Vous êtes-vous déjà demandé ce que devenaient ces immenses bâtisses grises, un peu tristes, qui bordent parfois nos villes ? Ces anciens hôpitaux qui ont soigné des générations entières et qui, du jour au lendemain, se retrouvent fermés, portes cadenassées, fenêtres condamnées. Moi, ça m’a toujours intrigué. Et puis, un matin, en traversant un village des Yvelines, j’ai vu une pancarte : « Future résidence – 30 logements ». Devant un ancien centre de soins. Là, j’ai compris : on assiste à une vraie révolution silencieuse.
Quand l’État décide de faire place nette
Depuis quelques années, les collectivités et surtout l’État se débarrassent, discrètement mais sûrement, d’un patrimoine hospitalier devenu trop lourd à entretenir. Fermetures pour rapprochement de services, regroupements dans des CHU neufs, mutualisation des plateaux techniques… les raisons ne manquent pas. Résultat ? Des dizaines d’hectares, souvent en plein cœur de ville ou en bord de Seine, se retrouvent libres. Et quand on parle de crise du logement, ces terrains font figure de manne.
Mais attention, rien n’est simple. Ces sites ne sont pas des terrains vagues classiques. Il y a souvent des bâtiments classés, des pollutions historiques (amiante, plomb, anciens laboratoires), sans parler des coûts de démolition ou de dépollution qui donnent des sueurs froides aux promoteurs privés. Alors, pour que ça marche, il faut un chef d’orchestre. Et ce chef d’orchestre, en Île-de-France, c’est souvent la Région via son bras armé foncier.
Le rôle clé de l’établissement public foncier
Prenez l’exemple de Follainville-Dennemont, un gros village coincé entre Mantes-la-Jolie et la Seine. Un ancien centre de soins, bien placé, juste à côté de l’église et des commerces. L’État veut s’en séparer. Un promoteur privé aurait pu se positionner… s’il avait eu les reins assez solides pour avancer les millions nécessaires à la dépollution et à la démolition partielle. À la place, c’est l’Établissement public foncier d’Île-de-France qui a signé le protocole d’accord.
Le principe est malin : l’établissement public achète, sécurise le terrain, réalise les études, dépollue si besoin, puis revend « clés en main » à un promoteur. Le surcoût est pris en charge par les finances régionales et, in fine, par les futures ventes. Sans ce dispositif, le projet serait probablement encore dans les cartons.
« Sans intervention publique, 80 % de ces sites resteraient des friches pendant vingt ans », confiait récemment un expert du foncier francilien.
Des emplacements en or, mais à quel prix ?
Ce qui rend ces anciens hôpitaux si attractifs, c’est d’abord leur situation. En centre-ville, proches des gares, des écoles, des commerces. Tout ce que recherchent les familles aujourd’hui. À Saint-Germain-en-Laye, l’ancien hôpital prévu pour être reconverti est à dix minutes à pied de la gare et du château. À Gonesse, le site est immense et pourrait accueillir plusieurs centaines de logements. Même dans des communes plus rurales comme dans le Vexin, la proximité de la Seine et des axes routiers change tout.
Mais il y a un revers. Ces terrains, même vendus par l’État à prix cassés parfois, restent chers une fois remis en état. Et les maires, eux, exigent souvent une part importante de logements sociaux. Résultat : le montage financier devient acrobatique.
- Coût de dépollution : parfois plusieurs millions d’euros
- Conservation de bâtiments patrimoniaux : obligation de garder des façades ou des parties nobles
- Exigence de mixité sociale : 25 à 40 % de logements aidés selon les communes
- Infrastructures à créer ou renforcer : crèches, parkings, voiries
Du coup, sans aide publique, peu de promoteurs se lancent. Et pourtant, les besoins sont criants.
Des exemples qui donnent envie… et qui interrogent
À Follainville-Dennemont, le projet est modeste mais symbolique : une trentaine de logements, dont neuf sociaux. Le maire s’en félicite : « On garde l’âme du village tout en accueillant de nouvelles familles. » Dans d’autres communes, les ambitions sont plus élevées. On parle de plusieurs centaines de logements, parfois avec commerces en rez-de-chaussée, espaces verts, voire équipements publics.
Mais je me pose toujours la même question : est-ce qu’on ne risque pas, à force, de transformer tous nos centres-villes en dortoirs résidentiels haut de gamme ? Parce que, soyons honnêtes, même avec 30 % de logements sociaux, le reste sera souvent vendu à des prix inaccessibles pour la majorité des Franciliens.
Et puis il y a le patrimoine. Certains de ces hôpitaux ont une vraie histoire. Des architectes du XIXe siècle, des chapelles magnifiques, des parcs centenaires. Conserver, réhabiliter, ça coûte cher. Démolir, c’est plus simple. Le juste milieu est difficile à trouver.
Une tendance qui va s’accélérer
Ce qui est sûr, c’est que la vague ne fait que commencer. Avec les regroupements hospitaliers prévus dans les années à venir, d’autres sites vont se libérer. Dans le Val-d’Oise, les Yvelines, mais aussi en grande couronne. Les élus locaux guettent, les promoteurs affûtent leurs crayons, et la Région prépare déjà les prochains protocoles.
Ce mouvement dit aussi quelque chose de notre époque : on recycle, on densifie, on répare la ville sur elle-même. C’est plutôt une bonne nouvelle, non ? À condition que ça profite vraiment à tout le monde, et pas seulement aux plus aisés ou aux investisseurs.
La prochaine fois que vous passerez devant un vieil hôpital fermé, levez les yeux. Derrière les grilles rouillées, il y a peut-être votre futur voisinage. Ou celui de vos enfants. La ville se réinvente, morceau par morceau, et ces vieilles pierres en sont les nouveaux héros malgré elles.
Et vous, dans votre ville, avez-vous déjà vu un ancien hôpital se transformer en logements ? Racontez-moi en commentaire ce que vous en pensez. Parce que, finalement, c’est aussi notre cadre de vie qui se joue là.
