Vous êtes-vous déjà retrouvé devant un monument tellement beau qu’il vous coupe le souffle, et en même temps tellement fragile que vous avez eu peur qu’un jour il ne soit plus là ? Moi, oui. L’hiver dernier, en redescendant des Pyrénées, je me suis arrêté à Saint-Bertrand-de-Comminges. La cathédrale dominait le village comme une vieille reine fatiguée mais toujours digne. Et là, en levant les yeux, j’ai vu les traces d’humidité, les pierres érodées… J’ai senti un pincement au cœur. Aujourd’hui, ce joyau roman-gothique a besoin de nous. Tous.
Un village de 260 âmes face à un chantier colossal
Imaginez : 260 habitants, un budget annuel d’à peine 300 000 euros, dont 120 000 pour les investissements. Et en face, une facture de 1,6 million d’euros pour sauver la cathédrale Sainte-Marie. C’est David contre Goliath, version patrimoine pyrénéen.
La maire, Marie-Claire Uchan, ne mâche pas ses mots : « On ne peut pas subir. » Et franchement, comment lui donner tort ? Quand on sait que ce bâtiment, commencé à la fin du XIe siècle, fait partie des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, on se dit que c’est un peu le devoir de toute une nation – voire plus – de le protéger.
Ce qui cloche vraiment (et c’est grave)
Entre 2017 et 2019, une étude sanitaire complète a été réalisée. Le diagnostic est tombé, implacable. Voici les urgences absolues :
- Le tympan du portail est attaqué par des champignons qui rongent la pierre de l’intérieur.
- Les terrasses laissent passer l’eau : infiltrations partout, moisissures, dégradations accélérées.
- Une poutre maîtresse du clocher est complètement pourrie – oui, celle qui tient une partie de la structure.
- Des ardoises manquent ou sont cassées, aggravant les fuites.
- Le réseau électrique et le paratonnerre ne sont plus aux normes – risque incendie inclus.
- Bonus non négligeable : certaines gargouilles et contreforts menacent de tomber.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le réchauffement climatique accélère tout. Pluies plus violentes, gel-dégel plus fréquent… la pierre souffre doublement.
« Le réchauffement climatique accélère la détérioration. On le voit partout, mais ici c’est particulièrement visible. »
Une phrase qui résonne quand on connaît le site
Pourquoi l’État ne paie pas tout ?
C’est la question que tout le monde se pose. La cathédrale est classée Monument historique, inscrite à l’Unesco… pourtant, elle n’appartient pas à l’État. Elle est propriété communale. Résultat : la règle des 80 % de subventions maximum s’applique. Pour les 20 % restants, c’est à la commune de se débrouiller.
Avec 120 000 euros d’investissement par an, vous imaginez le temps qu’il faudrait pour boucler 320 000 euros de reste à charge ? Des décennies. Inenvisageable.
Du coup, la maire négocie dur avec la sous-préfecture, la Région, la communauté de communes et même l’Europe pour tenter d’atteindre les 100 % de subventions. En parallèle, elle a déposé un dossier à la Mission Bern (vous savez, le loto du patrimoine). Croisons les doigts.
La solution : une cagnotte géante ouverte cinq ans
C’est là que ça devient intéressant. Plutôt que d’attendre des miracles administratifs, le village a décidé de prendre les choses en main. Partenariat avec la Fondation du Patrimoine, cagnotte en ligne, déduction fiscale de 66 % pour les particuliers (75 % pour l’impôt sur la fortune immobilière), et même piste sérieuse avec des entreprises mécènes.
L’objectif ? 230 000 euros. Pas un centime de moins. Avec cette somme + un emprunt + les subventions espérées à 100 %, les premiers travaux d’urgence pourraient démarrer dès l’année prochaine.
Et parce que tout le monde n’a pas 500 euros à donner, chaque euro compte. 10 euros, 50 euros, 100 euros… multipliés par des milliers de personnes sensibles au patrimoine, ça fait une vraie différence.
Un peu d’histoire pour comprendre l’enjeu
On ne sauve pas n’importe quel bâtiment. La cathédrale Sainte-Marie, c’est :
- Un mélange rare d’architecture romane (nef) et gothique (choeur).
- Le tombeau de Saint Bertrand, évêque au XIIe siècle.
- Un cloître magnifique avec vue sur les Pyrénées à couper le souffle.
- Des stalles renaissance exceptionnelles, un orgue historique, des fresques…
- Un des plus beaux ensembles de France, tout simplement.
Chaque année, des dizaines de milliers de pèlerins, de touristes, d’amoureux du patrimoine gravissent la côte pour la voir. Si elle ferme pour travaux dix ans, ou pire, si une partie s’effondre… ce serait une perte immense.
Et nous, on peut faire quoi concrètement ?
D’abord, donner. Évidemment. Même 20 euros, ça aide. Et avec la déduction fiscale, ça ne vous coûte que 6,80 euros en réalité.
Ensuite, en parler. Partager l’info sur les réseaux, raconter à vos amis que ce petit village se bat pour son trésor. Plus la cagnotte sera visible, plus elle montera vite.
Si vous êtes une entreprise, contacter la Fondation du Patrimoine. Le mécénat ouvre droit à des réductions d’impôts intéressantes, et votre nom sera associé à un projet magnifique.
« On espère que des entreprises viendront visiter le site. Quand elles verront la beauté du lieu, elles comprendront l’urgence. »
Franchement, j’ai rarement vu un projet aussi fédérateur. Un village entier qui se mobilise, une maire qui se bat comme une lionne, une cagnotte qui dure cinq ans pour être sûr de récolter assez… Il y a quelque chose de profondément humain là-dedans.
Et puis soyons honnêtes : combien de fois donne-t-on pour sauver quelque chose d’aussi beau ? Pas tous les jours.
Alors oui, 1,6 million, c’est énorme. Mais divisé par le nombre de personnes qui aiment le patrimoine, ça devient presque dérisoire.
Si chaque lecteur de cet article donne ne serait-ce que 10 euros… on explose l’objectif en quelques semaines.
Allez, on se lance ? La vieille cathédrale nous regarde. Elle a tenu neuf siècles. À nous de faire en sorte qu’elle en tienne neuf de plus.
(Article mis à jour le 8 décembre 2025 – la cagnotte est d’ores et déjà ouverte auprès de la Fondation du Patrimoine)
