Vous est-il déjà arrivé de tomber sur une information qui change complètement votre vision d’un conflit qu’on croyait figé ? Hier soir, en scrollant distraitement les dépêches tardives, j’ai eu ce genre de choc. Des discussions ultra-secrètes viennent d’avoir lieu à New York entre Israël, le Qatar et les États-Unis. Et pas n’importe qui : le chef du Mossad d’un côté, l’émissaire personnel de Donald Trump de l’autre, et des représentants qataris au milieu. Tout ça dans la plus grande discrétion, trois mois à peine après qu’Israël ait frappé Doha. Franchement, on se croirait dans un film d’espionnage… mais non, c’est décembre 2025 et la réalité dépasse une fois de plus la fiction.
Un tête-à-tête improbable qui change la donne au Proche-Orient
Ce qui frappe d’abord, c’est le lieu. New York, pas Doha, pas Tel Aviv, pas Washington. Une ville neutre, anonyme, où l’on peut disparaître dans la foule ou dans une suite du Waldorf Astoria sans que personne ne pose de questions. L’hôte ? Steve Witkoff, cet homme d’affaires immobilier devenu l’émissaire spécial de Trump pour le Moyen-Orient et l’Ukraine. Un choix qui en dit long sur le style de la future administration : on envoie un négociateur privé, pas un diplomate de carrière.
En face de lui, David Barnea, patron du Mossad, donc le renseignement extérieur israélien. Autant dire le niveau le plus élevé possible côté Israël depuis très longtemps dans une salle avec des Qataris. Parce que, rappelons-le, les deux pays n’entretiennent toujours pas de relations diplomatiques officielles. Et pourtant, ils discutent. Mieux : ils discutent sous l’égide américaine, dans le cadre d’un mécanisme créé fin septembre après la crise de la frappe sur Doha.
Pourquoi maintenant ? Le timing ne doit rien au hasard
Revenons trois mois en arrière. Une frappe israélienne vise une réunion de cadres du Hamas… en plein cœur de la capitale qatarie. Six morts. Embarras total. Trump, encore président-élu à l’époque, se dit « très mécontent ». Netanyahu présente des excuses. Et là, surprise : au lieu d’une rupture, on crée un « groupe de coordination tripartite » pour éviter que ça se reproduise et, surtout, pour maintenir le dialogue.
La rencontre de New York serait donc la première vraie mise en application de ce mécanisme. Mais elle arrive à un moment particulièrement sensible : la trêve à Gaza tient (pour l’instant), mais tout le monde sait qu’elle reste extrêmement fragile. Le Qatar et l’Égypte viennent de publier un communiqué commun exigeant le retrait total des troupes israéliennes et le déploiement rapide d’une force internationale de stabilisation. Le ton monte.
« Nous sommes à un moment critique. Un cessez-le-feu ne peut être complet qu’avec le retrait total des forces israéliennes et le retour de la stabilité à Gaza. »
– Le Premier ministre qatari, début décembre 2025
Cette phrase, lourde de sens, résonne probablement encore dans les oreilles des participants à New York. Car derrière les sourires de façade, chacun sait que le moindre faux pas peut tout faire tout sauter.
Le Qatar, cet étrange médiateur devenu incontournable
On a beau retourner le problème dans tous les sens, on retombe toujours sur Doha. Depuis octobre 2023, le petit émirat gazier s’est imposé comme le canal quasi exclusif des négociations indirectes entre Israël et le Hamas. Pourquoi ? Parce qu’il héberge les bureaux politiques du mouvement palestinien, parce qu’il a les finance (officiellement pour les salaires des fonctionnaires de Gaza), et parce qu’il a les moyens de faire pression – ou de lâcher du lest – quand il le faut.
Mais là où ça devient fascinant, c’est que le grand écart permanent : le Qatar est à la fois l’allié stratégique des États-Unis (base d’Al-Udeid, la plus grande base américaine du Golfe), un partenaire économique majeur d’Israël (il paye une partie de l’électricité de Gaza), et le protecteur officiel du Hamas. Essayez de faire plus schizophrène comme position géopolitique.
- Il négocie la libération des otages avec Israël
- Il finance la reconstruction de Gaza (souvent avec l’accord tacite israélien)
- Il maintient un dialogue constant avec Téhéran
- Et il accueille les Talibans à Doha depuis des années
Franchement, peu de pays au monde arrivent à jouer sur autant de tableaux à la fois sans se brûler les ailes. Le Qatar, si.
Et Trump dans tout ça ? Le retour du « deal-maker »
L’arrivée de Steve Witkoff n’est pas anodine. L’homme est un pur produit trumpien : promoteur immobilier, ami de longue date, zéro expérience diplomatique officielle, mais une réputation de négociateur redoutable. Exactement le profil que Trump adore envoyer quand il veut contourner les circuits traditionnels du Département d’État.
Et ça marche plutôt bien jusqu’ici : c’est déjà lui qui a facilité les discussions sur l’Ukraine avec la Turquie et le Qatar en parallèle. Voir le même homme gérer à la fois Kiev et Gaza montre à quel point l’équipe Trump veut imposer une vision globale, presque entrepreneuriale, des conflits. On négocie tout en même temps, on met tout le monde autour de la table, et on sort un « deal ».
L’aspect le plus intéressant ? Ces discussions se tiennent alors que Trump n’est même pas encore investi. Autrement dit, l’administration Biden laisse faire – ou n’a tout simplement pas les moyens de s’y opposer. C’est un signe fort du retour en force de la diplomatie parallèle trumpienne.
Qu’a-t-on vraiment discuté dans cette suite new-yorkaise ?
Officiellement ? Rien n’a filtré. Mais on peut faire des hypothèses solides.
- La consolidation de la trêve : comment éviter les incidents frontaliers qui pourraient tout faire basculer ?
- Le retrait israélien progressif ou total ? Le Qatar pousse fort sur ce point.
- Le déploiement d’une force internationale : qui ? quand ? sous quel mandat ?
- La question des otages restants et des prisonniers palestiniens
- Et surtout : quel avenir politique pour Gaza une fois la poussière retombée ?
Car c’est là que tout se joue. Le Hamas a récemment déclaré être prêt à rendre les armes à une autorité palestinienne légitime… à condition que « l’occupation cesse ». Une phrase qui peut tout dire et son contraire. Israël, de son côté, parle d’une « ligne jaune » qui deviendrait la nouvelle frontière. Autant dire que les cartes sont loin d’être distribuées.
Une force internationale : solution miracle ou chimère ?
Le Qatar et l’Égypte insistent lourdement sur ce point : il faut une force de stabilisation internationale rapide. Mais qui accepterait de mettre des soldats entre des ruines où chaque immeuble peut cacher un tunnel ou un sniper ? L’ONU ? Peu probable après l’expérience de la FINUL au Liban. Des pays arabes ? L’Arabie saoudite a déjà dit non merci. Des Européens ? On voit mal la France ou l’Allemagne s’engager seules.
Reste la Turquie, qui se positionne de plus en plus comme le grand frère musulman prêt à intervenir. Mais laisser Ankara gérer la sécurité de Gaza, pour Israël, c’est un peu comme confier les clés de la maison au voisin avec qui on est fâché depuis vingt ans.
Et nous, simples observateurs, que retenir de tout cela ?
Personnellement, ce qui me frappe le plus, c’est la vitesse à laquelle les lignes bougent quand les vrais décideurs se parlent directement. Pendant des mois, on nous a vendu l’idée que plus rien n’était possible, que tout était bloqué. Et voilà qu’en quelques semaines, on passe d’une frappe sur Doha à une réunion tripartite au sommet à Manhattan.
Ça ne veut pas dire que la paix est pour demain – loin de là. Mais ça montre que quand la volonté politique existe (ou quand la pression est trop forte), les canaux les plus improbables peuvent s’ouvrir. Le Qatar, décrié par les uns, indispensable pour les autres, continue son grand numéro d’équilibriste. Trump, même pas encore en poste, reprend déjà la main. Et Israël, malgré tout, accepte de s’asseoir à la même table que ceux qui hébergent ses pires ennemis.
Dans ce grand théâtre géopolitique, une chose est sûre : les prochaines semaines vont être décisives. La réunion de New York n’était probablement qu’un début. Et quelque part, c’est à la fois inquiétant et étrangement rassurant de voir que même dans le chaos, des gens continuent de parler. Parce que tant qu’on parle, il reste une chance – minuscule, fragile, mais réelle – que demain soit un peu moins pire qu’hier.
À suivre, évidemment. De très près.
