Vous est-il déjà arrivé d’être réveillé en pleine nuit par une odeur si forte qu’elle vous donne envie de tout fermer, volets compris ? À Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne, c’est devenu le lot quotidien de centaines d’habitants. Une odeur âcre, parfois décrite comme du chou fermenté, de la soupe avariée ou pire encore, qui s’infiltre partout. Et le coupable désigné pointe droit vers une usine historique de production de levures implantée depuis des décennies au cœur du quartier.
Franchement, quand on pense banlieue parisienne, on imagine plutôt le bruit des trains ou les embouteillages, pas forcément une guerre olfactive contre une entreprise centenaire. Et pourtant.
Quand la levure devient un cauchemar quotidien
Remontons un peu le temps. En septembre dernier, les plaintes ont commencé à pleuvoir. Les riverains signalaient des odeurs insupportables, surtout le soir et la nuit, au moment où on a envie d’aérer après une journée enfermée. Très vite, le lien a été fait avec les travaux de rénovation en cours sur le site de production. Logique : quand on modernise une usine vieille de plusieurs générations, on touche forcément à des cuves, des circuits, des filtres… et parfois, les odeurs s’échappent.
L’entreprise, elle, avait été claire : c’était temporaire. Les désagréments devaient cesser dès la fin des travaux, prévue pour octobre. On leur avait fait confiance. On avait patienté. On avait fermé les fenêtres en attendant des jours meilleurs.
Sauf que nous y voilà, début décembre, et ça sent toujours aussi fort. Voire plus fort certains jours.
Des riverains à bout de nerfs
« On nous avait dit que tout serait réglé en octobre, et là on approche de Noël » – cette phrase, je l’ai entendue plusieurs fois en discutant avec les habitants du quartier. Il y a cette maman qui n’ose plus faire manger ses enfants sur la terrasse. Ce retraité qui dort toutes fenêtres fermées même quand il fait 25 °C. Cette jeune femme qui hésite à inviter des amis parce qu’elle a honte de l’odeur qui flotte dans son appartement.
« L’été dernier c’était déjà compliqué, mais là c’est pire. On a l’impression que ça ne s’arrêtera jamais. »
– Une riveraine excédée
Et puis il y a eu cette intervention des pompiers, un soir de semaine. Plusieurs camions, gyrophaires allumés, dans la rue. Les habitants ont cru à une fuite toxique. En réalité, c’était « seulement » l’odeur habituelle, mais si intense que plusieurs personnes avaient appelé les secours, paniquées.
Vous imaginez le sentiment ? Vivre à côté d’un site qui déclenche des interventions de pompiers… pour une odeur.
L’entreprise minimise, les habitants témoignent du contraire
De son côté, la direction de l’usine assure qu’il n’y a aucune augmentation des nuisances olfactives. Selon eux, les travaux se déroulent normalement et les systèmes de traitement des odeurs fonctionnent. Des mesures auraient même été réalisées pour le prouver.
Mais sur le terrain, la réalité semble bien différente. Quand vous marchez rue Georges-Médéric ou dans les rues adjacentes, difficile de ne pas froncer le nez. L’odeur est là, tenace, parfois discrète, parfois violente. Elle varie selon le vent, l’heure, la production du jour. Et c’est précisément cette imprévisibilité qui rend les gens fous.
- Le matin : ça va à peu près
- En fin d’après-midi : première vague
- Le soir après 20 h : pic souvent insoutenable
- La nuit : ça dépend du vent, mais quand ça tourne mal… bon courage
Certains ont installé des applications pour mesurer la qualité de l’air. D’autres ont commencé à prendre des photos, des vidéos, à noter les horaires précis. Un vrai travail de fourmi pour constituer un dossier solide.
Vers la création d’un collectif de riverains ?
Pour l’instant, les actions restent individuelles : signalements à la mairie, à la préfecture, courriers recommandés, appels. Mais la lassitude aidant, l’idée d’un collectif commence à germer sérieusement.
« Si on veut peser vraiment, il va falloir qu’on s’organise » m’a confié une habitante particulièrement mobilisée. Elle n’est pas la seule à y penser. Sur les groupes de quartier, sur les réseaux sociaux locaux, les messages fusent. On partage les expériences, les conseils, les contacts d’avocats spécialisés en droit de l’environnement.
Parce qu’au-delà de l’inconfort, il y a une vraie question de santé publique. Respirer ces composés organiques volatils pendant des mois, voire des années, ça ne peut pas être anodin. Maux de tête, nausées, troubles du sommeil… les témoignages s’accumulent.
Une usine historique au cœur d’un quartier résidentiel
Il faut comprendre le contexte. Cette usine n’est pas arrivée hier. Elle fait partie du paysage depuis des décennies, bien avant que les immeubles et pavillons ne se multiplient autour. À l’époque, le quartier était plus industriel, moins densément peuplé. Aujourd’hui, c’est une zone résidentielle familiale, avec écoles, crèches, parcs.
Classée ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement), elle est soumise à des contrôles réguliers. Mais visiblement, les normes actuelles ne suffisent pas à protéger les riverains de ces pointes olfactives. Et quand on modernise un site aussi ancien, on réveille parfois des problèmes qu’on croyait endormis.
Le paradoxe, c’est que l’entreprise communique beaucoup sur sa démarche RSE, son engagement écologique, ses procédés biosourcés… Pendant ce temps, à 200 mètres, des familles ferment leurs fenêtres en pestant.
Que peut faire la puissance publique ?
La mairie, elle, dit suivre le dossier de près. Des échanges ont lieu avec l’entreprise et avec la préfecture, qui est l’autorité compétente pour les installations classées. Des inspections ont été réalisées. Des mises en demeure ont peut-être été envoyées – on ne sait pas tout.
Mais pour l’instant, aucune sanction visible, aucun arrêt temporaire d’activité, aucune mesure radicale. Et les riverains attendent. Encore.
On parle parfois de capteurs olfactifs, de nouvelles technologies de traitement des effluents, de plans d’action renforcés. Des mots. Des promesses. Des délais.
Et demain ?
Personne ne demande la fermeture de l’usine – ce serait irréaliste et ça mettrait des emplois en danger. Mais tout le monde veut simplement pouvoir respirer normalement chez soi. Ouvrir une fenêtre sans avoir la nausée. Faire sécher son linge dehors. Inviter des amis sans devoir s’excuser toutes les cinq minutes.
Est-ce trop demander ?
Ce qui se joue à Maisons-Alfort n’est pas un cas isolé. Dans beaucoup de villes, des usines historiques cohabitent difficilement avec l’étalement urbain. La question de la relocalisation, des indemnisations, des technologies anti-odeurs revient souvent. Mais les solutions coûtent cher. Et tant que les normes sont respectées sur le papier, il est difficile d’imposer plus.
En attendant, les habitants continuent de vivre avec cette odeur qui leur colle à la peau – au sens propre comme au figuré. Certains songent à déménager. D’autres se battent. La plupart espèrent juste que Noël 2025 ne sentira pas la levure avariée.
Parce que franchement, il y a des traditions qu’on préférerait garder pour les fêtes : le sapin, la bûche, les oranges… Pas l’odeur d’une usine qui n’a toujours pas tenu ses promesses.
Et vous, avez-vous déjà été confronté à des nuisances industrielles près de chez vous ? Comment avez-vous réagi ? Les commentaires sont ouverts, venez partager votre expérience.
