Quand j’ai vu le tweet tomber hier en début d’après-midi, j’avoue que j’ai souri. Pas parce que c’était une surprise totale – on sentait depuis des mois que ça venait – mais parce que, franchement, elle l’a fait sans tambour ni trompette. Marine Tondelier, 38 ans, secrétaire nationale des Écologistes, vient de remporter la primaire interne et s’est immédiatement déclarée candidate à l’élection présidentielle de 2027. Et quelque chose me dit que cette fois, l’écologie politique ne va plus se contenter des seconds rôles.
Il y a des moments où l’on sent que le vent tourne. Hier, c’était l’un de ces moments.
Une victoire nette qui en dit long sur l’état d’esprit des militants
Les chiffres ne sont pas encore officiels à 100 %, mais tout indique un score très confortable. On parle de plus de 70 % des voix chez les adhérents. Pour une primaire qui, il y a encore deux ans, faisait parfois peine à voir avec ses 15 000 votants, c’est un raz-de-marée. Les militants ont clairement voulu envoyer un message : ils en ont assez des candidatures tièdes et des alliances de dernière minute qui finissent en eau de boudin.
Et ce message, Marine Tondelier l’a parfaitement compris.
« Un immense merci aux militant·es pour leur confiance renouvelée. La campagne commence dès cet après-midi auprès des victimes du projet de loi de finances. TENEZ BON, NOUS ARRIVONS »
– Son tout premier message après l’annonce
Cette phrase, en majuscules à la fin, c’est tout elle. Directe, combative, déjà dans l’action. Pas de grandes déclarations lyriques sur l’avenir radieux de la planète. Non, elle parle budget, austérité, injustices sociales. Parce que pour elle, l’écologie sans justice sociale, c’est du vent.
Qui est vraiment Marine Tondelier ? (Au-delà des fiches Wikipedia)
Beaucoup la découvrent aujourd’hui. D’autres la suivent depuis plus de dix ans. Moi, je l’ai croisée pour la première fois en 2014, lors des municipales à Hénin-Beaumont. Elle avait 27 ans, affrontait déjà le Front national sur ses terres, et refusait catégoriquement toute alliance avec la droite locale. Elle a perdu, mais de justesse. Et surtout, elle a marqué les esprits.
Depuis, elle n’a jamais lâché. Élue régionale, puis secrétaire nationale en 2022 après le fiasco de la présidentielle (1,7 % pour Jadot, on s’en souvient tous), elle a reconstruit le parti presque à mains nues. Et avec une méthode qui détonne : elle parle aux gens. Vraiment. Dans les marchés, dans les usines en fermeture, dans les cités oubliées.
- Elle est née en 1986 dans le Pas-de-Calais, milieu modeste
- Ancienne attachée parlementaire d’Europe Écologie
- A fait basculer Hénin-Beaumont à gauche en 2020 (comme conseillère d’opposition très active)
- Féministe assumée, elle parle autant de PMA que de pouvoir d’achat
- Refuse le terme « écolo-bobo » et préfère celui de « terrienne »
Ce qui frappe, c’est sa capacité à parler à plusieurs publics en même temps. Aux classes populaires en colère, elle parle fin du mois. Aux jeunes urbains, elle parle fin du monde. Et elle arrive à faire tenir les deux bouts de la corde sans que ça casse.
Pourquoi 2027 pourrait être SON élection
Regardons les choses en face : la gauche part en miettes. Le PS est moribond, LFI divise même ses propres troupes, les communistes cherchent encore leur second souffle. Et au milieu de tout ça, les Écologistes ont une carte à jouer. Pas la carte du témoignage, non. Celle du rassemblement possible.
Marine Tondelier l’a dit plusieurs fois : elle ne fera pas « la candidature de l’entre-deux tours ». Traduction : elle veut être là dès le premier, avec un score à deux chiffres. Et franchement, quand on voit les sondages actuels – autour de 8-10 % pour une hypothétique candidature écologiste forte – ce n’est plus totalement délirant.
Quelques éléments concrets qui jouent en sa faveur :
- Le NFP a montré en 2024 que la gauche unie peut gagner des législatives
- La crise climatique devient chaque année plus palpable (canicules, inondations, feux)
- Les moins de 35 ans votent de plus en plus vert dans les grandes villes
- Elle n’a pas l’image « parisiano-centrée » de certains prédécesseurs
- Son style direct passe bien à la télé et sur les réseaux (elle cartonne sur TikTok sans faire de danse)
Les premiers obstacles (et ils sont gros)
Évidemment, tout n’est pas rose. Loin de là.
Premier écueil : l’unité de la gauche. On a vu ce que ça a donné en 2022. Chacun veut sa part du gâteau, et souvent, il n’y en a plus pour les autres. Marine Tondelier répète qu’elle est prête à discuter avec tout le monde… mais uniquement sur un projet clair et radical. Autant dire que les discussions s’annoncent tendues avec certains Insoumis ou socialistes historiques.
Deuxième difficulté : le financement. Une campagne présidentielle, ça coûte cher. Très cher. Et les Écologistes n’ont pas les réserves du RN ou de Renaissance. Elle va devoir compter sur le militantisme et les petits dons. Un pari risqué, mais qui a déjà fonctionné ailleurs (regardez les Verts allemands).
Troisième point, et pas des moindres : le RN reste en embuscade. Jordan Bardella et Marine Le Pen savent très bien récupérer la colère des classes populaires. Et l’écologie punitive (taxes carbone mal expliquées, normes trop brutales) reste leur fonds de commerce. Marine Tondelier va devoir expliquer, encore et encore, que son projet n’est pas celui de la décroissance subie mais de la transition juste.
Ce qu’elle propose concrètement (et pourquoi ça peut parler)
On commence à avoir une idée assez précise de son socle programmatique. Et croyez-moi, ça ne ressemble pas à ce qu’on a entendu en 2022.
Quelques mesures phares qui circulent déjà :
- 100 % d’énergies renouvelables en 2040 (avec un plan massif d’investissement public)
- Revenu d’existence écologique pour les 18-25 ans couplé à une formation dans les métiers verts
- Blocage des loyers et construction de 300 000 logements sociaux par an
- Taxe sur les super-profits pour financer la bifurcation écologique
- Referendum sur la sortie du nucléaire… ou son maintien mais avec un vrai plan de sécurité
Ce qui change, c’est le ton. On est loin du « il faut réduire la consommation de viande » lancé comme ça. Elle parle relocalisation, souveraineté alimentaire, protection des agriculteurs, justice sociale. L’écologie est présentée comme la solution, pas comme le problème.
Et maintenant ? Les prochaines étapes
La campagne commence aujourd’hui, littéralement. Elle a annoncé qu’elle allait directement sur le terrain, auprès de celles et ceux qui souffrent du budget d’austérité. C’est malin. Ça pose immédiatement le marqueur : elle n’est pas dans les salons parisiens, elle est avec les gens.
Les mois qui viennent vont être décisifs. Il va falloir structurer l’équipe, lever des fonds, construire un réseau territorial, écrire le projet. Et surtout, tenir la ligne quand les attaques viendront. Parce qu’elles viendront. De tous les côtés.
Moi, ce que je retiens pour l’instant, c’est cette phrase qu’elle répète souvent : « L’écologie n’est pas une option, c’est une urgence vitale. » Hier, les militants lui ont répondu : « Vas-y, on te suit. » Reste à savoir si, d’ici 2027, les Français feront le même choix.
Une chose est sûre : ça fait longtemps que l’écologie politique n’avait pas eu une candidate aussi crédible, aussi ancrée, aussi prête à en découdre.
Et ça, franchement, ça fait du bien.
(Article mis à jour le 8 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
