Vous est-il déjà arrivé de discuter autour d’un café et d’entendre « de toute façon, les chômeurs préfèrent rester chez eux avec les allocs » ? Moi oui, trop souvent. Et pourtant, à chaque fois, ça me hérisse le poil. Parce que derrière ces phrases toutes faites, il y a des vies, des galères, et surtout une méconnaissance abyssale de la réalité.
Récemment, j’ai plongé dans les résultats d’une grande enquête nationale menée auprès de plusieurs milliers de personnes – actifs, chômeurs, jeunes, seniors. Et franchement, les chiffres m’ont scotché. On parle de 66 % des Français qui estiment que la situation de l’emploi se dégrade, un bond de 16 points en un an. C’est énorme. Presque le niveau Covid. Mais le plus intéressant, c’est ce que cette peur collective cache : un tas d’idées reçues qui pourrissent la vie de ceux qui cherchent vraiment du boulot.
Le mur des préjugés : ce que tout le monde croit… à tort
Commençons par le commencement. Quand on demande aux gens ce qu’ils pensent du chômage, les réponses sont souvent tranchées. Et pourtant, quand on gratte un peu, la réalité est bien différente.
Mythe n°1 : « Les chômeurs ne veulent pas travailler »
Cette phrase, on l’entend partout. Dans les dîners, dans les commentaires sur les réseaux, parfois même dans la bouche de responsables politiques. Sauf que les chiffres disent exactement l’inverse.
Plus de huit demandeurs d’emploi sur dix déclarent être prêts à accepter un poste immédiatement si on leur propose quelque chose qui correspond à leurs compétences. Prêts à déménager, prêts à changer de métier, prêts à baisser leurs prétentions salariales si nécessaire. Alors d’où vient ce cliché tenace ? Probablement du fait que beaucoup d’actifs en poste n’ont jamais eu à chercher sérieusement un emploi depuis longtemps.
« La plupart des gens imaginent le chômeur comme quelqu’un qui se lève à midi et regarde des séries toute la journée. En réalité, chercher un emploi aujourd’hui, c’est un boulot à temps plein. »
– Un conseiller en insertion professionnelle que j’ai rencontré récemment
Mythe n°2 : « Il y a du travail pour tout le monde, suffit de bouger »
Là encore, c’est plus compliqué. Oui, certains secteurs recrutent à tour de bras – la santé, le numérique, les services à la personne, l’artisanat. Mais non, ce n’est pas aussi simple que « il suffit de se bouger ».
Prenez les territoires. Dans certaines régions, les offres d’emploi sont rares, très rares. Et quand il y en a, elles demandent souvent une voiture (or tout le monde n’en a pas une), ou de pouvoir se libérer à des horaires atypiques (quand on a des enfants, c’est pas toujours évident).
- La garde d’enfants arrive en tête des freins concrets, surtout pour les femmes seules
- Les problèmes de santé ou de handicap concernent un chômeur sur cinq
- La mobilité géographique ? Beaucoup sont prêts… mais pas à n’importe quel prix (éloignement familial, coût du logement)
Le fossé entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas
Ce qui m’a le plus marqué dans cette enquête, c’est la fracture de perception. Les gens en poste ont une vision bien plus négative du chômage que les principaux concernés.
Exemple : seulement un actif sur deux sait qu’on peut cumuler allocation et salaire quand on reprend une activité. Pourtant, c’est une mesure qui existe depuis des années et qui change tout pour accepter un temps partiel ou un CDD sans perdre trop financièrement.
Résultat ? Beaucoup de chômeurs se privent d’opportunités par peur de « perdre leurs droits », alors que dans les faits, ils pourraient gagner plus en travaillant.
Les seniors et les jeunes : les deux extrêmes du malentendu
Les plus de 50 ans sont particulièrement touchés par les stéréotypes. On les voit comme « trop vieux », « trop chers », « pas assez à l’aise avec le numérique ». Et pourtant, leur taux de retour à l’emploi stagne depuis des années.
À l’autre bout, les jeunes. On leur reproche de « refuser les jobs pas assez qualifiés ». Mais quand on creuse, on se rend compte que beaucoup enchaînent les stages non rémunérés, les contrats précaires, et finissent par se décourager.
Entre les deux, une génération qui a connu la stabilité du CDI et qui regarde avec suspicion ceux qui galèrent aujourd’hui. C’est violent.
Et si on parlait solutions concrètes ?
Parce que oui, il y en a. Et elles existent déjà, mais elles sont mal connues.
- La formation : plus de 70 % des demandeurs d’emploi sont prêts à se former, mais beaucoup ignorent les dispositifs financés à 100 % (CPF boosté, aides régionales, formations qualifiantes en alternance)
- Le cumul emploi/allocations : une mesure méconnue qui permet de garder jusqu’à 70 % de ses indemnités les premiers mois
- L’accompagnement renforcé : certains territoires testent des coachs dédiés, des immersions en entreprise, des parrainages par des salariés volontaires
- Les aides à la mobilité : location de véhicules à bas coût, prise en charge des frais de déménagement dans certains cas
J’ai discuté avec une femme de 52 ans qui, après deux ans de chômage, a repris un poste d’assistante administrative grâce à une formation de quatre mois entièrement prise en charge. Elle me disait : « Si j’avais su que c’était possible plus tôt, j’aurais gagné deux ans de ma vie. »
Ce que ça dit de notre société
Au-delà des chiffres, il y a quelque chose de plus profond. Cette enquête met en lumière une forme de fracture sociale. D’un côté, ceux qui ont la chance d’être en poste et qui projettent leurs peurs sur les autres. De l’autre, ceux qui vivent la recherche d’emploi au quotidien et qui se sentent jugés en permanence.
On stigmatise le chômeur, on le rend responsable de sa situation, alors que souvent, il fait face à des obstacles structurels : manque d’offres dans son bassin, problèmes de santé, contraintes familiales.
Et pendant ce temps, des milliers d’emplois restent non pourvus parce que les candidats potentiels ne savent pas qu’ils ont droit à des aides, ou parce qu’ils ont intégré l’idée qu’ils « ne valent plus rien » sur le marché du travail.
Comment changer les choses ?
La première étape, c’est l’information. Mieux faire connaître les droits, les aides, les dispositifs qui existent déjà. Parce que oui, le système est complexe, mais il offre aussi des solutions qu’on imagine même pas.
La deuxième, c’est changer de regard. Arrêter de voir le chômeur comme un assisté ou un flemmard, mais comme quelqu’un qui traverse une période difficile et qui a besoin de soutien, pas de jugement.
Et enfin, continuer à développer les politiques actives : formation tout au long de la vie, accompagnement personnalisé, lutte contre les discriminations à l’embauche (âge, adresse, nom à consonance étrangère…).
Parce qu’au final, un chômeur qui retrouve un emploi, ce n’est pas seulement une personne qui retrouve sa dignité et un salaire. C’est aussi quelqu’un qui va consommer, payer des impôts, faire vivre l’économie. Tout le monde y gagne.
Alors la prochaine fois qu’on vous dira « y’a qu’à se bouger », rappelez les chiffres. Et surtout, rappelez que derrière chaque statistique, il y a une histoire humaine. Et que ces histoires méritent mieux que des jugements à l’emporte-pièce.
Le marché du travail évolue, parfois dans le bon sens, parfois moins. Mais une chose est sûre : tant qu’on continuera à croire que le chômage est une question de volonté individuelle et pas un phénomène collectif, on passera à côté des vraies solutions.
Et vous, dans votre entourage, vous avez vu ces préjugés à l’œuvre ? Ou au contraire, des retours à l’emploi qui ont surpris tout le monde ? Partagez vos expériences en commentaire, ça m’intéresse vraiment.
