Vous souvenez-vous de ce sentiment quand un champion qu’on croyait un peu usé retrouve soudain ses vingt ans ? Hier, à Östersund, j’ai eu la chair de poule devant mon écran.
Quentin Fillon Maillet, 33 ans, celui qu’on appelle encore QFM dans le milieu, vient de rappeler à tout le monde pourquoi il a été champion olympique et pourquoi il reste, même dans les moments compliqués, un monstre de ce sport.
Un retour gagnant qui fait du bien au biathlon français
Parti troisième du sprint la veille avec 14 petites secondes de retard sur la tête, beaucoup pensaient qu’il allait jouer le podium, pas forcément la victoire. Et pourtant. Dès les premiers hectomètres, on a senti autre chose. Une foulée plus légère, un visage plus détendu. Comme si le Jurassien avait enfin digéré les deux dernières saisons en dents de scie.
Le biathlon, c’est cruel : dix secondes de pénalité peuvent vous faire perdre une course, mais dix secondes d’avance ne suffisent parfois pas. Quentin le sait mieux que personne. Alors il a fait ce qu’il sait faire de mieux quand il est en confiance : il a tiré. Et tiré propre.
Le dernier tir, ce moment où tout bascule
Imaginez la scène. Dernier passage au stand. Trois hommes en moins de dix secondes : Sebastian Samuelsson chez lui en Suède, Johan-Olav Botn qui skie comme un junior norvégien en feu, et notre Français. 5 cibles. 5 balles. Le silence est total.
Samuelsson tremble un peu, rate la dernière. Botn fait faute aussi. Quentin, lui, reste d’un calme olympien. Clic, clic, clic, clic, clic. Cinq noirs. Le pas de tir explose, les commentateurs hurlent, et moi je saute du canapé. En quelques secondes, il passe de chasseur à chassé.
« Quand le dernier debout est propre, tu sais que c’est ton jour. »
– Un ancien biathlète français, les larmes aux yeux à la sortie du stade
Il sort avec sept secondes d’avance sur Samuelsson et fonce vers la ligne comme si les 12,5 km n’avaient été qu’une mise en bouche. Sept secondes, c’est peu, mais quand on skie aussi vite et qu’on a le mental d’un roc, ça suffit largement.
18/20 : des chiffres qui parlent plus que mille mots
Revenons un instant sur la performance brute. 18/20 au tir, c’est tout simplement élite mondiale. Surtout sur une poursuite où chaque faute coûte 150 mètres et où la pression monte à chaque passage.
- Premier couché : 5/5 en un temps éclair
- Premier debout : 5/5, déjà là il prend les commandes
- Deuxième couché : une petite faute, la seule « tolérée »
- Dernier debout : 5/5, parfait, décisif
Sur le ski, il n’a pas été le plus rapide (Botn et Samuelsson ont tourné plus fort), mais il a été constant. Et en biathlon, la constance paye plus que les éclats brutaux quand le tir suit.
Cette victoire, c’est la 18e de sa carrière en individuel. Sa première depuis janvier 2024 à Oberhof. Presque deux ans sans lever les bras. Pour un athlète qui a tout gagné en 2022 (cinq médailles olympiques dont deux en or), c’était long. Très long.
Pourquoi cette victoire arrive au meilleur moment
Les Jeux olympiques de Milan-Cortina, c’est dans deux mois à peine. Février 2026. Et le biathlon français avait besoin d’un signal fort. Julia Simon suspendue, Émilien Jacquelin en quête de régularité, Fabien Claude parfois trop irrégulier… Il manquait un leader indiscutable.
Quentin Fillon Maillet vient de remettre les pendules à l’heure. À 33 ans, il n’est pas fini. Loin de là. Il a retrouvé son tir debout (son point faible ces derniers temps), il a retrouvé le plaisir, et surtout il a retrouvé cette capacité à gérer la pression quand ça compte vraiment.
D’ailleurs, petite confidence : après sa troisième place au sprint samedi, il avait ce sourire qu’on ne lui avait plus vu depuis longtemps. Pas le sourire poli du mec qui fait bonne figure. Non, le vrai sourire du gamin qui vient de retrouver son jouet préféré.
Et maintenant ? Vers un gros globe de cristal ?
La question est sur toutes les lèvres. Est-ce le début d’une série ? Difficile à dire. Les Norvégiens restent impressionnants, les Suédois sont chez eux jusqu’à Noël, et les Allemands ne sont jamais loin. Mais une chose est sûre : quand Quentin est dans cet état-là, il peut battre n’importe qui.
Le calendrier de décembre est dense : encore Östersund la semaine prochaine, puis Hochfilzen, Annecy-Le Grand Bornand avant Noël. Des pistes qu’il adore. S’il enchaîne un ou deux podiums de plus, le maillot jaune pourrait vite changer d’épaules.
Et puis il y a cette statistique qui donne le vertige : sur les dix dernières saisons, celui qui gagne la première poursuite de l’hiver a souvent terminé dans le top 3 du général. Coïncidence ? Peut-être. Mais j’aime y voir un signe.
Le biathlon français respire à nouveau
Derrière Quentin, les signaux sont plutôt verts. Lou Jeanmonnot impressionne, le relais mixte a gagné la veille, les garçons ont pris l’argent sur le relais. Il y a de la vie dans cette équipe de France version 2025-2026.
On sent que quelque chose se reconstruit. Moins de tensions, plus de plaisir, et surtout une génération dorée (Jacquelin, Fillon Maillet, Claude, Perrot) qui refuse de passer le relais tout de suite aux jeunes loups norvégiens.
Östersund, avec son vent traître et son froid mordant, a toujours été une piste vérité. Hier, elle a rendu son verdict : Quentin Fillon Maillet est bel et bien de retour. Et quand QFM est de retour, le biathlon mondial tremble un peu.
Alors oui, c’est « que » la première étape. Oui, il reste énormément de courses. Mais parfois, une victoire suffit à tout changer. À redonner confiance à un athlète, à une équipe, à tout un pays qui suit le biathlon comme une religion en hiver.
Hier soir, quelque part dans le Jura, un gamin a dû regarder la télé et se dire : « Moi aussi, un jour, je veux faire ça. » C’est peut-être ça, la plus belle victoire de Quentin Fillon Maillet ce dimanche.
Et nous, on a déjà hâte d’être à la prochaine course.
PS : Si vous avez raté la course, cherchez les images du dernier tir. Frissons garantis. Le biathlon, quand c’est comme ça, c’est tout simplement le plus beau sport du monde.
