Vous est-il déjà arrivé de voir un club historique toucher le fond en quelques jours à peine ? Moi oui, et cette semaine à Nice, on a frôlé le point de non-retour. Des joueurs pris à partie à leur retour de match, un entraîneur qui hésite à claquer la porte, des supporters qui appellent au boycott… Et pourtant, dimanche, il y a un match. Contre Angers, lanterne rouge. L’occasion rêvée de se relancer ou le piège parfait pour couler définitivement.
Quand le vestiaire niçois explose en plein vol
Reprenons depuis le début. Dimanche dernier, après une énième défaite à Lorient, le bus de l’OGC Nice est accueilli par une centaine de supporters en colère à la sortie de l’autoroute. Ce qui devait être une simple explication musclée dégénère : insultes, menaces, coups même pour certains. Terem Moffi et Jérémie Boga sont tellement choqués qu’ils sont toujours en arrêt de travail une semaine plus tard. Florian Maurice, le directeur sportif, est décrit comme « debout mais très marqué ». Autant dire que l’ambiance au centre d’entraînement ressemble plus à un hôpital de guerre qu’à une préparation de match.
Et au milieu de ce chaos, il y a Franck Haise. L’homme qui avait pourtant réussi à redonner une identité à ce groupe depuis son arrivée à l’été 2024. Des schémas clairs, du pressing, de l’intensité… Mais six défaites de suite toutes compétitions confondues, ça use même les meilleurs. L’ancien coach lensois avoue avoir été « tout près de partir ». Imaginez la scène : il rentre chez lui après les incidents, pose ses clés, regarde sa femme et se dit que c’est peut-être fini. Finalement, il reste. Par loyauté ? Par orgueil ? Sans doute un peu des deux.
L’union sacrée ou la chute libre : il n’y a plus d’entre-deux
En conférence de presse ce samedi, Haise n’a pas mâché ses mots. Il parle d’« union sacrée ». Le terme est fort, presque désuet dans le football moderne où tout va trop vite. Mais là, il colle parfaitement à la situation.
« À nous d’être là dans un esprit de combat, d’orgueil, pour que sur le terrain, il y ait une réponse. »
Franck Haise, ce samedi
Traduction : on arrête de pleurnicher, on serre les dents et on va chercher les trois points. Peu importe si la Populaire Sud reste vide ou pas. Le message est clair : la seule façon de commencer à panser les plaies, c’est de gagner. Pas de bien jouer, pas de faire plaisir. Gagner. Point.
Parce que soyons honnêtes, le chemin de la réconciliation avec les supporters risque d’être long. Très long. Certains groupes ultras ont déjà annoncé qu’ils ne viendraient pas dimanche. D’autres hésitent. Quand la confiance est brisée à ce point, un simple match ne suffira pas à tout réparer. Mais un non-match peut tout faire exploser pour de bon.
Un groupe qui découvre (enfin) sa résilience ?
Ce qui m’a marqué dans les mots de Haise, c’est cette petite phrase glissée presque en aparté : « J’ai vu cette semaine que quelque chose s’était créé dans le groupe. » On sent l’entraîneur surpris, presque ému. Comme si les événements tragiques avaient paradoxalement soudé les joueurs entre eux.
Parfois, il faut toucher le fond pour que les masques tombent. Les ego, les petites phrases dans les couloirs, les jalousies… Tout ça passe au second plan quand tu te fais insulter collectivement à 2h du matin sur une aire d’autoroute. Là, tu comprends que tu n’as plus que tes coéquipiers. Et ton coach.
Est-ce que cette solidarité nouvelle va se traduire sur le terrain ? C’est toute la question. Parce que depuis le début de saison, Nice alterne le très bon (victoire à Saint-Étienne, nul héroïque face à l’OM) et le pathétique (défaites contre Toulouse ou Nantes à domicile). On a l’impression d’avoir deux équipes dans la même.
Angers, l’adversaire parfait… ou le pire piège
Sur le papier, recevoir la lanterne rouge à domicile après une semaine pareille, c’est une bénédiction. Angers n’a pris que 7 points en 14 journées, possède la pire attaque et la deuxième pire défense. Tout pousse à penser que Nice va se rassurer.
Mais le football n’est jamais aussi simple. Surtout pas quand tu joues votre survie devant ton public. Combien de fois a-t-on vu des équipes en crise se faire humilier par le dernier du classement ? Trop souvent. Lorient vient d’en faire l’expérience contre Auxerre il y a quinze jours.
- Si Nice gagne largement → début de reconstruction crédible
- Si Nice gagne difficilement → on respirera un peu mais la crise reste là
- Si Nice fait match nul ou perd → là, c’est la porte ouverte à tous les scénarios, y compris un départ de Haise dans les 48h
Autant dire que l’enjeu dépasse largement les trois points.
Et INEOS dans tout ça ?
On parle beaucoup des joueurs, de l’entraîneur, des supporters. Mais il y a un acteur qui reste étrangement silencieux : le propriétaire. Depuis le rachat par INEOS, on nous avait vendu un projet ambitieux, une gestion à l’anglaise, des moyens énormes. Force est de constater que cinq ans après, Nice stagne dans le ventre mou de la Ligue 1 et vit sa pire crise depuis très longtemps.
La communication du club cette semaine a été minimale. Quelques mots du président, une prise de parole de Jean-Claude Blanc pour dire qu’on « condamnait fermement » les violences. Mais concrètement ? Rien. Pas de sanctions annoncées contre les auteurs des incidents, pas de grande réunion avec les groupes de supporters, pas de plan clair pour l’avenir. Juste l’attente du prochain match.
C’est peut-être une stratégie. Laisser passer l’orage. Mais quand ton club brûle, attendre que la pluie vienne toute seule, c’est risqué.
Ce que nous réserve dimanche (et après)
Dimanche à 15h, l’Allianz Riviera ne sera pas pleine, c’est certain. Mais ceux qui viendront auront un rôle énorme. Soutenir ou siffler ? Pousser l’équipe ou l’enfoncer ? Le public niçois a toujours été passionné, parfois à l’excès. Cette fois, il a l’occasion de montrer qu’il peut aussi être salvateur.
Pour moi, l’aspect le plus intéressant n’est même pas le résultat. C’est l’attitude. Est-ce qu’on verra enfin des joueurs qui se battent pour leur maillot ? Des duels gagnés ? Des courses vers le public après un but ? Ce genre de détails qui font qu’un supporter pardonne (presque) tout.
Parce qu’au fond, le football reste un sport de passion. Et à Nice plus qu’ailleurs, on pardonne beaucoup à ceux qui mouillent le maillot. On pardonne moins à ceux qui baissent la tête.
Alors oui, Franck Haise a raison. La vérité, c’est demain sur le terrain. Pas dans les communiqués, pas dans les réseaux sociaux, pas dans les conférences de presse. Sur le rectangle vert, pendant 90 minutes.
Et quelque part, c’est beau. Dans toute cette noirceur, il reste ça : un match de foot. Une balle qui roule. Onze gars en rouge et noir contre onze en blanc. Et la possibilité, toujours, de tout changer.
Allez Nice. Plus que jamais.
