Vous vous souvenez de cette sensation bizarre quand un allié vous plante un couteau dans le dos, mais avec le sourire ? Hier soir, en direct à la télévision, j’ai eu exactement ce frisson. Un ancien Premier ministre, censé être dans le camp du pouvoir, annonce tranquillement qu’il ne soutiendra pas le budget de la Sécurité sociale. Et pas n’importe lequel : celui qui doit passer en seconde lecture ce mardi. Autant dire que la soirée a été longue pour tout le monde à l’Élysée.
Quand l’allié devient l’arbitre du match
Il y a des moments où la politique française ressemble à une partie de poker menteur géante. Et là, Édouard Philippe vient de poser un gros tapis sur la table. Le leader du parti Horizons, qui compte une trentaine de députés indispensables à la majorité relative, a déclaré sans trembler qu’il allait proposer à son groupe de s’abstenir lors du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Pas un vote contre, attention. Une abstention. En langage parlementaire, c’est la pire des gifles pour le gouvernement : tu ne nous aides pas, mais tu ne nous fais pas tomber non plus. Tu nous laisses vivre… pour l’instant.
« Ce texte ne nous satisfait pas et nous ne pouvons pas le voter. »
Édouard Philippe, le 8 décembre 2025
26 milliards de déficit : le chiffre qui fait mal
Le cœur du problème ? Le trou abyssal de la Sécu. On parle de 26 milliards d’euros de déficit prévu pour 2026. Pour vous donner une idée, en 2019, avant la pandémie, on visait l’équilibre pour 2029 avec un déficit résiduel d’à peine 1 milliard. Le Covid est passé par là, certes, mais tout le monde n’achète plus cette excuse éternelle.
Édouard Philippe, lui, tape du poing sur la table. Il rappelle que la trajectoire était censée être maîtrisée. Et là, on est loin du compte. D’après lui, cautionner ce dérapage reviendrait à mentir aux Français sur l’état réel des finances publiques.
- Déficit prévu 2026 : 26 milliards €
- Objectif initial 2029 : quasi équilibre
- Réalité actuelle : explosion continue depuis 2020
- Conséquence : hausse des cotisations ou baisse des remboursements à venir ?
Une position calculée au millimètre
Ce qui est fascinant, c’est la nuance. Il n’appelle pas à voter contre. Certains de ses députés auraient pourtant aimé aller plus loin. Lui préfère l’abstention. Pourquoi ? Parce que faire tomber le gouvernement maintenant serait trop risqué. Les Français n’ont pas envie d’une élection législative anticipée à six mois des municipales. Lui non plus, d’ailleurs.
Mais en même temps, il marque son territoire. Il montre qu’il existe, que son parti n’est pas un simple supplétif de la macronie, et surtout qu’il peut faire mal quand il veut. C’est du Philippe tout craché : froid, méthodique, et toujours trois coups d’avance.
« Je ne suis pas partisan du KO, je n’appelle pas à voter contre. Mais on ne fera pas voter les députés Horizons pour un texte qui n’est pas en faveur des Français. »
La majorité relative au bord de la crise de nerfs
Dans les couloirs de l’Assemblée, l’ambiance est électrique. Sans les voix Horizons, le texte peut encore passer grâce aux abstentions constructives ou aux absences stratégiques, mais le signal politique est désastreux. On parle d’un vote qui pourrait se jouer à quelques voix près.
Le gouvernement a déjà dû faire des concessions de dernière minute : un amendement relevé la hausse des dépenses d’assurance maladie de 2 à 3 %. Pas suffisant pour calmer tout le monde, visiblement.
Et pendant ce temps, l’opposition se régale. À gauche, on crie à l’austérité déguisée. À droite et à l’extrême droite, on accuse le gouvernement d’irresponsabilité budgétaire. Tout le monde a raison… et tout le monde a tort. Classique.
2027 se joue dès aujourd’hui
Ne nous y trompons pas : cette abstention, c’est déjà la campagne présidentielle qui commence. Édouard Philippe se positionne comme l’homme raisonnable, rigueur, qui dit non quand il faut dire non. Celui qui refuse les compromis pourris. Celui qui pourrait incarner une droite républicaine moderne face à un macronisme essoufflé.
Et ça marche. Dans les sondages, il reste solidement installé dans le top 3 des personnalités politiques préférées des Français. Mieux : il est souvent le seul homme de droite à pouvoir battre Marine Le Pen au second tour dans les simulations.
Ce petit coup d’éclat sur le budget de la Sécu ? C’est une pierre de plus dans son jardin présidentiel. Discrète, mais lourde.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles
- Le texte passe quand même – Grâce à quelques ralliements de dernière minute ou abstentions de LR. Le gouvernement respire, mais sort affaibli.
- Le texte est rejeté – Très improbable, mais pas impossible si une partie des LR suit le mouvement. Crise politique immédiate.
- 49.3 de la dernière chance – Le gouvernement dégaine l’arme constitutionnelle. Le texte passe en force, mais l’image du dialogue et de la majorité apaisée en prend un coup.
Personnellement, je parie sur le scénario 1 avec un soupçon de scénario 3 en réserve. On n’est jamais trop prudent.
Ce que ça dit de la France de 2025
Au-delà du petit jeu parlementaire, il y a une réalité plus dure. La France vit à crédit depuis des années. La Sécu, c’était le joyau de l’après-guerre. Aujourd’hui, elle vacille. Et personne n’a vraiment le courage de dire la vérité : soit on augmente les cotisations ou les impôts, soit on baisse les remboursements, soit on repousse encore l’âge de la retraite.
Édouard Philippe, lui, choisit de ne pas choisir. Pour l’instant. Mais en refusant de voter ce budget, il pose la bonne question : jusqu’où peut-on continuer comme ça ?
Et franchement, on aimerait tous avoir une réponse.
Ce mardi 9 décembre 2025, les regards seront tournés vers l’hémicycle. Pas seulement pour savoir si le budget passe ou pas. Mais pour voir si la France politique française basculer, doucement mais sûrement, vers un nouvel équilibre. Ou un nouveau chaos. Comme d’habitude, en fait.
(Article écrit dans la nuit du 8 au 9 décembre 2025 – mise à jour après le matin après le vote si nécessaire)
