Vous vous souvenez de l’époque où Monaco faisait trembler l’Europe avec Mbappé, Falcao ou James Rodríguez ? Moi oui. Et pourtant, ce dimanche soir, j’ai eu un pincement au cœur en lisant le communiqué des Ultras Monaco 1994. Pas parce qu’ils ont raison sur tout, mais parce qu’on sent que quelque chose s’est cassé. Le club ne rêve plus, il calcule. Et quand le calcul ne donne plus les résultats escomptés, ça fait mal.
Le ras-le-bol est officiel
Pour la première fois depuis très longtemps, le principal groupe de supporters monégasques a sorti l’artillerie lourde. Un communiqué cinglant, publié dimanche soir, qui demande un changement radical à la tête de la direction sportive et qui pointe directement Thiago Scuro, le directeur général arrivé en 2023.
Le reproche principal ? Le modèle économique du club, basé presque exclusivement sur le trading de joueurs, serait passé avant l’aspect purement sportif. En clair : on achète bas (ou gratuit), on revend cher, mais sur le terrain, ça ne gagne plus. Et là, ça coince sévère.
« Un modèle basé sur la finance au lieu du sportif »
Extrait du communiqué des Ultras Monaco 1994
Quand tes propres supporters te le disent noir sur blanc, c’est que la fracture est profonde.
Un classement qui fait mal aux yeux
Allons droit au but : au 8 décembre 2025, Monaco pointe à la 7e place de Ligue 1. Six points derrière le podium, onze derrière Lens qui caracole en tête pendant que Paris, pourtant favori absolu, connaît aussi des ratés. Sur le papier, c’était l’année ou jamais pour revenir dans le top 3. Raté.
Et le pire, c’est que le club n’arrive plus à enchaîner. Changement d’entraîneur en octobre (Pocognoli à la place d’Hütter), effectif bouleversé l’été dernier avec plus de 100 M€ de ventes… rien n’y fait. Le sentiment d’une équipe sans âme flotte au-dessus du Rocher comme un mauvais parfum.
Thiago Scuro, l’homme qui cristallise tout
Recruté à l’été 2023 d’abord comme directeur du football, puis promu directeur général quelques mois plus tard après le départ de Paul Mitchell, le Brésilien de 44 ans était vu comme le cerveau parfait pour poursuivre le modèle qui a fait la fortune de l’ASM ces dernières années.
À Bragantino, il avait fait des miracles en matière de plus-values. Certains études le classaient même deuxième club mondial en trading derrière… Benfica. Sur le CV, c’était du lourd. À Monaco, on se disait qu’on avait trouvé la perle rare.
Sauf que deux ans et demi plus tard, le bilan sportif est maigre. Très maigre. Et comme Dimitri Rybolovlev ne parle quasiment jamais, Scuro est devenu le visage public du club. Forcément, toutes les critiques lui tombent dessus.
« Je ne me soucie pas des critiques extérieures, même si je les respecte. Je focalise mon énergie sur le fait de trouver des solutions à nos problématiques. »
Thiago Scuro, après la victoire contre le PSG fin novembre
Le problème, c’est que les solutions peinent à arriver.
Un mercato low-cost qui interroge
Cet été, Monaco a dû vendre massif pour passer devant la DNCG sans encombre. Plus de 100 M€ de ventes, c’est énorme. Mais du côté des arrivées ? On a misé sur des joueurs libres ou presque : Paul Pogba, Ansu Fati, Eric Dier… Des noms ronflants, mais des corps fragiles ou en perte de vitesse.
En cash, le club n’a dépensé que 12,5 M€. Dix millions pour Stanis Idumbo (Séville) et 2,5 M€ pour le gardien Hradecky. C’est tout. À titre de comparaison, les deux années précédentes, on dépassait les 80 M€ d’investissement chaque été.
- Recrues payantes : 12,5 M€
- Joueurs libres ou en fin de contrat : la majorité de l’effectif renforcé
- Résultat sportif : 7e place et un jeu souvent poussif
Le trading, oui, mais à quel prix ?
L’absence de caractère, le vrai cancer ?
Ce qui revient le plus dans la bouche des supporters, et même dans certains commentaires de vestiaire qu’on entend ici ou là, c’est le manque de leaders, de caractère, de grinta. L’équipe est techniquement propre, parfois jolie à regarder, mais dès qu’il faut se battre dans les moments chauds, ça craque.
Et là, on touche un point sensible : quand tu construis une équipe presque exclusivement autour de joueurs en fin de contrat ou en prêt, est-ce que tu arrives vraiment à créer une identité ? J’ai un gros doute.
Regardez les grandes périodes monégasques : 2016-2017, il y avait Bernardo Silva, Fabinho, Lemar, Mbappé… mais aussi des guerriers comme Glik ou Subasic. Aujourd’hui, qui porte vraiment le brassard de leader sur le terrain ? La question mérite d’être posée.
Scuro peut-il survivre à cette tempête ?
Le Brésilien le dit lui-même : en 23 ans de carrière, il n’a jamais été viré. Et il répète qu’il restera tant que le président Rybolovlev lui fera confiance. Pour l’instant, le milliardaire russe reste silencieux. C’est à méditer.
Mais quand tes propres supporters demandent ton départ dans un communiqué officiel, c’est rarement bon signe. Surtout à Monaco, où l’ambiance est d’habitude si feutrée qu’on entendrait une mouche voler dans les travées du Louis-II.
Scuro a été approché récemment par Arsenal et la Juventus. Deux clubs qui cherchaient un profil comme le sien. Ironie du sort, aujourd’hui, c’est lui qui joue sa tête sur le Rocher.
Et maintenant ?
Janvier arrive. Le mercato d’hiver va être scruté à la loupe. Le club n’a quasiment pas de marge financière (on parlait de 3 à 5 M€ maximum en novembre pour un joker défensif). Difficile dans ces conditions de recruter la sentinelle ou le leader qui manque cruellement.
Autre gros dossier : les blessures. Monaco n’a presque jamais eu son effectif au complet cette saison. Gestion physique, préparation, staff médical… tout est pointé du doigt en coulisses.
Alors oui, le modèle trading a permis au club de survivre à la chute des droits TV et de rester parmi les clubs les plus rentables d’Europe. Mais à force de tout miser sur Excel, on finit par oublier que le football, c’est aussi du cœur, de la sueur et des tripes.
Les Ultras ont allumé la mèche. Reste à savoir si la direction va éteindre l’incendie… ou laisser brûler le Rocher.
Personnellement, je pense que Monaco est à un tournant. Soit le club accepte de réinjecter un peu plus d’argent et d’ambition sportive, soit il continue sur cette voie et risque de devenir un simple supermarché à talents. Et là, même les plus belles plus-values du monde ne consoleront personne.
Le football, c’est aussi une histoire d’émotions. Et en ce moment, sur le Rocher, il n’y en a plus beaucoup dans les tribunes.
