semaine au tribunal de Quimper en fait partie.
Imaginez : un homme de 44 ans, connu localement, ancien conseiller municipal délégué à la culture bretonne, qui pendant des années a prétendu être infirmier ou étudiant en soins infirmiers. Sous ce prétexte, il approchait des femmes, souvent entre 30 et 40 ans, leur proposait des prises de sang « pour leur santé », et parfois… dérivait vers des actes bien plus graves. Le procès qui vient de s’achever a duré quatre jours. Quatre jours de témoignages qui donnent la chair de poule.
Un prédateur qui jouait sur tous les tableaux
Ce qui rend cette affaire particulièrement sordide, c’est la façon dont l’accusé utilisait sa double casquette. D’un côté l’élu local sympathique, passionné par la culture régionale, de l’autre le pseudo-soignant qui inspirait confiance. Beaucoup de victimes le connaissaient déjà, l’avaient croisé lors de manifestations bretonnes ou dans le cadre de son entreprise audiovisuelle. C’est précisément cette familiarité qui a permis de baisser leur garde.
Elles sont une cinquantaine à s’être constituées parties civiles. Certaines « seulement » pour exercice illégal de la médecine, d’autres pour des agressions sexuelles caractérisées. Et quand on écoute les récits, on comprend vite que la frontière entre les deux était poreuse, volontairement poreuse.
Le scénario presque toujours identique
Le mode opératoire revenait comme un rituel bien rodé. L’homme proposait une prise de sang, soi-disant dans le cadre d’une étude ou pour vérifier un taux quelconque. Certaines acceptaient par curiosité, d’autres parce qu’elles se sentaient en confiance avec ce « presque médecin ».
Une fois la piqûre faite, le sang était soit jeté, soit conservé dans un box de stockage loué à son nom. Oui, vous avez bien lu : des dizaines de tubes de sang stockés on ne sait trop pourquoi. L’accusé a parlé d’un traumatisme d’enfance lié à une mauvaise piqûre. Excuse practicalement risible quand on voit la suite.
Car pour certaines femmes, l’histoire ne s’arrêtait pas là. Venaient ensuite les « massages relaxants » censés faciliter la circulation après la prise de sang. Puis des propositions de plus en plus dérangeantes : des « orgasmes thérapeutiques » soi-disant pour mesurer l’effet sur la tension artérielle. Et là, nouvelle prise de sang, histoire de « comparer ».
« Il me disait que c’était médical, que c’était normal, que plein de médecins faisaient ça en toute discrétion… J’avais honte, je me sentais sale. »
– Témoignage d’une victime recueilli à l’audience
Des vidéos tournées en cachette
Le pire, peut-être, c’est qu’il filmait. En secret. Des heures d’images retrouvées par les enquêteurs. Des femmes nues ou en sous-vêtements, en train de se faire masser, parfois bien plus, sans jamais avoir donné leur consentement à être filmées. Quand les avocats des parties civiles ont projeté quelques extraits (floutés) à l’audience, la salle était pétrifiée.
L’accusé, lui, gardait un aplomb incroyable. Il niait farouchement avoir drogué qui que ce soit (plusieurs victimes disent être tombées dans un état second), expliquait que les massages étaient nécessaires pour « détendre avant la piqûre ». Des explications qui ont fait bondir le procureur.
Un réquisitoire sans appel
À l’issue des quatre jours, le représentant du ministère public n’a pas mâché ses mots. Il a parlé d’un homme pervers et manipulateur, chez qui la prise de sang n’avait qu’un seul but : sexuel. Aucune altération du discernement, aucun trouble psychiatrique majeur. Juste un prédateur organisé.
- 5 ans de prison ferme requis (peine maximale)
- Mandat de dépôt immédiat
- 10 ans de suivi socio-judiciaire
- 5 ans d’inéligibilité
- Interdiction de paraître dans le Finistère pendant 3 ans
Le président du tribunal a mis sa décision en délibéré au 8 janvier 2026. D’ici là, l’accusé reste libre sous contrôle judiciaire. Un point qui a fait grincer des dents dans la salle.
Et ce n’est peut-être pas fini…
Ce que beaucoup ignorent, c’est que cet homme traîne déjà une condamnation dans les Côtes-d’Armor en 2021 pour des faits similaires. Et aujourd’hui, une nouvelle enquête est ouverte dans le Morbihan. D’autres victimes se manifestent, sortent du silence. Le sentiment général, à la sortie du tribunal ? Celui d’un prédateur qui a pu agir pendant des années en profitant de sa position et de l’omerta.
Je me suis posé la question, comme beaucoup : comment a-t-on pu laisser faire aussi longtemps ? Comment des femmes intelligentes, parfois elles-mêmes dans le milieu médical, ont-elles pu tomber dans le panneau ? La réponse est terrifiante de simplicité : parce qu’il était bon. Vraiment bon. Il connaissait les mots, les gestes, les références qui rassurent. Et quand on est face à quelqu’un qui cumule l’autorité morale d’un élu et l’autorité technique d’un soignant, on baisse la garde.
Ce que cette affaire nous dit de notre société
Au-delà de l’horreur des faits, il y a une réflexion plus large. Sur la confiance aveugle qu’on accorde aux titres. Sur la difficulté de parler quand on a été manipulé, surtout quand l’agresseur occupe une position sociale élevée. Sur le fait que le milieu culturel ou associatif, souvent vu comme bienveillant, peut aussi être un terrain de chasse.
Les victimes, elles, ont été admirables de courage. Venir témoigner face à lui, revivre ces moments, affronter la honte. L’une d’elles a lâché à la barre : « J’ai mis des années à comprendre que ce n’était pas de ma faute. » Cette phrase résonne encore.
Le 8 janvier prochain, le tribunal rendra sa décision. Espérons qu’elle sera à la hauteur de la souffrance exprimée pendant ces quatre jours. Et que cette affaire, aussi sordide soit-elle, permettra à d’autres femmes de parler plus tôt. Parce que oui, le silence protège toujours les prédateurs.
En attendant, si vous avez été victime ou si vous connaissez quelqu’un qui pourrait l’avoir été, n’hésitez pas. Les associations et les forces de l’ordre sont là. Parler, c’est déjà commencer à guérir.
