Quand on suit la Formule 1 depuis vingt ans, certains visages finissent par faire partie du décor. Helmut Marko, avec son regard d’aigle et son franc-parler légendaire, en faisait clairement partie. Et pourtant, l’impensable vient de se produire : à 82 ans, l’Autrichien s’apprête à raccrocher son badge Red Bull. Fin 2025, il ne sera plus là. Franchement, j’ai eu besoin de relire l’info deux fois pour y croire.
Un départ qui tombe comme un coup de tonnerre
On savait que ça finirait par arriver un jour – l’âge, quand même – mais personne ne pensait que ce serait aussi brutal. L’homme avait encore un contrat pour 2026. Il était là, présent à chaque week-end, à scruter les chronos, à passer des coups de fil à 6h du matin aux gamins du Red Bull Junior Team. Et puis paf, réunion express à Abou Dhabi, décision prise en quelques heures. Ça sent la sortie forcée, même si tout le monde jure que c’est « d’un commun accord ».
Ce qui rend le choc encore plus violent, c’est le timing. La saison 2025 vient de se terminer sur un scénario complètement dingue : Lando Norris champion pour deux petits points devant Max Verstappen. Red Bull a perdu son titre constructeurs depuis belle lurette. L’ambiance interne n’était déjà pas au beau fixe. Et là, on enlève le dernier pilier historique. Ça fait beaucoup.
Qui était vraiment Helmut Marko chez Red Bull ?
Pour les nouveaux fans, un petit rappel s’impose. Marko, c’est l’homme qui a littéralement construit l’empire Red Bull en F1. Arrivé dès 2005 lors du rachat de l’ex-écurie Jaguar, il a tout supervisé : le recrutement des ingénieurs stars (Newey en tête), la filière jeunes pilotes, les décisions parfois brutales (merci au revoir à Gasly, Albon, et tant d’autres).
Son grand œuvre ? Avoir repéré un gamin de 17 ans nommé Max Verstappen en 2014 et l’avoir imposé en F1 dès l’année suivante. Tout le monde criait au scandale, lui savait déjà qu’il tenait le futur roi. Résultat : quatre titres mondiaux consécutifs (2021-2024) et une domination écrasante. Sans Marko, pas de Verstappen chez Red Bull. Point.
« Je prends les décisions que personne n’ose prendre. »
Helmut Marko, à propos de son rôle
Le lien spécial avec Max Verstappen
Entre les deux hommes, c’est plus qu’une relation patron-pilote. C’est presque filial. Verstappen a toujours dit que Marko était le seul à vraiment le comprendre, le seul à le défendre quand tout le paddock lui tombait dessus. Quand il y a eu les rumeurs de clause de sortie dans le contrat de Max (liée justement à la présence de Marko), on a tous compris l’importance du personnage.
Aujourd’hui, la grande question que tout le monde se pose dans le paddock : est-ce que Max va rester calme ? Parce que perdre son mentor, son bouclier, dans une équipe déjà fragilisée par le départ de Horner et l’arrivée de Laurent Mekies… ça commence à faire beaucoup de raisons de regarder ailleurs.
Isack Hadjar, le dernier coup de génie de Marko
Juste avant de partir, Helmut Marko a quand même eu le temps de placer sa dernière pépite : Isack Hadjar. Le jeune Français, vice-champion F2 en 2025, va devenir titulaire chez Red Bull en 2026 aux côtés de Yuki Tsunoda (si on en croit les dernières rumeurs).
C’est Marko lui-même qui l’avait surnommé le « Petit Prost » à cause de sa taille (1,67 m) et de son intelligence de course. Il l’avait suivi depuis ses débuts en karting, l’avait fait entrer dans le programme juniors, protégé quand d’autres voulaient le virer après une saison F3 moyenne. Typique du personnage : il croit dur comme fer à ses choix, même quand tout le monde doute.
- Repéré très jeune dans le giron Red Bull
- Saison F2 2025 exceptionnelle (vice-champion)
- Premier Français titulaire chez Red Bull depuis… très longtemps
- Style de pilotage comparé à Alain Prost par Marko lui-même
En le promouvant maintenant, Marko laisse une dernière trace. Comme un testament.
Pourquoi maintenant ? Les coulisses d’une décision lourde
Officiellement, personne ne parle de conflit. Mais quand on gratte un peu, on entend que les rapports avec la nouvelle direction autrichienne (notamment Oliver Mintzlaff, le grand patron des activités sportives du groupe) étaient devenus compliqués. Marko, c’est old school : il dit ce qu’il pense, même quand ça dérange. Dans une entreprise qui cherche à lisser son image après toutes les polémiques récentes, ça commençait à coincer.
Il y a aussi la question de l’âge. À 82 ans, même si l’énergie est toujours là, les voyages incessants, les nuits courtes, les décisions à prendre sous pression… ça use. Peut-être qu’au fond, il a senti que c’était le bon moment pour passer la main. Même si ça doit lui coûter.
« La Formule 1 n’est pas un environnement statique. On ajuste toujours l’organisation. »
Laurent Mekies, directeur de l’équipe
Et après ? Les grands défis qui attendent Red Bull
Sans Marko, c’est toute la philosophie Red Bull qui risque de vaciller. L’équipe a toujours fonctionné sur un principe simple : repérer les meilleurs jeunes, les faire monter très vite, et virer sans état d’âme ceux qui ne suivent pas. C’était parfois cruel, mais diablement efficace.
Aujourd’hui, qui va reprendre ce rôle ? Laurent Mekies est un excellent technicien, mais il n’a pas le même réseau, la même aura. Le programme juniors risque de perdre en agressivité. Et ça, en F1, ça ne pardonne pas.
Il y a aussi la question Verstappen. Si Max décide de partir (Mercedes rôde toujours), Red Bull se retrouve avec Hadjar et Tsunoda, deux jeunes talents certes, mais pas encore au niveau pour ramener des titres tout de suite. Le risque de traverser une zone de turbulence pendant plusieurs années est réel.
Une page se tourne, mais la F1 n’attend pas
Helmut Marko laisse derrière lui quatre titres pilotes, cinq titres constructeurs, une équipe devenue référence absolue, et des dizaines de carrières lancées (ou brisées). Son style direct, parfois abrasif, va manquer au paddock. On perd un personnage bigger than life, comme on dit.
Mais la Formule 1, elle, continue. 2026 arrive avec ses nouvelles règles, ses nouveaux moteurs, ses nouveaux défis. Red Bull va devoir se réinventer. Sans son architecte historique. Ça promet du spectacle.
Et quelque part, je suis sûr que Marko regardera ça de loin, un petit sourire en coin, prêt à dire « je vous l’avais bien dit » si ça tourne mal… ou à applaudir discrètement si ça marche quand même.
Fin d’une ère, vraiment.
