Imaginez la scène. Vous marchez tranquillement dans les rues de Lyon, un gobelet de vin chaud à la main, les yeux levés vers ces jeux de lumière qui font la renommée de la ville chaque début décembre. Et soudain, sur la façade majestueuse d’un palais historique, des mots géants, brutaux, qui claquent comme un uppercut : « La police blesse et tue ». Le choc est immédiat. La magie de la Fête des Lumières vient de basculer en quelques secondes dans une tout autre dimension.
C’est exactement ce qui s’est produit ce samedi soir. Des projections sauvages, non autorisées, ont transformé un événement populaire et poétique en tribune politique radicale. Et pas n’importe quelle tribune : un bâtiment public, en plein cœur de la ville, devant des milliers de personnes.
Quand la fête devient ring politique
La Fête des Lumières, c’est d’habitude un moment de douceur lyonnaise. Des installations artistiques, des familles, des touristes émerveillés. Cette année, une partie de la soirée a pris des airs de manif nocturne version high-tech. Les messages projetés n’ont laissé personne indifférent.
Les slogans qui ont fait bondir les autorités
Parmi les phrases balancées en lettres lumineuses géantes, on a pu lire :
- « La police blesse et tue »
- « Non à l’État policier »
- « Sainte-Soline : ni oubli, ni pardon »
- « On dégage le RN »
- « La violence policière est partout »
Des messages courts, percutants, qui mélangent critique des forces de l’ordre et rejet clair de l’extrême droite. Le tout sur le palais Saint-Pierre, rien de moins. Autant dire que la pilule a eu du mal à passer.
Des réactions immédiates et sans ambiguïté
La préfète du Rhône n’a pas attendu le lendemain pour dégainer un communiqué cinglant. Elle a dénoncé un « insupportable message de haine » et réaffirmé son soutien total aux forces de l’ordre, ces femmes et ces hommes qui « mettent en danger leur vie à chaque instant » pour protéger les citoyens.
Accuser la police de tuer pendant que des milliers de personnes sont protégées, c’est attiser la haine contre ceux qui assurent votre sécurité.
– Représentants syndicaux des forces de l’ordre
Même le maire de Lyon, pourtant issu des rangs écologistes, a condamné sans détour ces projections. Grégory Doucet a parlé de propos violents à l’encontre de policiers qui participaient justement à la sécurisation de la manifestation lumineuse. Une prise de position qui a pu en surprendre certains dans son propre camp.
Sainte-Soline, le fantôme qui revient toujours
Parmi les messages, celui sur Sainte-Soline a particulièrement retenu l’attention. Deux ans après les affrontements ultra-violents entre manifestants écologistes et forces de l’ordre autour du projet de mégabassines, la blessure reste vive. Le slogan « ni oubli, ni pardon » montre que pour une partie de la mouvance radicale, le sujet est loin d’être clos.
À l’époque déjà, les images de gendarmes mobiles face à des manifestants avaient fait le tour du monde. Des blessés graves des deux côtés, des accusations de violences policières disproportionnées, et un débat qui n’a jamais vraiment trouvé d’issue apaisée. Voir resurgir ce nom en plein cœur de Lyon, sur un bâtiment public, pendant une fête populaire… le symbole est fort.
Une technique rodée : la guérilla par la lumière
Ce n’est pas la première fois que des activistes utilisent la projection lumineuse comme arme de communication massive. C’est discret à mettre en place, spectaculaire, et surtout très difficile à empêcher quand c’est bien préparé. Un vidéo-projecteur puissant, un emplacement en hauteur, quelques minutes d’exposition, et le message est vu par des dizaines de milliers de personnes avant que quiconque puisse réagir.
À Lyon, l’opération a visiblement été menée avec un certain professionnalisme. Les autorités, pour l’instant, n’ont toujours pas identifié les auteurs. Enquête en cours, évidemment. Mais on imagine mal une bande d’amateurs improviser ça sans repérage préalable.
La police, cible privilégiée depuis des années
Disons-le franchement : accuser la police de tous les maux est devenu un sport national pour une partie de la gauche radicale et de l’ultra-gauche. Depuis les Gilets jaunes, chaque manifestation un peu tendue relance le débat sur les prétendues violences policières. Les chiffres, eux, sont plus nuancés. Oui, il y a eu des bavures, des enquêtes, des condamnations parfois. Mais parler systématiquement de police qui tue, c’est un pas que beaucoup refusent de franchir.
D’un autre côté, ceux qui ont perdu un œil ou une main lors d’une charge ou d’un tir de LBD ne sont pas près d’oublier. Le ressentiment est profond. Et des actions comme celle de Lyon montrent que pour certains, la rue (ou les façades) reste le seul moyen d’expression quand ils estiment que les institutions sont sourdes.
Un maire écolo coincé entre deux feux
Ce qui est intéressant, c’est la position de Grégory Doucet. Un maire Europe Écologie qui condamne des messages que beaucoup dans son propre camp auraient pu trouver justifiés il y a encore quelques années. Faut dire que gérer une grande ville, c’est aussi gérer la sécurité de ses habitants. Et pendant la Fête des Lumières, des centaines de policiers et gendarmes sont mobilisés pour éviter les attentats, les vols, les agressions.
Difficile dans ces conditions de laisser passer des accusations aussi graves sans réagir. Même si, soyons honnêtes, certains y ont vu une forme de lâcheté politique. Comme si l’exercice du pouvoir rendait forcément plus modéré, voire plus responsable aux yeux de ceux qui n’ont pas à assumer la sécurité quotidienne d’une métropole.
Et maintenant ?
Les auteurs seront-ils retrouvés ? Probablement. Ce genre d’action laisse des traces : location de matériel, repérages, trajets. Les caméras de vidéosurveillance ont dû capter quelque chose. Mais même s’ils sont identifiés, que risque-t-on vraiment pour une projection sauvage ? Une amende ? Un rappel à la loi ? Le jeu en vaut largement la chandelle quand on veut faire passer un message à des centaines de milliers de personnes en une soirée.
Ce qui est sûr, c’est que cet épisode va alimenter les débats pendant longtemps. Entre ceux qui crient à la censure dès qu’on touche à la liberté d’expression, et ceux qui estiment qu’accuser les forces de l’ordre de tuer est une forme de diffamation caractérisée. Comme souvent en France, on risque de s’embourber dans une polémique sans fin.
Une chose est certaine : la Fête des Lumières 2025 entrera dans les annales. Pas seulement pour ses installations artistiques, mais pour ce moment où la lumière, censée unir les gens, a révélé à quel point on est divisés.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Fallait-il laisser passer ces messages au nom de la liberté d’expression ? Ou était-ce une attaque inacceptable contre ceux qui nous protègent ? La question mérite d’être posée. Sans manichéisme. Parce que la réalité, comme toujours, est bien plus nuancée que les slogans projetés sur une façade.
