Imaginez-vous marcher dans les rues scintillantes d’Annecy un soir d’hiver. Le lac gelé reflète les lumières de Noël, les touristes prennent des selfies devant le Palais de l’Île… et pourtant, à quelques mètres, une silhouette emmitouflée tente de dormir sur un banc. Trois cents personnes, selon les associations locales, vivent ainsi dehors dans l’une des villes les plus chères de France. C’est ce contraste brutal qu’un jeune candidat de 29 ans a décidé de mettre au cœur de sa campagne pour les municipales 2026.
À trois mois du scrutin, le débat s’annonce déjà électrique.
Un programme qui tape fort dès le départ
Vincent Drême, tête de liste soutenue par la gauche radicale, ne fait pas dans la demi-mesure. Son cheval de bataille ? Réquisitionner les logements vacants pour loger en priorité les sans-abri. Le chiffre qu’il brandit est impressionnant : plus de 5 500 appartements et maisons seraient vides rien qu’à Annecy. 7,3 % du parc immobilier, d’après les dernières statistiques officielles. Autant de toits qui pourraient abriter des familles entières pendant que leurs propriétaires attendent, parfois des années, la plus-value idéale.
Franchement, quand on voit le prix du mètre carré dans la « Venise des Alpes », l’idée a de quoi faire grincer des dents… et en même temps, elle semble presque évidente.
Réquisition : utopie ou outil juridique bien réel ?
Beaucoup ont crié au scandale en entendant le mot « réquisition ». On imagine tout de suite des huissiers qui défoncent les portes avec les caméras de télévision. En réalité, la procédure existe bel et bien dans le code de l’urbanisme et le code de la construction. Des maires l’ont déjà utilisée – parfois timidement, parfois avec plus de détermination – dans d’autres villes françaises.
Le principe est simple sur le papier : lorsqu’un logement reste vacant plus de deux ans sans raison valable, la commune peut, après mise en demeure, le réquisitionner avec l’accord préfectoral. L’indemnité versée au propriétaire est fixée par l’État. Ce n’est pas la révolution cubaine, c’est la loi française.
« Il y a urgence humaine. Quand on sait qu’on a 300 personnes qui dorment dehors et 5 500 logements vides, on n’a plus le choix. »
Vincent Drême, candidat à Annecy
L’intéressant, c’est que le candidat ne s’arrête pas là. Il veut faire voter la réquisition par le conseil municipal lui-même, histoire de marquer politiquement le coup. Un symbole fort dans une ville plutôt habituée aux majorités de centre-droit depuis des décennies.
Transports en commun gratuits : le pari qui divise
Deuxième mesure choc : la gratuité totale des bus et cars sur le territoire du Grand Annecy. Pas de demi-tarif, pas de gratuité le week-end seulement : zéro euro, tout le temps, pour tout le monde.
On a déjà vu l’expérience ailleurs. Certaines villes moyennes ont franchi le pas avec succès, d’autres ont reculé devant le manque à gagner. À Annecy, le réseau est plutôt bien développé, mais le coût du ticket reste un frein pour beaucoup de familles modestes qui vivent en périphérie.
- Moins de voitures dans le centre-ville historique déjà saturé
- Un vrai coup de pouce pour les étudiants et les travailleurs précaires
- Une baisse mécanique de la pollution autour du lac
- Mais… un manque à gagner estimé à plusieurs millions d’euros par an
Le candidat balaie l’objection d’un revers de main : « Tout est question de priorités budgétaires. » Et il sort l’artillerie lourde.
Le million d’euros du Lyon-Turin dans le viseur
Parmi les pistes de financement, il cite sans détour la subvention d’un million d’euros votée par l’agglomération pour le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin. Un chantier pharaonique que la gauche radicale combat depuis des années, au nom de l’écologie et des finances publiques.
« Avec ce million, on pourrait déjà faire beaucoup », assure-t-il. Et d’ajouter que d’autres grands projets coûteux pourraient être revus à la baisse. Le message est clair : on peut choisir entre un tunnel sous les Alpes ou des bus gratuits pour les Annéciens. Difficile de faire plus clivant comme arbitrage.
Cantine scolaire à zéro euro : l’autre promesse qui fait rêver
Troisième mesure sociale forte : la cantine gratuite pour tous les écoliers. Là encore, l’idée n’est pas neuve. Certaines communes l’ont mise en place, souvent avec des résultats encourageants sur la fréquentation et la mixité sociale.
À Annecy, où le coût de la vie pèse lourd sur les budgets familiaux, la mesure pourrait changer la vie de milliers de parents. Reste la question du financement : plusieurs millions d’euros supplémentaires chaque année. Le candidat promet de dégager les marges en abandonnant certains projets d’investissement jugés « non prioritaires ».
Démocratie participative : la touche en plus
Au-delà des mesures sociales, Vincent Drême veut « remettre de la démocratie » dans la vie locale. Concrètement ? Toute pétition réunissant 5 % des inscrits déclencherait automatiquement un débat au conseil municipal, voire un référendum local.
Dans une ville où l’abstention atteint parfois des records, l’idée séduit une partie de la jeunesse et des milieux associatifs. On imagine déjà les sujets explosifs : la piétonnisation définitive du centre-ville, le sort des grands équipements sportifs, ou même… la réquisition des logements vacants.
Un candidat de 29 ans face aux barons locaux
À tout juste 29 ans, le candidat incarne une rupture générationnelle. Face à lui, les sortants et les prétendants plus classiques misent sur l’expérience et la continuité. Lui assume pleinement son profil « outsider » et sa radicalité assumée.
Est-ce que les Annéciens, plutôt attachés à leur qualité de vie et à leur pouvoir d’achat immobilier, sont prêts à tenter l’aventure ? Rien n’est moins sûr. Mais une chose est certaine : le débat est lancé, et il promet d’être passionné jusqu’en mars 2026.
Parce qu’au fond, derrière les mesures choc, c’est bien la question du modèle de société qui se pose. Veut-on une Annecy carte postale pour touristes fortunés ? Ou une ville qui assume enfin ses contrastes et tente, vraiment, de ne laisser personne au bord du lac ?
Les prochains mois nous le diront. En attendant, une chose est sûre : on n’a pas fini d’en parler autour des raclettes cet hiver.
(Article mis à jour le 8 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
