Vous est-il déjà arrivé de sortir d’un théâtre avec le sourire jusqu’aux oreilles et les yeux un peu humides en même temps ? C’est exactement ce qui m’est arrivé vendredi soir dernier en quittant le Théâtre du Châtelet après la première de La Cage aux Folles. Franchement, je m’attendais à passer une bonne soirée, mais là… on touche à quelque chose de rare.
Le hall était déjà une fête à lui tout seul : boule à facettes, lumières roses qui dansent sur les murs, spectateurs en paillettes ou plumes, ambiance cabaret chic et décontractée. On sent tout de suite qu’on n’est pas là pour voir un simple spectacle, mais pour vivre un moment.
Une mise en scène qui claque dès les premières secondes
Olivier Py ne fait jamais les choses à moitié. Dès que le rideau se lève sur Saint-Tropez et sa boîte de nuit La Cage aux Folles, on est plongés dans un tourbillon de couleurs, de plumes et de chorégraphies millimétrées. Les décors sont somptueux sans être clinquants, les costumes (mon Dieu, les costumes !) vous éblouissent à chaque tableau.
Ce qui frappe d’entrée, c’est le rythme. Pas une seconde de vide. Les numéros s’enchaînent avec une énergie communicative et pourtant, jamais l’émotion ne prend le pas sur le rire, ni l’inverse. C’est parfaitement dosé.
Laurent Lafitte, ou comment voler la vedette en talons aiguilles
Bon, soyons honnêtes : on venait tous un peu pour voir Laurent Lafitte en Zaza. Et il ne déçoit pas. Loin de là.
Dès son entrée en robe rouge incendie, perruque blonde platine et regard de braise, il impose le personnage. Il y a du génie dans sa façon d’incarner Albin/Zaza : à la fois fragile, flamboyante, touchante, drôle, excessive… tout à la fois. Il passe du rire aux larmes en une fraction de seconde et on y croit à 200 %.
« Je suis ce que je suis… »
Le moment où il chante cette phrase mythique, la salle entière retient son souffle avant d’exploser.
Et que dire de sa relation avec Damien Bigourdan (Renato) ? Une alchimie folle. Ils forment un couple crédible, tendre, drôle, parfois conflictuel, toujours émouvant. Leurs scènes à deux sont parmi les plus belles du spectacle.
Un casting secondaire au top
On parle beaucoup (et à juste titre) de Laurent Lafitte, mais tout le casting est remarquable. Les « Cagelles » (les danseuses travesties) sont époustouflantes de technique et d’énergie. Chaque tableau chorégraphique est un petit bijou.
David Alexis en Jacob, le majordome efféminé et complètement déjanté, vole régulièrement la vedette. Ses apparitions déclenchent des rires incontrôlables. Mention spéciale aussi à la troupe toute entière qui donne l’impression d’avoir répété pendant des années tant l’ensemble est rodé.
Un message toujours aussi actuel, quarante ans après
Ce qui est fou, c’est que cette comédie musicale créée en 1983 reste d’une modernité dingue. L’histoire d’un couple homosexuel qui doit cacher son identité pour plaire à la famille ultra-conservatrice de la fiancée de son fils… ça parle encore terriblement aujourd’hui.
Mais Olivier Py a su actualiser le propos sans le dénaturer. Il y a plus de paillettes, plus de liberté, plus de fierté aussi. Le final, avec tout le monde en drag sur « The Best of Times », est une véritable déclaration d’amour à la différence et à la joie de vivre.
Et quand Zaza refuse finalement de se travestir en homme et arrive en robe devant les beaux-parents médusés… la salle hurle de rire et applaudit à tout rompre. Moment magique.
Techniquement, c’est du très haut niveau
- Les orchestrations live sont puissantes et précises
- Les lumières signées Bertrand Killy subliment chaque tableau
- Les costumes de Pierre-André Weitz sont à tomber
- La scénographie mobile permet des transitions fluides
- Le son est parfait (ce qui n’est pas toujours le cas au Châtelet)
Bref, tout est réuni pour que l’expérience soit totale.
Alors, faut-il y aller ?
La réponse est évidente : oui, mille fois oui. Que vous connaissiez déjà l’œuvre (la pièce, le film avec Ugo Tognazzi et Michel Serrault, ou la version américaine The Birdcage) ou que vous la découvriez, cette version 2025 est un bijou.
Apportez vos proches, vos parents, vos enfants (dès 10-12 ans je dirais), vos amis qui disent « je n’aime pas les musicales »… Tout le monde en ressortira conquis. C’est drôle sans être bête, émouvant sans être larmoyant, spectaculaire sans être too much.
Et surtout, c’est une magnifique ode à la tolérance, à l’amour sous toutes ses formes, et à la liberté d’être soi. En cette période parfois un peu grise, on en a bigrement besoin.
Les représentations sont déjà presque complètes jusqu’en février. Si vous hésitez encore… n’hésitez plus. Courez réserver vos places. Vous me remercierez plus tard.
Personnellement, j’y retourne déjà en janvier avec ma mère. Elle qui adorait le film dans les années 80 va tomber de sa chaise en voyant Laurent Lafitte en Zaza. Et moi, je vais reprendre une dose de paillettes et de bonne humeur. Parce que franchement, on n’en a jamais assez.
