Imaginez la scène : un président en guerre qui traverse l’Europe comme un sprinteur de fond, enchaîne les capitales en quelques heures, serre des mains, pose pour les photographes et repart avec, espère-t-il, un peu plus de munitions politiques dans sa besace. C’est exactement ce que fait Volodymyr Zelensky en ce début décembre 2025. Et franchement, on sent que l’homme n’a plus une minute à perdre.
Car derrière les sourires de circonstance et les communiqués lisses, il y a une réalité brutale : la pression américaine n’a jamais été aussi forte. Et quand Washington dit « bougez-vous », l’Europe écoute… ou fait sembler.
Un marathon diplomatique sous très haute tension
Ce lundi 8 décembre, la journée de Zelensky ressemble à un épisode de série politique à suspense. Londres d’abord, Bruxelles ensuite. À Londres, il retrouve Emmanuel Macron, Keir Starmer et le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz. Quatre leaders autour d’une table, ça commence à faire beaucoup de testostérone géopolitique dans une seule pièce.
Puis direction la Belgique pour voir Mark Rutte, le patron de l’OTAN, António Costa au Conseil européen et Ursula von der Leyen à la Commission. En clair : tout le gratin européen en quarante-huit heures. Quand on sait que le même Zelensky sort à peine d’un appel avec les émissaires de Trump en Floride, on comprend mieux l’urgence.
Le fantôme de Trump plane sur chaque réunion
Il faut le dire sans détour : l’ombre du président américain est partout. Depuis son retour à la Maison-Blanche, il alterne le chaud et le froid avec une maestria qui déstabilise tout le monde. Un jour il parle de « deal historique », le lendemain il reproche publiquement à Zelensky de ne même pas avoir lu sa proposition de paix. Charmant.
« Je suis un peu déçu que le président Zelensky n’ait pas encore lu la proposition »
– Donald Trump, dimanche soir, devant les caméras
Ce genre de phrase, lâchée comme ça, c’est du Trump pur jus. Ça met Kiev sur la défensive et ça force l’Europe à se positionner très vite. Parce que derrière la petite phrase, il y a une réalité bien plus lourde : les États-Unis veulent une sortie de crise rapide. Et rapide, dans le langage trumpien, ça veut souvent dire « à n’importe quel prix » – ou presque.
Le nœud gordien : le Donbass et les concessions territoriales
On va être clair : la question qui bloque tout, c’est le territoire. Moscou contrôle aujourd’hui plus de 80 % du Donbass et veut le reste. Point final. Kiev, évidemment, refuse de céder un centimètre carré de ce qu’elle considère comme son sol national. Et entre les deux, il y a… personne qui accepte de trancher vraiment.
Un diplomate européen, qui suit les négociations de très près, me confiait récemment que « les concessions territoriales restent le point le plus problématique ». Traduisez : personne n’a envie d’être celui qui dira à l’Ukraine « acceptez de perdre 20 % de votre pays pour avoir la paix ». Surtout pas quand on sait ce que ça coûterait politiquement à Kiev.
- La Russie veut l’intégralité des quatre régions qu’elle a annexées (même celles qu’elle ne contrôle pas entièrement)
- Kiev parle de retour aux frontières de 1991, point barre
- Les États-Unis semblent prêts à pousser l’Ukraine à lâcher du lest pour « arrêter les frais »
- L’Europe, elle, oscille entre principes et réalisme
Et c’est précisément là que la tournée de Zelensky prend tout son sens. Il ne vient pas juste prendre le thé avec ses homologues. Il vient chercher une assurance : « Si on doit négocier sous pression américaine, est-ce que vous, les Européens, vous tiendrez bon avec nous ? »
Keir Starmer joue les hôtes presque neutres
Le Premier ministre britannique, lui, marche sur des œufs. Il reçoit tout le monde, sourit, mais refuse catégoriquement de « mettre la pression » sur Zelensky. Sa ligne est claire : « L’important, c’est une paix juste et durable ». Traduction : pas question de forcer Kiev à signer n’importe quoi juste pour faire plaisir à Washington.
En même temps, on sent que Londres veut garder un pied dans les deux camps. D’un côté le lien historique avec les États-Unis, de l’autre une forme de leadership européen post-Brexit. Résultat : Starmer reçoit Zelensky, Macron et Merz, mais envoie sa ministre des Affaires étrangères à Washington le même week-end. Message subliminal : on parle à tout le monde.
Macron, Merz et l’axe franco-allemand new look
Côté français et allemand, c’est intéressant aussi. Emmanuel Macron continue de jouer les premiers de la classe en matière de soutien à l’Ukraine – rappelez-vous ses déclarations sur l’envoi éventuel de troupes. Friedrich Merz, lui, arrive avec une approche plus pragmatique, presque réaliste à l’allemande. Leur présence côte à côte à Londres envoie un signal : Paris et Berlin essaient de parler d’une même voix, même si on sait que ça coince parfois dans les détails.
D’ailleurs, j’ai trouvé l’image assez forte : Macron, Starmer, Merz et Zelensky. Quatre hommes, quatre pays, quatre visions parfois différentes, mais tous conscients qu’ils doivent afficher l’unité face à la tempête qui vient de l’Atlantique.
Bruxelles : l’OTAN et l’UE dans le même panier
Après Londres, cap sur Bruxelles. Et là, c’est presque comique tant les agendas se télescopent. Mark Rutte, qui dirige l’OTAN depuis peu, reçoit Zelensky en même temps qu’António Costa et Ursula von der Leyen. En gros, toute la machinerie européenne en une seule après-midi.
Ce qui est fascinant, c’est que l’OTAN et l’UE ne parlent pas toujours la même langue. L’une est une alliance militaire, l’autre un projet politique et économique. Mais aujourd’hui, face à la perspective d’un désengagement américain, elles n’ont pas le choix : il faut coordonner. Et vite.
Et l’Ukraine dans tout ça ?
On parle beaucoup des grands, des Américains, des Européens. Mais au milieu, il y a un pays qui se bat depuis presque quatre ans. Un pays épuisé, certes, mais qui refuse toujours de capituler. Et Zelensky, qu’on le veuille ou non, reste l’incarnation de cette résistance.
Quand il débarque à Londres ou Bruxelles, il ne vient pas mendier. Il vient rappeler une chose simple : « Sans nous, vous n’auriez jamais eu à gérer ce conflit sur votre continent ». C’est brutal, mais c’est la vérité. Et ça pèse dans les discussions, même si personne ne le dit aussi crûment.
Vers quelle issue possible ?
Alors, que peut-il sortir de tout ça ? Trois scénarios se dessinent, à mon sens :
- Un front européen renforcé qui tient tête à Washington et gagne du temps pour l’Ukraine
- Un compromis à l’européenne : plus d’armes, plus d’argent, mais aussi plus de pression pour négocier
- Le pire : l’Europe se divise et chaque pays commence à négocier dans son coin avec les Américains et les Russes
Franchement, j’oscille entre le premier et le deuxième. L’Europe a déjà surpris par le passé quand elle s’est sentie dos au mur. Mais elle a aussi une longue tradition de divisions au pire moment. Tout va se jouer dans les prochaines semaines.
Ce qui est sûr, c’est que cette journée du 8 décembre 2025 restera comme un tournant. Soit l’Europe se réveille enfin et prend ses responsabilités, soit elle laisse les États-Unis et la Russie dicter le rythme. Et dans ce cas, l’Ukraine paiera l’addition. Encore une fois.
À suivre, donc. De très près.
(Article mis à jour le 8 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
