Vous est-il déjà arrivé de lever les yeux au ciel la nuit et de vous demander ce que pouvait bien faire cette petite lumière qui bouge bizarrement ? Moi, oui, plusieurs fois. Mais quand cette lumière passe au-dessus d’une base militaire ultra-sensible, là, ça change tout. Fin novembre, c’est exactement ce qui s’est produit au pôle interarmées de Creil-Senlis. Et franchement, ça commence à faire beaucoup.
Je ne vais pas vous refaire le couplet habituel « les drones envahissent notre ciel ». Non. Ce que je veux, c’est qu’on prenne le temps de comprendre ce qui se passe vraiment, parce que les communiqués laconiques de l’armée, aussi rassurants soient-ils, ne suffisent plus à calmer l’impression que quelque chose nous échappe.
Un énième survol qui pose question
Reprenons depuis le début. Dans la nuit du 26 novembre, plusieurs appareils volants non identifiés ont été détectés au-dessus de cette ancienne base aérienne reconvertie en centre névralgique du renseignement militaire français. Les militaires parlent d’une présence « avérée ». Traduction : ce n’était pas une illusion d’optique.
Un hélicoptère a été envoyé sur zone en urgence. Quand il arrive ? Plus rien. Les drones ont disparu dans la nature. Ou plutôt dans le brouillard, parce qu’il faut bien le dire : les conditions météo cette nuit-là étaient absolument pourries. Plafond bas, visibilité quasi nulle. Le terrain de jeu parfait pour qui veut observer sans être vu.
Et ce n’est pas tout. Les nuits suivantes – les 28 et 30 novembre – d’autres signalements. Moins certains, cette fois. Les militaires restent prudents : impossible d’affirmer à 100 % qu’il s’agissait bien de drones et non d’avions en approche de Roissy qui se reflétaient dans les nuages. Vous savez, ce genre de confusion qui arrive quand on est à 50 km de l’un des plus gros aéroports d’Europe.
Creil-Senlis, c’est quoi exactement ?
Pour ceux qui ne connaissent pas, cette base n’est pas n’importe laquelle. On y traite du renseignement image, du renseignement électronique, des écoutes. Bref, tout ce qui permet à la France de savoir ce qui se passe chez les autres avant qu’eux-mêmes ne le sachent. C’est un peu le cerveau de notre défense. Survoler ça, ce n’est pas comme passer au-dessus d’un champ de betteraves.
« Tout lien avec des provocations étrangères est à ce stade prématuré »
Communiqué officiel des forces armées
Officiellement, donc, on calme le jeu. Pas de panique. Pas d’État hostile derrière tout ça. Mais permettez-moi d’être sceptique. Quand on voit la liste des sites survolés ces dernières semaines, on commence à se poser des questions sérieuses.
Une série qui commence à faire beaucoup
Petit rappel des épisodes précédents, parce que là, on n’est clairement plus dans le hasard :
- Début décembre : cinq drones au-dessus de l’Île Longue, là où dorment nos sous-marins nucléaires.
- Début novembre : un convoi de chars Leclerc filmé près de Mulhouse.
- Fin octobre : un site de production de poudre pour obus détecte un intrus dans son ciel.
- Et maintenant Creil.
Vous avez dit coïncidence ? Moi, j’ai plutôt envie de dire « pattern ». Il y a un schéma qui se dessine, et il n’est pas particulièrement rassurant.
Pourquoi c’est si compliqué à gérer
La vérité, c’est que repérer un drone la nuit, par mauvais temps, sans matériel dédié, c’est mission impossible pour un œil humain. Un témoin voit une lumière, il appelle les gendarmes, les gendarmes appellent l’armée, l’armée envoie un hélicoptère… et entre-temps, l’appareil a filé depuis belle lurette.
Et puis il y a cette réalité un peu gênante : aujourd’hui, n’importe qui peut acheter un drone capable de voler à plusieurs kilomètres pour quelques centaines d’euros. Un gamin de 15 ans ? Possible. Un journaliste un peu trop curieux ? Pourquoi pas. Un service de renseignement étranger ? Évidemment aussi.
C’est tout le problème : la technologie est devenue démocratisée, mais nos moyens de protection, eux, peinent à suivre.
Entre psychose et menace réelle
Certains experts – et ils ont raison sur ce point – mettent en garde contre le risque d’emballement collectif. Un peu comme ces histoires d’OVNI dans les années 50. Une lumière bizarre dans le ciel, tout le monde crie à l’invasion extraterrestre, alors qu’en réalité c’était juste un ballon-sonde.
Mais là, on parle de sites qui abritent les joyaux de notre défense nationale. Alors oui, il y a peut-être des confusions. Oui, il y a sûrement des drones de loisir pilotés par des inconscients. Mais quand même. Quand on additionne tous ces incidents, on obtient quelque chose qui ressemble furieusement à une campagne d’observation.
Et si demain, ces drones n’étaient plus là juste pour regarder ? Si on passait à l’étape suivante ? Parce que techniquement, rien n’empêche d’équiper ces petites machines de charges explosives ou de systèmes de brouillage. On l’a vu ailleurs.
Ce que l’armée ne dit pas (ou pas encore)
Ce qui me frappe, dans les communiqués, c’est le soin apporté à répéter que « la base reste pleinement opérationnelle » et qu’il n’y a « aucune dégradation ». C’est bien. C’est rassurant. Mais ça n’explique pas pourquoi on porte plainte à chaque fois. Ni pourquoi on ouvre des enquêtes. Si c’était vraiment anodin, on classerait l’affaire en deux secondes.
Autre détail qui interpelle : l’armée parle de « plusieurs drones » pour la nuit du 26 novembre. Pas un. Plusieurs. Coordonner plusieurs appareils au-dessus d’un site protégé, la nuit, par brouillard… ça demande un minimum de savoir-faire. Ça ne sent pas franchement le pilote du dimanche qui s’est perdu.
Et maintenant ?
La question qui brûle les lèvres, c’est : que va-t-on faire ? Parce que visiblement, envoyer un hélicoptère après coup, ça ne suffit plus. On parle depuis des années de systèmes anti-drones – brouilleurs, lasers, faucons dressés (si, si, ça existe). Mais dans les faits, on reste souvent démunis.
Il va falloir accélérer. Renforcer les détecteurs, mettre en place des patrouilles dédiées, peut-être même revoir certaines procédures d’alerte. Parce que si ces survols sont l’œuvre d’un acteur étatique – et je ne dis pas que c’est le cas, mais imaginons –, alors on est en train de lui offrir sur un plateau des informations précieuses sur nos temps de réaction.
Et ça, c’est le genre de cadeau empoisonné qu’on préfère éviter.
En attendant, la nuit continue de tomber sur nos bases militaires. Et quelque part, dans l’ombre, des petites lumières dansent dans le ciel. Des curieux ? Des amateurs ? Ou le signe discret qu’une nouvelle forme de guerre froide est déjà en cours, à quelques dizaines de mètres au-dessus de nos têtes ?
Une chose est sûre : on n’a pas fini d’en parler.
