Vous êtes supporter d’un club et votre équipe enchaîne les défaites comme on enchaîne les numéros dans un spectacle raté. Que faites-vous ? Vous pleurez dans votre écharpe ? Vous cassez tout ? Ou… vous montez un cirque ? À Nice, une partie des fans a choisi la troisième option. Et franchement, c’est du génie.
Quand le désespoir devient une œuvre d’art
Ce week-end, pendant que les joueurs étaient en mise au vert avant d’affronter Angers, des dizaines d’affiches ont fleuri dans les rues de la ville. Style vieille réclame de foire, couleurs criardes, typographie façon années 1900. Le message ? « Cirque OGC Nice : le plus célèbre cirque d’Europe enfin de retour ! » Avec un lien vers un site internet. Rien de plus.
Le dimanche soir suisse, après la septième défaite consécutive (0-1 contre Angers, si vous avez le cœur bien accroché), le site se réveille. Et là… c’est du grand art.
Vous cliquez sur le logo d’un adversaire et bam : musique de cirque ringarde, score de la défaite qui s’affiche en lettres géantes, animation cheap mais tellement juste que ça fait mal. On peut même « parier » la prochaine rouste, jeudi contre Braga en Europa League. Autodérision niveau expert.
Un buzz qui dépasse le simple gag
En 24 heures, le tweet qui présente le site dépasse le million six cent mille vues. Pas mal pour un club de 25 000 abonnés en temps normal. Les retombées sont partout, les groupes Facebook s’enflamment, même les supporters adverses partagent en riant jaune : « Chez nous aussi on pourrait faire ça ».
Moi qui ai vu pas mal de contestations dans le foot français, je peux vous dire que rarement une action a été aussi bien exécutée. Pas de violence, pas d’insultes directes, juste une énorme claque humoristique qui dit : « Regardez ce que vous nous faites vivre ».
On ne casse rien, on ne menace personne. On rit de notre propre douleur. Et ça fait plus mal que n’importe quelle banderole « Direction dégagerez ».
Un supporter anonyme à l’origine du projet
Le contexte sportif fait peine à voir
Revenons deux secondes sur les chiffres, parce qu’ils sont historiques dans le mauvais sens du terme. Sept défaites de suite toutes compétitions confondues. C’est du jamais-vu à Nice depuis… très longtemps. On parle d’un club qui jouait le podium il y a encore deux saisons.
- 0 victoire sur les 7 derniers matchs
- 1 petit but marqué sur la période
- 14e place en Ligue 1 avec 15 points en 15 journées
- Élimination quasi assurée en Europa League
Et surtout, une rupture totale avec une partie du public. Le match contre Angers s’est joué devant des tribunes à moitié vides et sous les sifflets. Le centre d’entraînement est sous haute surveillance depuis les incidents de la semaine précédente. L’ambiance est électrique.
Le site : petit bijou technique et émotionnel
Techniquement, rien de fou. Un simple site one-page, probablement fait en une nuit avec un générateur gratuit. Mais l’idée est tellement juste que ça devient culte.
Chaque logo cliquable représente une défaite. Vous cliquez sur Angers ? Musique de clown, « 0-1 » qui tombe comme un rideau de scène. Vous cliquez sur Saint-Étienne ? Même punition. Et à la fin, un petit bouton « Parier la prochaine défaite ». Cynique, cruel, parfait.
J’ai testé. J’ai ri jaune. Puis j’ai eu envie de pleurer. Parce que c’est exactement ça, le sentiment actuel : on se moque de nous, alors on se moque de nous-mêmes pour ne pas devenir fous.
Un précédent qui fait écho : le Kita Circus nantais
Les plus anciens se souviennent. Décembre 2020, Nantes nomme Raymond Domenech. Les supporters diffusent une musique de cirque pendant l’entraînement avec une sono géante. Ils avaient appelé ça le « Kita Circus », du nom du président d’alors.
Cinq ans plus tard, même procédé, même désespoir, même talent créatif. Le foot français a cette capacité incroyable à transformer la souffrance en meme vivant. Et parfois, ces memes font plus bouger les lignes que dix communiqués officiels.
Et maintenant ?
Jeudi, Nice joue Braga. Match capital pour la survie européenne. Si défaite il y a, le site ajoutera probablement un huitième clown. Et là, même les plus optimistes commenceront à sérieusement douter.
Franck Haise répète qu’il faut « se regarder dans la glace ». Les joueurs jurent qu’ils sont touchés. Mais sur le terrain, rien ne change. Et dans les rues de Nice, les affiches continuent de fleurir discrètement, même si le club les arrache dès qu’il peut.
Ce qui est sûr, c’est que cette action a remis l’OGC Nice au centre de la conversation footballistique française. Pas pour un exploit sportif, malheureusement. Mais pour une créativité dans la contestation qu’on n’avait plus vue depuis longtemps.
Et parfois, dans le foot, c’est quand tout va mal que naissent les plus belles histoires. Même si elles ont un goût amer de musique de cirque et de clown triste.
Allez le Gym. Même quand ça fait mal. Surtout quand ça fait mal.
